Série - Dimanches après Pâque

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samedi 11 mai 2013

Dimanche de Thomas

ODT

Dimanche de Thomas

Textes du Pentécostaire[1]

Lucernaire – ton 1

Toutes portes fermées * les Disciples réunis, * soudain tu entras, Jésus notre Dieu tout-puissant, * et, debout au milieu d’eux, * tu leur donnas ta paix * et les emplis de l’Esprit saint, * leur enjoignant de rester * sans s’éloigner de Jérusalem * jusqu’à ce qu’ils fussent revêtus * de la force d’en-haut ; * c’est pourquoi nous te crions : * Seigneur, notre résurrection notre lumière et notre paix, gloire à toi.

Huit jours après La Résurrection, * à tes Disciples, Seigneur tu te montras * dans le lieu où ils étaient réunis, * et tu leur dis : La paix soit avec vous ! * Au disciple incrédule * tu montras tes mains et ton côté, * et il te cria, dans un acte de foi : * Mon Seigneur et mon Dieu, gloire à toi.

Thomas, appelé Didyme, * n’était pas avec eux * lorsque, toutes portes closes, tu entras, ô Christ ; * aussi ne crut-il pas aux paroles qu’on lui dit, * pour affermir ainsi vers la foi * le chemin des incroyants ; * mais tu n’as point dédaigné, dans ta bonté, * de lui montrer ton côté immaculé * ainsi que les plaies de tes mains et de tes pieds : * il les toucha et, t’ayant vu, * en toi il reconnut plus que la simple humanité * ou que la seule divinité, * et te cria : Mon Seigneur et mon Dieu, gloire à Loi.

Les Disciples hésitaient, * mais le huitième jour parut le Sauveur * dans le lieu où ils étaient rassemblés * et, leur donnant la paix, il appela Thomas et lui dit : * Apôtre, viens toucher mes mains, * qui furent percées de clous. * Il est bon que Thomas ait douté, * pour conduire les cœurs des croyants * à la connaissance de Dieu ; * et dans la crainte il s’écria : * Mon Seigneur et mon Dieu, gloire à toi.

Gloire au Père … et maintenant … – ton 6

Toutes portes fermées, * devant tes Disciples tu t’es présenté, ô Christ, * alors que Thomas n’était pas avec eux, * mais ce fut providentiel car il dit : * Je ne croirai pas, si je ne vois moi-même le Seigneur, * si je ne vois le côté d’où sortirent le sang et l’eau, le baptême ; * si je ne vois la plaie par laquelle fut guérie * l’immense blessure du genre humain ; * si je ne vois qu’il n’est pas une sorte d’esprit, * mais un être fait d’os et de chair. * Toi qui as triomphé de la mort et pleinement convaincu Thomas, Seigneur, gloire à toi.

Apostiches – ton 4

Ô merveille inouïe : * c’est Jean qui reposa sur la poitrine du Verbe * et Thomas fut jugé digne de toucher son côté ; * le premier y scruta le profond mystère de Dieu, * l’autre fut digne de nous initier à son plan de salut, * car il montra clairement les preuves de sa résurrection en disant : * Mon Seigneur et mon Dieu, gloire à toi.

Lecture des actes des Apôtres

(Ac V,12-20)

En ces temps-là, beaucoup de miracles et de prodiges s’accomplissaient au milieu du peuple par la main des apôtres, et ils se tenaient tous ensemble sous le portique de Salomon, personne n’osait se joindre à eux, mais le peuple faisait leur éloge à haute voix, et la multitude d’hommes et de femmes qui croyait au Seigneur augmentait de plus en plus. On allait jusqu’à sortir les malades dans les rues, en les mettant sur des lits ou sur des civières, afin qu’au passage de Pierre son ombre touche l’un d’eux. La foule accourait aussi des cités voisines de Jérusalem, amenant des malades et des gens tourmentés par des esprits impurs ; et tous étaient guéris. Alors intervint le grand prêtre, et tout son entourage, à savoir le parti des Sadducéens. Pleins de fureur, ils firent arrêter les apôtres et les jetèrent en prison. Mais, pendant la nuit, un ange du Seigneur ouvrit les portes de la prison, les fit sortir et leur dit : « Allez, tenez-vous dans le temple, et annoncez au peuple toutes les paroles de vie ».

Lecture de l’Évangile selon Saint Jean

(Jn XX,19-31)

Le soir de ce même jour,qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où étaient rassemblés les disciples étant fermées, à cause de la crainte qu’ils avaient des Judéens, Jésus vint, se présenta au milieu d’eux, et leur dit : « Paix à vous ! » Et quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. A la vue du Seigneur, les disciples se réjouirent. Jésus leur dit de nouveau : « Paix à vous ! De même que le Père m’a envoyé, Moi aussi Je vous envoie. » Ayant dit cela, Il souffla sur eux et leur dit : « Recevez le Saint Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. »

Thomas, appelé Didyme [ce qui veut dire le jumeau], l’un des douze, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur. » Il leur dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. » Huit jours plus tard, les disciples étaient de nouveau dans la maison et Thomas se trouvait avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées , se présenta au milieu d’eux, et dit : « Paix à vous ! » Puis Il dit à Thomas : « Avance ici ton doigt, et regarde mes mains ; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais crois. » Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui, sans voir, croient ! » Jésus fit devant ses disciples beaucoup d’autres miracles qui ne figurent pas dans ce livre. Ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom.

Homélie[2]

Le Christ est ressuscité,
En vérité Il est ressuscité  !
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.

Quand les disciples retrouvent le Ressuscité dans la chambre haute, ils hésitent : « Leurs yeux étaient empêchés de Le reconnaître » dit saint Luc. Il faut que Jésus leur montre ses mains et son côté pour les convaincre, qu’il souffle sur eux et leur dise : « Recevez l’Esprit Saint. » Alors seulement, rencontrant plus tard Thomas, ils peuvent annoncer : « Nous avons vu le Seigneur. »

Thomas à son tour reste incrédule : « Si je ne vois dans ses mains la marque des clous et si je ne mets la main dans son côté, je n’en croirai rien. » Huit jours après, Jésus revient et devance la requête de Thomas : « Mets ici ton doigt et regarde mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté. » Thomas confondu pousse ce cri d’adoration, le plus beau de tout l’Évangile : « Mon Seigneur et mon Dieu. » Thomas, sans même que Jésus ait renouvelé sur lui le don de Son souffle, reçoit l’Esprit Saint et dépasse en profondeur la foi de ses amis en proclamant le Maître bien-aimé Seigneur et Dieu.

C’est pourquoi l’Église célèbre l’expérience de Thomas comme le fondement de notre foi. Ce qui nous interroge à notre tour. Car nous n’avons pas connu le Jésus de l’histoire ; nous n’avons pas vu Son corps glorieux. Sur quoi repose donc notre foi ? Pourtant Jésus a dit : « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu. » Nous sommes-nous jamais posé cette question : Pourquoi croyons-nous aujourd’hui ?

Bien sûr, nous croyons sur l’affirmation de l’Église qui elle-même garde le témoignage de ceux qui ont vu, les Apôtres. Mais qu’est-ce donc qui donne à notre foi ce caractère de certitude irréductible, quand bien même nous sommes parfois cernés par les interrogations du doute ? Qu’est-ce qui nous fait accorder un crédit inébranlable aux paroles de l’Évangile ?

La foi commence avec la compréhension et notre participation aux mystères divins. Or, ces mystères échappent totalement à notre raison, bien que la raison reste nécessaire à l’exercice de notre liberté.

La connaissance des mystères divins ne peut donc venir de nous mais de Dieu. C’est pourquoi la foi est un don de Dieu. Ce n’est pas le don arbitraire d’une puissance qui nous serait étrangère. C’est l’ouverture que Dieu présente à tous de Ses desseins. C’est la révélation de l’amour de Dieu en Jésus-Christ incarné, mort et ressuscité. Il ne s’agit pas d’appréhender le Christ par un processus intellectuel. Il s’agit de se laisser envahir par Son amour, pénétrer par Son mystère, saisir par Sa réalité sacramentelle, envelopper par Sa Présence vivante en l’Église.

