Homélie sur la Transfiguration de saint Grégoire Palamas[1]

… Ce qu’est le soleil pour les hommes qui vivent selon leur seule sensation, et ne voient qu’avec leur sensation, le Christ l’est, en tant que Dieu, pour les hommes qui vivent selon l’Esprit, et voient dans l’Esprit. Et il n’est pas besoin, pour qui est semblable à Dieu, d’une autre lumière dans la vision divine. Oui, pour les éternels, Dieu Lui-même est lumière[2], et il n’en est point d’autre. Quelle serait en effet l’utilité d’une deuxième lumière, pour qui possède la lumière la plus élevée ? Or pendant qu’il priait, il resplendit ainsi et dévoila, ineffablement, à ceux qu’il avait élus d’entre ses disciples, cette lumière ineffable, et les plus grands des Prophètes étaient avec lui : il voulait montrer par là que c’est la prière qui procure cette bienheureuse contemplation, et nous apprendre que par la proximité avec Dieu, dans la vertu, notre union avec lui dans l’esprit, cette splendeur apparaît, s’offrant aux regards de tous ceux qui ne cessent de tendre vers Dieu grâce à leur assiduité dans les bonnes œuvres et à la pureté de leur prière. « Car seul un esprit purifié, a-t-on dit, peut contempler la beauté véritable et bienheureuse ; quiconque a tendu vers ses éclats fulgurants et vers ses grâces y participe selon sa propre mesure, comme si un rayon fleuri avait été peint sur sa pupille »[3]. C’est pourquoi Moïse, quand il conversait avec Dieu, eut son visage glorifié. Voyez-vous comment Moïse, lui aussi, fut transfiguré après être monté sur la montagne, et contempla aussi la gloire du Seigneur ? Mais il a subi[4] sa transfiguration, et ne l’a point produite. Comme on l’a dit : « à ceci me porte le rayon, ici-bas mesuré, de la vérité : à voir la splendeur de Dieu, et à la subir ». Mais notre Seigneur, lui, avait cette splendeur dans sa propre demeure ; c’est pourquoi il n’eut même pas besoin de prier pour que son corps resplendît de la lumière divine ; mais en priant il ne fit qu’indiquer l’origine, pour les saints, de cette splendeur divine, et de la façon dont ils la verraient. En effet : « les justes, eux aussi, brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père »[5], et ainsi devenus tout entiers lumière divine, et comme des rejetons de la lumière divine, ils verront divinement, ineffablement, le Christ lui-même plus que lumineux, lui dont la gloire, jaillissant de sa divinité, conformément à sa nature, s’était montrée au Thabor partagée également par son corps, du fait de l’union hypostatique… Et le Seigneur fut transfiguré, selon les théologiens, « non en s’adjoignant ce qu’il n’était pas, mais en manifestant à ses propres disciples ce qu’il était, en leur ouvrant les yeux et en donnant la vue à ceux qui étaient aveugles »[6]. Voyez-vous donc combien sont aveugles devant cette lumière, les yeux qui voient avec leur faculté naturelle ? Par conséquent, cette lumière n’est pas sensible, et ceux qui voient ne la voient pas simplement avec leurs yeux sensibles, mais avec des yeux transformés par la puissance de l’Esprit divin. »

Notes

[1] Homélie 34 (PG 151 424B-236C). YMCA, p. 192 – 195

[2] Grégoire de Nazianze, Discours 44, 3 (PG 36, 609 B)

[3] Basile de Césarée, in Psalm. 29, 5 (PG 29, 317)

[4] Grégoire de Nazianze, Discours 45, 7 (PG 36)

[5] Mt. 13, 43

[6] St Jean Damascène, Homélie sur la Transfiguration (PG 96, 564 C)