Ainsi notre foi, si elle n’est pas une donnée rationnelle et objectivable, n’en reste pas moins une expérience concrète du Ressuscité, expérience de grâce et de lumière, qui nous est offerte par l’Esprit Saint en Église. La foi jaillit d’une expérience personnelle du Ressuscité. C’est un acquis vécu de tout l’être, et non la déduction d’un processus intellectuel, pas plus que l’effet d’un état d’âme plus ou moins sentimental. Mais notre liberté reste nécessaire pour reconnaître la vérité de cette expérience et y adhérer pleinement. Chacun peut accepter ou refuser cette expérience, selon que nous avons ou non des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et par-dessus tout un cœur pour comprendre.

Ainsi sans avoir de connaissance du Christ historique, il nous est donné de le connaître toujours. Nui ne peut dire Jésus Seigneur, si ce n’est dans l’Esprit Saint, dit saint Paul. Dès que l’Esprit eut fondu sur les disciples, ceux-ci se mirent à proclamer Jésus ressuscité, Christ et Seigneur et à convertir les foules, les baptisant dans l’Esprit.
Ce même baptême, nous l’avons reçu. Ce même Esprit, nous en sommes devenus le temple. Il ne cesse de prier et d’agir en nous. Pour être habituellement hors de portée de notre conscience, Sa présence en nous n’en est pas moins toujours active, autant que nous ne la refusons ni ne l’ignorons. C’est à cette présence que nous devons l’édification de notre foi, au fur et à mesure que nous nous nourrissons des Saints Dons où se trouve la vraie lumière, et dans la mesure où notre liberté ne s’oppose pas à l’action de grâce divine en nous.

Il y a entre la réalité vivante de l’Esprit en nous et notre foi en Jésus-Christ un lien de causalité absolu. « À cela nous savons que nous L’avons connu, dit saint Jean au sujet de Jésus, qu’Il nous a envoyé Son Esprit Saint. » C’est l’Esprit, l’Esprit de Vérité que Jésus nous envoie, qui nous enseigne tout sur Lui, qui Lui rend témoignage et nous introduit dans la vérité tout entière.

L’Esprit ne fait rien pour Lui-même. Lui qui scrute les profondeurs de Dieu n’a d’autre but que de diriger notre regard sur la personne du Fils de Dieu.

Et cette réalité nous renvoie au Père, à l’amour du Père, car « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils Unique pour qu’il soit sauvé. »

Aussi la foi, notre foi, est-elle indissociable de l’amour. Après le reniement de Pierre, Jésus ne demande pas à Pierre s’il croit en Lui, mais s’il L’aime plus que les autres. En dernier ressort, c’est l’amour que nous portons à Dieu, dans l’Esprit, en Jésus-Christ qui témoigne de notre foi : « Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu ; celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu », dit saint Jean, parce que Dieu est amour. C’est pourquoi encore la foi n’est pas un état spirituel purement personnel qui restera incommunicable ; c’est un mouvement de tout l’être non seulement vers Dieu mais vers tout prochain. C’est pourquoi toujours une foi sans les œuvres est morte, puisqu’il ne peut y avoir de connaissance de Dieu sans l’amour. « Aurais-je une foi à déplacer les montagnes, dit saint Paul, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien. »

Alors, en quoi l’expérience de Thomas peut-elle encore nous servir ? « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu. »

C’est que Thomas n’a pas seulement vu, mais saisi le Christ, qu’il l’ait touché ou non. Il a le premier reconnu dans le côté ouvert du Christ la source du sang, de l’eau, du feu divin et du baptême, cette source inépuisable, qui depuis la Pentecôte n’est plus le don octroyé à quelques-uns uns, mais conféré à tous ceux qui croient. Le Dimanche de Thomas clôt l’octave pascale, autant qu’il ouvre sur la cinquantaine pentecostale. En Thomas nous avons déjà en figure la réalisation de la promesse de l’envoi de l’Esprit Saint sur tous ceux qui croient au Christ en Église. Thomas est associé irréductiblement aux deux plus grandes fêtes de l’Église : Pâques et Pentecôte. Et sa mémoire reste liée à jamais à la personne du Christ et à celle de l’Esprit Saint. C’est pourquoi l’Église le célèbre à égalité avec Jean l’Évangéliste, le disciple bien-aimé : « Ô merveille inouïe ! Jean repose sur la poitrine du Verbe, et Thomas est jugé digne de toucher son côté. L’un en tire avec crainte les profondeurs de la théologie, l’autre reçoit la dignité de nous initier à son économie. »

Ô Ami des hommes, apprends-nous à Te crier comme Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu, gloire à Toi ! »

Notes

[1] Comme pour la période du carême précédent Pâque, il existe un triode qui remplit la même fonction pour la période allant de Pâque à la Pentecôte. Il contient les textes liturgiques, propres à cette période mobile, qui viennent s’intercaler avec ceux de l’octoèque et des ménées. Cette période dure 50 jours, d’où le nom de Pentecostaire

[2] Prononcée à la Crypte par le Père René le 8 mai 1994

samedi 18 mai 2013

Dimanche des femmes Myrrhophores

ODT

Myrrophores au tombeau - Monastère de Visoki Dečani

Textes du pentécostaire

Lucernaire – ton 2

Les Myrophores, de bon matin, * prenant des aromates, vinrent au sépulcre du Seigneur * et, trouvant ce qu’elles n’attendaient point, * s’inquiétèrent du changement survenu * et, devant la pierre roulée, l’une à l’autre se disaient : * Où sont les scellés du tombeau, * où est la garde que Pilate a envoyée * avec tant de précaution ? * Mais leur incertitude fut dissipée * quand elles virent l’Ange resplendissant * qui leur demanda : Pourquoi cherchez-vous * avec des larmes celui qui vit * et vivifie le genre humain ? * Il est ressuscité d’entre les morts, * le Christ, notre Dieu tout-puissant, * qui nous accorde à tous la vie immortelle, * l’illumination et la grâce du salut.

Pourquoi mêler vos pleurs * à la myrrhe que vous portez ? * La pierre est roulée, la tombe vidée. * Voyez comment la vie a triomphé de la mort, * le témoignage éclatant que rendent les scellés, * voyez quel sommeil appesantit la garde des impies ; * ce qui jadis était soumis à la mort * est sauvé par la chair de notre Dieu, * l’Enfer exhale sa douleur. * Courez donc avec joie vers les Apôtres et dites-leur : * Le Christ vainqueur de la mort et premier-né d’entre les morts * vous précède en Galilée.

Les Myrophores, parties de bon matin * et joignant ton sépulcre avec empressement, * te cherchaient, ô Christ, pour embaumer ton corps immaculé ; * mais, après les paroles que l’Ange leur adressa, * elles coururent vers les Apôtres en messagères de joie, * disant : Il est ressuscité, le Principe de notre salut ; * vainqueur de la mort, il a porté au monde * grande miséricorde et vie immortelle.

Gloire au Père … ton 6

Les femmes porteuses de parfums, * arrivées devant le tombeau * et voyant les scellés du sépulcre, * mais ne trouvant pas ton corps immaculé, * après l’empressement de leur venue, * gémissaient maintenant en disant : * Qui nous a dérobé notre espoir, * qui a pris un cadavre nu et embaumé * qui pour une Mère était la seule consolation ? * Hélas, comment fut mis à mort * celui qui vivifie le genre humain, * comment fut mis en tombe le vainqueur de l’Enfer ? * Mais, dans ta puissance, Sauveur, * ressuscite le troisième jour, * ainsi que tu l’as dit, * pour accorder à nos âmes la grâce du salut.

Lecture des Actes des Apôtres

(Ac VI,1-7)

En ces temps-là, comme le nombre des disciples augmentait, les Hellénistes murmurèrent contre les Hébreux, parce que leurs veuves étaient oubliées dans la distribution qui se faisait chaque jour. Les Douze convoquèrent alors l’assemblée des disciples et dirent : « Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des tables. Frères, choisissez parmi vous sept hommes de qui l’on rende un bon témoignage, qui soient remplis de sagesse et de l’Esprit Saint, et nous les chargerons de cette fonction. Quant à nous, nous continuerons à nous appliquer à la prière et au service de la parole. » Cette proposition plut à toute l’assemblée : on choisit Étienne, homme plein de foi et d’Esprit Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas, et Nicolas, prosélyte d’Antioche. On les présenta aux apôtres qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains. La parole de Dieu se répandait de plus en plus, le nombre des disciples augmentait considérablement à Jérusalem, et un grand nombre de prêtres obéissaient à la foi.

Lecture de l’Évangile selon Saint Marc

(Mc XV,43-XVI,8)

Le soir étant venu, alors que c’était la préparation, c’est-à-dire la veille du sabbat, arriva Joseph d’Arimathie, membre éminent du conseil. Il attendait, lui aussi, le royaume de Dieu. Avec courage, il osa se rendre vers Pilate, pour demander le corps de Jésus. Pilate s’étonna qu’Il fût déjà mort. Il convoqua le centurion et lui demanda s’Il était mort depuis longtemps. Puis, renseigné par le centurion, il permit à Joseph de prendre le corps. Et Joseph, ayant acheté un linceul, descendit Jésus de la croix, l’enroula dans le linceul, le déposa dans un tombeau creusé dans le roc et roula une pierre à l’entrée du tombeau. Marie de Magdala et Marie, mère de Joseph, regardaient où on avait déposé le corps de Jésus.
Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller embaumer Jésus. Et le premier jour de la semaine, elles vinrent au tombeau de grand matin, comme le soleil venait de se lever. Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre de l’entrée du tombeau ? » Levant les yeux, elles virent que la pierre avait été roulée ; et pourtant elle était très grande. Entrées dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu d’un vêtement blanc et elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « N’ayez pas peur. Vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié : Il est ressuscité, Il n’est pas ici, voici l’endroit où on l’avait déposé. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu’Il vous précède en Galilée : c’est là que vous le verrez comme Il vous l’a dit. » Elles sortirent du tombeau et s’enfuirent , tremblantes et bouleversées ; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

Homélie de st Grégoire Palamas sur les Myrrhophores

La résurrection du Seigneur est le renouvellement de la nature humaine et le remodelage du premier Adam absorbé par la mort dans le péché, et retourné, par la mort, à la terre dont il avait été modelé ; elle est le retour à la vie immortelle. Aucun être humain, au commencement, n’a vu Adam être modelé et vivifié, car à cette heure il n’y avait pas encore d’hommes ; mais après qu’il eut reçu le souffle de vie par l’insufflation divine, le premier de tous les êtres humains qui le vit fut une femme : Ève fut la première à venir, après lui, parmi les êtres humains ; de même, nul ne vit le deuxième Adam, c’est-à-dire le Seigneur, ressuscitant d’entre les morts ; aucun de Ses proches n’était présent, et les soldats qui gardaient le tombeau, terrassés par la peur, étaient comme morts ; or ce fut une femme, qui, la première, Le vit après la résurrection comme nous l’avons entendu lire dans l’Évangile de Marc aujourd’hui[1], « car ressuscité, est-il dit, le matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie-Madeleine ». L’Évangéliste semblerait donc affirmer clairement qu’au moment où le Seigneur ressuscita il était tôt, que celle qui Le vit la première était Marie-Madeleine, et que cela se produisit à l’heure même de la résurrection : or ce n’est pas ce qu’il dit, comme il vous sera révélé, si vous montrez quelque patience car un peu plus haut, Marc dit, en accord avec tous les autres Évangélistes, que cette Marie était venue auparavant au tombeau, avec les autres femmes myrrhophores, qu’elles virent ensemble qu’il était vide, et qu’elles s’en retournèrent, de sorte que bien avant le matin, et l’heure du matin où elle le vit, le Seigneur était déjà ressuscité. Et pour signifier ce moment, Marc ne dit pas seulement « le matin », comme plus bas, mais : « très tôt dans le matin ». Aussi s’agit-il du moment où la pénombre précède le lever du soleil à l’horizon, comme Jean le révèle également quand il dit que Marie-Madeleine, tôt le matin, alors qu’il faisait encore sombre, vint au sépulcre et vit la pierre roulée du sépulcre[2].

Or non seulement elle est venue au tombeau à ce moment, selon Jean, mais elle en est aussi repartie sans avoir vu le Seigneur. Car elle court trouver Pierre et Jean, et leur annonce, non point que le Seigneur est ressuscité, mais qu’on L’a enlevé du tombeau, ce qui prouve qu’elle n’avait pas encore connaissance de la résurrection. Il reste que ce n’est pas simplement à la première heure que le Seigneur apparut à Marie, mais après l’heure du plein jour. Cependant, les Évangélistes ont obscurément annoncé ce que je vais révéler à votre charité ; car la première à avoir reçu la bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur, entre tous les êtres humains, c’est, comme il convenait, et à juste titre, la Mère de Dieu ; et elle la reçut du Seigneur. Avant tous elle sut qu’Il était ressuscité, elle jouit de Sa divine parole, et ne se bornant pas à Le voir de ses yeux, ni à L’entendre de ses oreilles, elle fut la première, et la seule à toucher de ses mains Ses pieds immaculés, bien que les Évangélistes ne disent pas tout cela clairement, ne voulant invoquer le témoignage de Sa mère, pour ne pas éveiller des soupçons chez les incroyants. Et puisque aujourd’hui il nous faut faire un discours, avec la grâce de Celui qui est ressuscité, pour les croyants, et que le motif de la fête nous enjoint d’examiner tout ce qui concerne les femmes myrrhophores, sous l’inspiration de Celui qui a dit : « il n’est rien de caché qui ne deviendra manifeste »[3], cela aussi sera rendu manifeste.

Les myrrhophores, donc, sont les femmes qui suivirent la Mère du Seigneur, et restèrent avec elle au temps de la passion salutaire, et qui s’étaient empressées d’embaumer le corps du Seigneur. Car lorsque Joseph et Nicodème eurent demandé à Pilate, et reçu de lui, le corps du Maître, qu’ils l’eurent descendu de la croix, entouré d’un tissu de lin, imprégné d’aromates, mis dans un sépulcre taillé dans le roc, et placé une grande pierre à l’entrée du sépulcre, contemplant tout cela, nous dit l’Evangéliste Marc, Marie-Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises devant le tombeau. En disant « et l’autre Marie »[4] c’est évidemment la Mère de Dieu qu’il désignait. Et si elle était appelée Mère de Jacques et de Joseph, c’est que ceux-ci étaient les fils de Joseph, son mari. Or elles n’étaient pas les seules présentes à contempler l’ensevelissement du Seigneur : il y avait aussi d’autres femmes, comme Luc l’a rapporté : « les femmes qui l’accompagnaient, qui étaient venues avec Lui de Galilée, regardèrent le sépulcre, et comment Son corps avait été placé… Il y avait là Marie-Madeleine, Jeanne et Marie, mère de Jacques, et les autres femmes qui étaient avec elles »[5]. Celles-ci, est-il dit, s’en retournèrent acheter des aromates et de la myrrhe : car elles n’avaient pas encore connu avec précision que Lui, Jésus, était le véritable parfum de la vie pour ceux qui vont à Lui, dans la foi, tout comme l’odeur de la mort sera destinée à ceux qui demeurent infidèles jusqu’à la fin : et l’odeur de Ses vêtements, c’est-à-dire de Son corps, est au-dessus de tout arômate ; et Son nom est une myrrhe répandue, avec laquelle Il a rempli la terre des hommes de divins parfums. Cependant, si les femmes préparent la myrrhe et les aromates, c’est d’abord pour honorer Celui qui gît là, et ensuite pour compenser la puanteur du corps qui devait se décomposer ; car elles pensaient qu’ainsi, grâce à leur onction, ceux qui le voudraient pourraient s’approcher du corps.

Après avoir préparé la myrrhe et les aromates, donc, elles se reposèrent pendant le Sabbat, selon le commandement. En effet, elles n’avaient pas encore compris quel était le véritable Sabbat, ni connu ce Sabbat béni par-dessus tout qui transporte notre nature des régions abyssales de l’enfer vers les hauteurs toutes-lumineuses, divines et célestes. « Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, comme le dit Luc, elle vinrent au tombeau, portant les aromates qu’elles avaient préparées »[6]. Et Matthieu écrit : « après le Sabbat, comme le premier jour commençait à poindre »[7], et deux femmes viennent. Quant à Jean : « tôt, dit-il, alors qu’il faisait encore sombre »[8], et Marie-Madeleine est seule à venir. Enfin, Marc dit : « très tôt, le premier jour de la semaine »[9], et elles sont trois à venir. Par conséquent tous les Évangélistes parlent du premier jour de la semaine, du Dimanche. « Après le Sabbat », « à la pointe de l’aurore », « très tôt », « tôt alors qu’il faisait encore sombre », tout cela signifie au moment, proche du matin, où la lumière et les ténèbres sont encore mêlées ; c’est le moment à partir duquel l’orient commence à briller sur l’horizon, annonçant le jour. En regardant cela de loin, on peut voir que le ciel se colore de lueurs aux environs de la neuvième heure nocturne, de sorte qu’il reste encore trois heures jusqu’au plein jour. Mais les Évangélistes semblent quelque peu en désaccord sur ce moment, et sur le nombre de femmes. Comme j’ai dit, les femmes myrrhophores étaient nombreuses, et elles ne vinrent pas au tombeau une unique fois, mais à deux ou trois reprises ; venant à plusieurs, mais non les mêmes chaque fois, et toutes au matin. Par conséquent, elles ne vinrent pas toutes exactement au même moment : Marie-Madeleine, isolée des autres, revint et resta un peu plus longtemps. Chacun donc des Évangélistes en disant qu’elles ne sont venues toutes ensemble qu’une seule fois, passe sous silence les autres fois. Or pour moi, qui rassemble et fais une synthèse de ce que déclarent tous les Évangélistes, comme je vous l’ai annoncé, c’est la Mère de Dieu qui vint la première de toutes au sépulcre de Son Fils et de son Dieu, précédant MarieMadeleine, dit-il, et l’autre Marie, – c’est-à-dire précisément la Mère de Dieu, vinrent visiter le tombeau, et Voici il y eut un grand séisme : l’ange du Seigneur descendit du ciel, et vint rouler la pierre de devant l’entrée du sépulcre, et il s’assit dessus : son aspect était celui de l’éclair, et sa robe était blanche comme la neige : à sa vue les gardes tressaillirent de crainte, et devinrent comme morts »[10].

Par conséquent, toutes les autres femmes vinrent après le séisme et la fuite des gardiens ; elles trouvèrent le tombeau ouvert, et la pierre roulée. La Vierge-Mère, elle, était présente quand le séisme se produisit, quand la pierre fut roulée, et le tombeau ouvert, et ceci en présence des gardes, bien qu’ils fussent terrassés de crainte. C’est aussi pourquoi ceux-ci, après le séisme, dès qu’ils se relevèrent de leur chute, ne pensèrent qu’à fuir ; or la Mère de Dieu, elle, jouissait de ce spectacle sans éprouver le même effroi. Et il me semble que c’est pour elle, avant tout, que s’ouvrit le tombeau vivifiant. Car pour elle, d’abord, puis par elle, pour nous, toutes choses se sont ouvertes en haut dans le ciel, et ici-bas, sur terre ; pour elle, l’ange était tellement fulgurant que, l’heure étant encore pleine d’obscurité, c’est sous l’abondante lumière de l’ange qu’elle vit non seulement le tombeau vide, mais encore les apprêts funéraires qui y étaient en place, autant de preuves du réveil de Celui qui avait été enseveli. Or l’ange annonciateur était Gabriel lui-même : car en la voyant se hâter vers le tombeau, – lui qui au commencement avait dit : « ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu »[11], – il s’empresse encore en ce jour de descendre, d’adresser les mêmes paroles à la toujours-Vierge, d’annoncer la résurrection d’entre les morts de Celui qui est né d’elle sans semence, d’enlever la pierre, de montrer le tombeau vide et le linceul, et ainsi de lui confirmer la bonne nouvelle. Car « leur répondant, est-il écrit, l’ange dit aux femmes : Ne craignez point ; vous cherchez Jésus, le crucifié ? Il est réveillé : voici le lieu où gisait le Seigneur »[12]. « Oui, dit-il, bien que vous voyiez les gardes terrassés par la crainte, vous, ne craignez point. Car je sais que vous cherchez Jésus le crucifié, Il est réveillé, Il n’est pas ici. Non seulement les serrures, les verrous, les sceaux de l’enfer, de la mort et du tombeau ne peuvent Le contenir, mais encore, Il est notre Seigneur, à nous les anges immortels et célestes, et Il est, Lui seul, le Seigneur de l’univers ». « Car voyez, ajoute-t-il, le lieu où gisait le Seigneur ; et allez vite dire à Ses disciples qu’il est ressuscité d’entre les morts : elles s’en allèrent donc avec crainte et une grande joie »[13].

Il me semble aussi que Marie-Madeleine conservait encore quelque frayeur, ainsi que celles des autres femmes qui jusqu’alors les avaient accompagnées au tombeau. Car elles n’avaient pas encore réalisé la puissance des paroles de l’ange, ni n’avaient la force de saisir parfaitement la lumière, de manière à la voir et à la comprendre exactement : mais la Mère de Dieu en conçut cette grande joie dont parle Matthieu ; ayant compris les paroles de l’ange, et devenue toute de lumière, elle qui était éminemment purifiée et pleine de la grâce divine, elle qui avait reconnu avec sûreté la vérité en tout, avait accordé foi à l’archange, puisque déjà, par ses œuvres, il s’était montré digne d’une grande confiance. Et comment, donc, alors qu’elle était présente lors de tous ces événements, la Vierge pleine de la sagesse divine n’ aurait-elle pas compris ce qui s’était accompli ? Car elle vit le séisme, ce grand séisme, l’ange descendant du ciel, cet ange fulgurant, l’apparence de la mort dans les gardes, le déplacement de la pierre, la vacuité du tombeau, le grand miracle des apprêts funéraires qui à la fois n’avaient pas été déliés, encore imprégnés de myrrhe et d’aloès, et apparaissaient vides du corps qu’ils avaient contenu ; et surtout, elle entendit la nouvelle joyeuse et divine que l’ange lui proclama. Or elles s’en vont après cette bonne nouvelle, et Marie-Madeleine, comme si elle n’avait même pas écouté l’ange, – qui, du reste, ne s’était pas adressé à elle, – ne tient compte que de la vacuité du tombeau, et ne fait aucun cas des apprêts funéraires : et elle court trouver Simon Pierre et l’autre disciple, comme le dit Jean. Cependant, la Vierge Mère de Dieu, ayant rejoint les autres femmes, retourna là d’où elle était venue, et « voici, nous dit Matthieu, Jésus vint à leur rencontre, leur disant : Réjouissez-vous ! »[14].

Voyez-vous donc comment bien avant Marie-Madeleine, la Mère de Dieu vit Celui qui pour notre salut a souffert, a été enseveli, et s’est relevé dans la chair ? « Et elles de s’approcher, est-il dit, d’étreindre Ses pieds en l’adorant »[15]. De même qu’en compagnie de Marie-Madeleine la Mère de Dieu fut la seule à entendre la bonne nouvelle de la résurrection, et à comprendre la puissance de ces paroles, de même, en compagnie des autres femmes, elle vint à la rencontre de son Fils et de son Dieu ; première entre toutes, elle vit et reconnut le Ressuscité, et, tombant à Ses pieds, elle les toucha, et devint son Apôtre auprès des Apôtres. Quant au fait que Marie-Madeleine n’était pas avec la Mère de Dieu lorsque celle-ci s’en retournait du tombeau et quand le Seigneur lui apparut et lui parla, nous l’apprenons de Jean. Il dit en effet : « elle courut alors trouver Simon Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit on a enlevé le Seigneur du tombeau, et nous ne savons pas où on L’a mis »[16]. Car si elle L’avait vu, touché de ses mains, rencontré et écouté, comment aurait-elle pu dire des paroles telles que : « on L’a enlevé, déplacé », et : « nous ne savons où » ? Mais après la course de Pierre et Jean vers le tombeau, après qu’Ils eurent vu les linges et qu’ils s’en furent retournés, « Marie se tenait près du tombeau et sanglotait dehors »[17].

Voyez-vous comment, bien loin de L’avoir seulement vu, elle n’avait même pas été comblée de la joie de L’entendre ? Et quand les anges qui étaient apparus lui demandèrent : « femme, pourquoi pleures-tu ? », à nouveau elle ne parla que du mort, dans sa réponse ; et lorsqu’elle se retourna et vit Jésus, elle ne comprit toujours pas, mais quand Il lui demanda pourquoi elle pleurait, elle lui tint les mêmes propos, jusqu’à ce qu’Il l’ait appelée par son nom, et se soit présenté à elle comme vivant. Alors, tombant elle aussi à Ses pieds et cherchant à les étreindre, elle L’entendit qui lui disait : « ne me touche pas » ; par là, nous apprenons que plus tôt, quand Il apparut à sa Mère et aux femmes qui étaient avec elle, c’est à Sa Mère, et à elle seule, qu’Il offrit Ses pieds à toucher, bien que Matthieu étende ce fait aux autres femmes, ne voulant pas, pour la raison que j’ai alléguée au début, parler avec clarté du rôle de la Mère dans de telles circonstances. Car après que la toujours-Vierge Marie fut venue au sépulcre la première, et que, la première, elle eut reçu la bonne nouvelle de la résurrection, elles furent nombreuses à venir, qui virent la pierre roulée, entendirent les anges, et, s’en retournant après avoir écouté et contemplé, se séparèrent. Les unes, comme dit Marc, s’enfuirent du sépulcre car elles avaient une grande crainte et étaient hors d’elles-mêmes, et elles ne dirent rien à personne à cause de leur crainte[18]. Les autres, qui suivaient la Mère du Seigneur, obtinrent de contempler et d’écouter le Maître. Quant à Marie-Madeleine, elle part trouver Pierre et Jean, avec lesquels elle revient seule au tombeau ; une fois que ceux-ci se sont retirés, elle reste, et jugée digne à son tour de contempler le Maître, elle est envoyée elle aussi vers les Apôtres, elle retourne les trouver, leur annonçant à tous, comme dit Jean, « qu’elle a vu le Seigneur et qu’Il lui a dit ces paroles… »[19].

Cette vision eut donc lieu tôt le matin, nous dit encore Marc, c’est-à-dire au commencement du plein jour, l’aube étant totalement passée ; mais le fait que la résurrection du Seigneur et Sa première apparition n’eurent pas lieu à ce moment, Marc l’affirme fortement. Aussi avons-nous examiné ce qui concerne les femmes myrrhophores, et cherché plus haut comment les quatre Évangiles s’accordent à leur sujet. Or les disciples, en ce jour de la résurrection, ayant entendu de Pierre, de Luc et de Cléopas que le Seigneur était vivant et qu’ils L’avaient contemplé, ne les crurent pas : c’est pourquoi Lui-même leur fit des reproches, quand Il leur apparut alors qu’ils étaient rassemblés. Mais après qu’Il se fut, à de nombreuses reprises, présenté à eux vivant, non seulement tous crurent, mais ils le proclamèrent partout : « dans toute la terre leur parole s’est répandue, et jusqu’aux extrémités du monde, leur discours »[20]. « Le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient »[21]. Oui, les signes étaient nécessaires, jusqu’à ce que la Parole fût proclamée sur toute la terre. Cependant il faut des signes et des prodiges pour confirmer la vérité de la proclamation, mais il faut des signes – et non des prodiges – pour assister ceux qui ont reçu la parole, s’ils y ont cru fermement. Qui sont-ils donc ? Ceux qui le montrent dans leurs œuvres. Car il est dit : « montre ta foi par tes œuvres » et « quelqu’un a-t-il la foi ? Qu’il montre par une bonne conduite ses œuvres »[22]. Car qui pourra croire qu’il a une pensée vraiment divine, grande et élevée, et pour ainsi dire céleste, comme l’est la piété, s’il s’attache à des œuvres mauvaises et se colle à la terre et aux réalités terrestres ?

Il n’est donc d’aucun profit, frères, de dire que l’on a une foi divine, si l’on n’a pas les œuvres qui correspondent à cette foi. Quel profit les vierges folles tirèrent-elles des lampes qui n’avaient pas d’huile, c’est à-dire les œuvres de l’amour et de la compassion ?[23]. Et à quoi servit-il à ce riche qui brûlait dans le feu inextinguible pour n’avoir pas eu de compassion à l’égard de Lazare, d’appeler à son secours son père Abraham ?[24]. Et pour celui qui n’avait pas, par ses bonnes œuvres, revêtu la robe destinée aux noces divines et à la chambre nuptiale de l’incorruptibilité, à quoi servait-il d’avoir répondu à l’invitation ?[25]. Oui, il avait été invité, il était venu avec une foi entière, convoqué avec les saints hôtes, mais il fut repoussé et confondu, parce qu’il était revêtu de la bassesse de ses mœurs et de ses actions ; pieds et mains liés impitoyablement, il est précipité dans la géhenne de feu, là où il y a des pleurs et des grincements de dents. Puisse-t-il arriver qu’aucun de ceux que le Christ a appelés ne s’expose à celle-ci, mais, montrant une vie conforme à notre foi, que tous entrent dans la chambre nuptiale de la joie sans mélange, et vivent à jamais avec les saints, là où se trouve la demeure de tous les bienheureux ! Amen.

Notes

[1] Mc. XVI, 1-9

[2] Jn. XX, 1

[3] cf. Lc. VIII, 17

[4] Mc. XV, 47

[5] Lc. XXIII, 55 et XXIV, 1

[6] Lc. XXIV, 1

[7] Mt. XXVIII, 1

[8] Jn. XX, 1

[9] Mc. XVI, 1

[10] Mt. XXVIII, 1-4

[11] Lc. I, 30

[12] Mt. XXVIII, 6-8

[13] Mt. XXVIII, 6-8

[14] Mt. XXVIII, 6-8

[15] Mt. XXVIII, 9

[16] Jn. XX, 2

[17] Jn. V, 11

[18] Mc. XVI, 8

[19] Jn. XX, 18

[20] Ps. XVIII, 4

[21] Mc. XVI, 20

[22] cf. Jn. II, l8 et III,1

[23] cf. Mt. XXV, 1-13

[24] cf. Lc. XVI, 19-31

[25] cf. Mt. XXII, 12

samedi 25 mai 2013

Dimanche du paralytique

ODT

Le paralytique de la piscine probatique

Textes du pentécostaire

Stichères du Paralytique ‒ ton 1

Ô Christ qui de ta main très-pure avais façonné le corps humain, * tu es venu guérir les malades, en ta bonté ; * et par ton verbe tu fis lever * le Paralytique à la piscine des Brebis ; * de l’Hémorroïsse tu apaisas la douleur, * de la Cananéenne tu guéris la fille tourmentée ; * tu n’as pas rejeté la prière du Centurion ; * aussi nous te crions : * Seigneur tout-puissant, gloire à toi. (bis)

Tel un cadavre vivant, * le Paralytique, te voyant, s’écria : * Aie pitié de moi, Seigneur, * car ma couche est devenue mon tombeau. * Que me rapporte la vie, * à quoi me sert la piscine des Brebis ? * Je n’ai personne pour m’y plonger * quand les eaux se mettent à bouillonner ; * mais je viens à toi, la Source des guérisons, * afin de crier avec tous : * Seigneur tout-puissant, gloire à toi.

Gloire au Père… – ton 5

Jésus monta à Jérusalem, à la piscine des Brebis, * qui s’appelle en hébreu Béthesda : * en ses portiques, de nombreux malades étaient couchés ; * par intervalles, un Ange de Dieu descendait, * il la mettait en mouvement * et rendait force aux fidèles qui s’y plongeaient. * Or le Christ, voyant un homme malade depuis longtemps, * lui demanda : Veux-tu guérir ? * Le malade répondit : Je n’ai personne, Seigneur, * pour me plonger dans la piscine lorsque bouillonnent les eaux ; * j’ai dépensé tout mon avoir auprès des médecins * et je n’ai pas réussi à susciter leur pitié. * Mais le Médecin des âmes et des corps * lui dit : Prends ton grabat * et marche pour annoncer au monde entier * ma puissance et la grâce du salut.

Synaxaire

Ce même jour, quatrième dimanche de Pâques, nous faisons mémoire du Paralytique et célébrons un tel miracle comme il se doit. À la piscine Probatique le Christ, en sage médecin, a guéri le Paralytique par son seul verbe souverain.

Ce miracle a été placé ici parce que le Christ l’a fait au temps des Cinquante Jours, la Pentecôte hébraïque. Monté à Jérusalem pour la fête, il se rendit à la Piscine aux cinq portiques, édifiée par Salomon et appelée également Piscine Probatique, parce que c’est là qu’on lavait les entrailles des brebis immolées en sacrifice dans le Temple. C’est là aussi que se trouvait guéri le premier qui entrait lorsque l’eau était agitée par l’Ange une fois l’an, le Christ trouve donc là un homme de trente-huit ans, qui gît dans l’attente que quelqu’un le mette à l’eau. Par là nous apprenons quel bien sont l’endurance et la patience. Et, puisqu’il devait nous donner un baptême capable de laver toute faute, Dieu a montré dans l’Ancienne Alliance que des miracles pouvaient être produits par l’eau, afin que, lorsque viendrait le Baptême, on fût enclin à le recevoir. Jésus s’approche donc de ce Paralytique, appelé Jaros ou de quelque nom approchant, et l’interroge. Celui-ci lui expose le fait qu’il n’a personne pour l’aider. Et Jésus, sachant à quel point cet homme est consumé par l’infirmité, lui dit : « Prends ton grabat et marches.» Aussitôt il recouvre la santé et, prenant sa couche sur ses épaules, afin que cela ne paraisse pas une illusion, il marche jusque chez lui. Mais comme c’est le sabbat, les Juifs l’empêchent de faire cette marche. Lui, il se retranche derrière celui qui l’a guéri, puisqu’il lut a dit de marcher un jour de sabbat ; toutefois il ne sait pas qui il est. Car Jésus, dit l’Évangile, avait disparu dans la foule qui se pressait en ce lieu. Plus tard, Jésus le trouva dans le Temple et lui dit : « Te voilà guéri, ne pèche plus désormais, de peur qu’il ne t’arrive plus grande infirmité ! »

Il faut savoir que ce paralytique est différent de celui qui nous est présenté en Matthieu, car cela se passe à l’intérieur, qu’il y a des gens pour l’aider et que Jésus lui dit seulement : « Tes péchés te sont remis ! » Le miracle qui nous occupe s’accomplit au Portique de Salomon, et l’infirme n’a personne pour l’aider, comme dit le saint Évangile. Dans les deux cas cependant il porte son grabat. La guérison est fêtée à ce moment parce qu’elle a été opérée durant la période des Cinquante Jours, de même que la conversion de la Samaritaine et la guérison de l’Aveugle. Thomas et les Myrrhophores, nous les fêtons pour confirmer la Résurrection du Christ d’entre les morts ; les autres événements, jusqu’à l’Ascension, sont là parce qu’ils se sont produits à diverses occasions durant le temps des Cinquante Jours, la Pentecôte hébraïque ; et parce que Jean les mentionne à peu près dans cet ordre. En ta miséricorde infinie, Christ notre Dieu, aie pitié de nous et sauve-nous. Amen.

Lecture des actes des Apôtres

(Ac IX,32-42)

En ces jours-là, comme Pierre visitait tous les saints, il descendit aussi chez ceux qui demeuraient à Lydda. Il y trouva un homme nommé Énée, couché sur un grabat depuis huit ans, et paralytique. Pierre lui dit : « Énée, Jésus Christ te guérit. Lève-toi, et arrange ton grabat ». Et aussitôt il se leva. Tous les habitants de Lydda et de la plaine du Saron, ayant vu celà, se convertirent au Seigneur.
Il y avait à Joppé, parmi les disciples, une femme nommée Tabitha, ce qui se traduit par Dorcas : elle faisait beaucoup de bonnes œuvres et d’aumônes. Or, en ce temps-là, elle tomba malade et mourut. Après l’avoir lavée, on la déposa dans une chambre haute. Comme Lydda est près de Joppé, les disciples, ayant appris que Pierre s’y trouvait, envoyèrent deux hommes vers lui, pour le prier de venir chez eux sans tarder. Pierre se leva, et partit avec ces hommes. Lorsqu’il fut arrivé, on le conduisit dans la chambre haute. Toutes les veuves l’entourèrent en pleurant, et lui montrèrent les tuniques et les vêtements que faisait Dorcas pendant qu’elle était avec elles. Pierre fit sortir tout le monde, se mit à genoux, et pria ; puis, se tournant vers le corps, il dit : « Tabitha, lève-toi ! » Elle ouvrit les yeux, et ayant vu Pierre, elle s’assit. Il lui donna la main, et la fit lever. Il appela ensuite les saints et les veuves, et la leur présenta vivante. Cela fut connu de tout Joppé, et beaucoup crurent au Seigneur.

Lecture de l’Évangile selon Saint Jean

(Jn V,1-15)

En ce temps-là, à l’occasion d’une fête juive, Jésus monta à Jérusalem. Or, à Jérusalem, près de la porte des brebis, il y a une piscine qui s’appelle en hébreu Bethzatha, et qui a cinq portiques. Sous ces portiques étaient couchés en grand nombre des malades, des aveugles, des boiteux, des paralytiques, qui attendaient le mouvement de l’eau ; car un ange descendait de temps en temps dans la piscine, et agitait l’eau, et celui qui y descendait le premier après que l’eau avait été agitée était guéri, quelle que fût sa maladie. Il y avait là un homme malade depuis trente-huit ans. Jésus, l’ayant vu couché, et sachant qu’il était malade depuis longtemps, lui dit : « Veux-tu être guéri ? » Le malade lui répondit : « Seigneur, je n’ai personne pour me jeter dans la piscine quand l’eau est agitée, et, pendant que j’y vais, un autre descend avant moi ». « Lève-toi, lui dit Jésus, prends ton grabat, et marche » . Aussitôt cet homme fut guéri ; il prit son grabat, et marcha. C’était un jour de sabbat. Les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri : « C’est le sabbat ; il ne t’est pas permis de porter ton grabat. » Il leur répondit : « Celui qui m’a guéri m’a dit : Prends ton grabat, et marche ». Ils lui demandèrent : « Qui est l’homme qui t’a dit : Prends ton grabat, et marche ? » Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c’était, car Jésus avait disparu de la foule qui était en ce lieu.
Plus tard, Jésus le trouva dans le temple, et lui dit : « Voici, tu as été guéri ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire. » Cet homme s’en alla, et annonça aux Juifs que c’était Jésus qui l’avait guéri.

Homélie[1]

Le passage de l’Évangile que nous venons d’entendre s’accorde parfaitement avec le temps pascal que nous sommes en train de vivre ; outre les résonances baptismales qui y sont clairement évoquées nous assistons là à un évènement purement “résurrectionnel”.

Commentant cette péricope, saint Jean Chrysostome[2] nous parle de la guérison liée au baptême en ces termes :

Qu’est-ce que ce mode de guérison ? Il y a là un mystère : on nous décrit comme en figure les choses de l’avenir. Le baptême, qui devait être donné plus tard, ce baptême qui lave toutes les souillures et fait revivre les morts, est évoqué par l’image de la piscine. 
Dieu a donné d’abord l’eau, qui lave les souillures du corps ; et dans l’ancienne Loi beaucoup de purifications se faisaient par l’eau. Pour nous faire approcher davantage du baptême, l’eau ici lave même les maladies ; et c’est un ange qui descend mettre l’eau en mouvement et lui donne la vertu de guérir, pour faire comprendre que le Seigneur des Anges pourra mieux encore guérir les maladies de l’âme. Car ce n’est pas par une vertu naturelle que cette eau guérissait ; mais elle guérissait par l’intervention de l’ange.

De même pour nous dans le baptême : l’eau enlève les péchés après qu’elle a reçu la grâce de l’Esprit. 
Une multitude d’infirmes gisaient là ; mais leur infirmité même les empêchait d’entrer dans l’eau pour être guéris. À présent, chacun peut approcher et nous ne pouvons plus dire ‘un autre descend avant moi’ ; car même si le monde entier venait, la grâce ne serait pas épuisée.

Le Christ aurait pu ne pas aller à Béthesda car en ce lieu la religion était souvent mêlée de magie et l’on y vénérait autant Yahvé que le dieu grec de la guérison. Or Jésus a tenu justement à témoigner de la miséricorde de Dieu au bord de cette piscine où les malheureux, pour garder espoir, se contentaient d’un amalgame de croyances et de superstitions.

Une fois encore, c’est Jésus qui prend l’initiative de la rencontre ; non seulement l’homme ne demandait rien, mais il s’en retournera guéri sans même – dans un premier temps – avoir su le nom de son guérisseur.

« Veux-tu être guéri ? » demande le Christ ; et, comme c’est souvent le cas dans l’Évangile de saint Jean, l’homme se méprend d’abord sur ces paroles. Pour lui, “être guéri” supposerait une triple chance : D’abord que l’eau bouillonne, puis, qu’il soit présent à ce moment là et enfin qu’il trouve quelqu’un pour le plonger dans l’eau. « Guérir n’est pas pour moi » pense l’homme, et pourtant il revient depuis des années sans se résigner, sans se décourager, sans renoncer à l’espérance.

Le “Veux-tu être guéri” nous est aussi adressé par le Christ ; et nous devons comprendre par là « Veux-tu que je te guérisse, tout de suite et chaque jour ? ». Si le Christ nous guérit alors ce n’est plus une question de chance, mais c’est une question de foi, et il nous suffit d’obéir aux trois ordres donnés : “Lève-toi  !”, “Prends ton grabat  !” et “Marche  !”.

« Lève-toi  ! » nous dit le Seigneur… Alors qu’il serait si facile d’entrer dans la tentation de se faire porter par nos semblables, d’imposer aux autres le poids de nos misères et de notre inertie  ! Ne succombons pas à la facilité de nous installer dans nos paralysies spirituelles  ! C’est pour nous tout un programme de vie : il nous faut quitter le grabat, signe de la paralysie, de l’impuissance et de la dépendance, pour accepter de vivre debout, vulnérables, certes, mais restaurés dans notre autonomie et notre dignité d’êtres libres.

« Prendre son grabat » c’est avoir la certitude de sa guérison. Tout comme le paralytique nous n’aurons plus à revenir auprès de la piscine, nous n’aurons plus à en vouloir à notre prochain de n’avoir pas été là au bon moment. Renonçons à nous faire porter, ne laissons aucune trace de notre infirmité dans notre entourage  !

Et donc « marchons  ! » 
Mettons en œuvre la nouvelle liberté, la nouvelle santé spirituelle que le Christ nous donne. Marchons et témoignons que Dieu opère des miracles dans notre quotidien – même le jour du Sabbat  ! – Lui qui non seulement nous donne la vie mais nous accueille dans la Vie Éternelle.

L’infirmité et le grabat du paralytique nous évoquent bien évidemment la Croix et le Tombeau du Christ, en tant que lieu ou objet de souffrance et d’immobilité, mais ils sont garants d’une nouvelle vie, ils sont garants de la Résurrection.

N’ayons donc pas peur quand surviendront toutes ces petites morts physiques et spirituelles qui font immanquablement partie de notre condition humaine  ! Pour autant que notre cœur soit tout écoute à Dieu, elles ne seront que tremplins et occasions de rencontre avec le Seigneur, nous préparant ainsi d’ores et déjà à la communion plénière avec Lui dans un face à face éternel.

Pour être guéris par le Christ sur la route de notre propre Exode ; pour être des témoins vivants de Sa résurrection ; il nous suffit de faire, avec la force qu’Il donne à ceux qui la Lui demandent, ces trois choses toutes simples que nous avons trop tendance à croire impossibles : Nous lever à Son appel, emporter, une bonne fois pour toutes, les tristesses de notre passé,

Marcher avec la certitude d’être aimés par Celui qui s’est fait homme pour nous sauver  !

Amen  !

Notes

[1] Homélie prononcée par Père Élisée le 14 mai 2006 à la crypte

[2] Dans sa 36e homélie sur l’évangile selon saint Jean

samedi 1 juin 2013

Dimanche de la Samaritaine

ODT

La Samaritaine

Textes du pentécostaire

Stichère de la mi-pentecôte – ton 4

Voici la moitié des jours * commençant avec la Résurrection du Sauveur * et s’achevant par la fête de la Pentecôte, * entre les deux faisant le joint, * s’éclairant de leur double clarté et se glorifiant * de précéder l’Ascension du Seigneur.

Sion écoute et se réjouit, * car elle est annoncée, l’Ascension du Christ; * ses fidèles enfants exultent de joie; * voyant que la mort sanglante du Christ * est effacée par le saint Esprit, * l’Église se prépare à célébrer dignement * la joyeuse mi-temps de ces deux fêtes sacrées.

Voici venir la riche effusion * de l’Esprit divin sur tout être vivant, * ainsi que l’écrivait le prophète Joël; * voici en son milieu la fête fixée d’avance, * car après sa mort, sa mise au tombeau, sa résurrection, * sans mensonge le Christ a promis * aux Disciples la venue du Paraclet.

Stichères de la Samaritaine ‒ ton 1

Source de miracles, tu vins à la source de Jacob, * à la sixième heure du jour, * prendre le fruit de la mère des vivants, * car Ève, à cette heure, trompée par le serpent, a perdu le Paradis. * La Samaritaine s’approcha donc pour puiser de l’eau * et le Sauveur, lorsqu’il la vit, lui demanda : * Donne-moi de l’eau pour la soif de mon corps * et moi, je te donnerai une eau jaillissante en la vie éternelle. * La femme courut à la ville sagement * porter aux foules la nouvelle en disant : * Venez voir le Christ Seigneur, le Sauveur de nos âmes.

– ton 2 –
Le Seigneur vint s’asseoir * près du puits de Jacob * et la Samaritaine lui demanda: * Donne-moi l’eau de la foi * et de la piscine baptismale je recevrai les flots, * l’allégresse et la rédemption; * Source de vie, Seigneur, gloire à toi.

Le Fils et Verbe de Dieu * qui partage l’éternité du Père * vint à la source, lui la Source des guérisons; * or une femme de Samarie * s’approcha pour puiser de l’eau * et, lorsqu’il la vit, le Sauveur lui dit : * Donne-moi de l’eau à boire et va, * appelle ton mari ! * Mais celle-ci s’empressa de dissimuler ; * comme parlant à un homme et non à Dieu, * elle dit : Je n’ai point de mari ! * Et le Seigneur lui répondit : * Tu as bien fait de dire : Je n’ai pas de mari, * car tu en as eu cinq, et maintenant * celui que tu as n’est pas ton mari ! * À ces mots, la femme, effrayée, * courut à la ville dire aux gens : * Venez voir le Christ, * celui qui donne au monde la grâce du salut.

Gloire au Père… – ton 6
Près du puits de Jacob * Jésus, trouvant la Samaritaine, lui demande de l’eau, * lui qui couvre la terre de nuées ! * Merveille, celui qui chevauche les Chérubins * converse avec une femme dépravée ; * il demande de l’eau, celui qui suspendit la terre sur les eaux, * il cherche de l’eau, celui qui remplit les sources et les étangs ; * mais en vérité il désire sauver la pécheresse du filet de l’ennemi, * l’abreuver d’eau vive pour éteindre les flammes de ses passions, * dans son unique bonté et son amour pour les hommes.

Lecture des Actes des Apôtres

(Ac XI,19-26,29-30)

En ces jours-là, les apôtres qui avaient été dispersés par la tourmente survenue à propos d’Étienne allèrent jusqu’en Phénicie, dans l’île de Chypre, et à Antioche, annonçant la parole seulement aux Juifs. Il y eut cependant parmi eux quelques hommes de Chypre et de Cyrène, qui, étant venus à Antioche, s’adressèrent aussi aux Grecs, et leur annoncèrent la bonne nouvelle du Seigneur Jésus. La main du Seigneur était avec eux, et un grand nombre de personnes crurent et se convertirent au Seigneur. Le bruit en parvint aux oreilles des membres de l’Église de Jérusalem, et ils envoyèrent Barnabas jusqu’à Antioche. Lorsqu’il arriva, et qu’il vit la grâce de Dieu, il s’en réjouit, et les exhorta tous à rester d’un cœur ferme attachés au Seigneur ; car c’était un homme droit, plein d’Esprit Saint et de foi. Et une foule nombreuse se joignit au Seigneur. Barnabas se rendit ensuite à Tarse, pour chercher Saul ; et, l’ayant trouvé, il l’amena à Antioche. Pendant toute une année, ils prirent part aux assemblées de l’Église, et ils enseignèrent beaucoup de personnes. Ce fut à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens. En ce temps-là, des prophètes descendirent de Jérusalem à Antioche. L’un deux, nommé Agabus, se leva, et annonça par l’Esprit qu’il y aurait une grande famine sur toute la terre. Elle arriva, en effet, alors que Claude était empereur. Les disciples résolurent d’envoyer, chacun selon ses moyens, une aide aux frères qui habitaient la Judée. Ils la firent parvenir aux anciens par l’entremise de Barnabas et de Saul.

Lecture de l’Évangile selon Saint Jean

(Jn IV,5-42)

Jésus arriva dans une ville de Samarie, nommée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à Joseph, son fils. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué du voyage, était assis au bord du puits. C’était environ la sixième heure. Une femme de Samarie vint puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire ». Car ses disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres. La femme samaritaine lui dit : « Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine ? » -Les Juifs, en effet, n’ont pas de relations avec les Samaritains. - Jésus lui répondit : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire ! tu lui aurais toi-même demandé à boire, et il t’aurait donné de l’eau vive ». « Seigneur, lui dit la femme, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond ; d’où aurais-tu donc cette eau vive ? Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux ? » Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle ». La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n’aie plus soif, et que je ne vienne plus puiser ici ». « Va, lui dit Jésus, appelle ton mari, et viens ici ». La femme répondit : « Je n’ai point de mari ». Jésus lui dit : « Tu as eu raison de dire : Je n’ai point de mari. Car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari. En cela tu as dit vrai ». « Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es prophète. Nos pères ont adoré sur cette montagne ; et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem ». « Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité ». La femme lui dit : « Je sais que le Messie doit venir (celui qu’on appelle Christ) ; quand il sera venu, il nous annoncera toutes choses ». Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle ». Là-dessus arrivèrent ses disciples, qui furent étonnés de ce qu’il parlait avec une femme. Toutefois aucun ne dit : « Que demandes-tu ? » ou : « De quoi parles-tu avec elle ? » Alors la femme, ayant laissé sa cruche, s’en alla dans la ville, et dit aux gens : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ; ne serait-ce point le Christ ? » Ils sortirent de la ville, et ils vinrent vers lui. Pendant ce temps, les disciples le pressaient de manger, disant : « Rabbi, mange ». Mais il leur dit : « J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas ». Les disciples se disaient donc les uns aux autres : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? » Jésus leur dit : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son œuvre. Ne dites-vous pas qu’il y a encore quatre mois jusqu’à la moisson ? Voici, je vous le dis, levez les yeux, et regardez les champs qui déjà blanchissent pour la moisson. Celui qui moissonne reçoit un salaire, et amasse des fruits pour la vie éternelle, afin que celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble. Car en ceci ce qu’on dit est vrai : Autre est celui qui sème, et autre celui qui moissonne. Je vous ai envoyés moissonner ce que vous n’avez pas travaillé ; d’autres ont travaillé, et vous êtes entrés dans leur travail ». Plusieurs Samaritains de cette ville crurent en Jésus à cause de cette déclaration formelle de la femme : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait ». Aussi, quand les Samaritains vinrent le trouver, ils le prièrent de rester auprès d’eux. Et il resta là deux jours. Un beaucoup plus grand nombre crurent à cause de sa parole ; et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu as dit que nous croyons ; car nous l’avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu’il est vraiment le Sauveur du monde ».

Homélie[1]

Le Christ est ressuscité !

« L’heure vient, et c’est maintenant, où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité Dieu est Esprit et ceux qui adorent, c’est dans l’Esprit et la vérité qu’ils doivent adorer ». Quelle révélation dans ces paroles de Jésus à la Samaritaine !

Voyons ! Depuis plus de mille ans, tant les Juifs que les Samaritains rappellent au Seigneur l’Alliance du Sinaï avec des sacrifices sanglants. Car si les Samaritains ne reconnaissent que la Tora, la Loi, il en est de même des maîtres du Temple de Jérusalem, les sadducéens. Depuis plus de mille ans, que ce soit à Jérusalem ou sur les hauts-lieux de Samarie, on ne cesse de sacrifier des taureaux. Et pareillement de l’agneau pascal, en souvenir de la sortie de la servitude d’Égypte. Sans parler des innombrables victimes offertes en rémission des péchés personnels ou collectifs du peuple. Depuis plus de mille ans, on adore, tant en Juda qu’en Samarie, avec le sang des bêtes. Toute autre forme de culte est proscrite, même si en Israël le psalmiste et les prophètes ont aspiré à un culte intériorisé de fraternité et d’amour. Même si en Juda Isaïe a révélé le mépris du Seigneur pour un culte sanglant devenu purement rituel et factice. La Loi reste la Loi et le culte le culte. Tous deux ont été prescrits par le Seigneur à Moïse et restent immuables.

Or voici que Jésus ne remet même pas en question cette loi ni ce culte ; Il les gomme d’une parole, de Sa propre autorité, la même avec laquelle Il proclame : « On vous a dit, et Moi Je vous dis… », « désormais, c’est en esprit et en vérité qu’on doit adorer ». Pour une personne aussi peu prévenue que la Samaritaine, il y a de quoi déconcerter et choquer.

Or il n’en est rien. La pédagogie de la Parole de Jésus, cette Parole qui pénètre jusqu’aux articulations de l’âme, opère en elle dès que Jésus lui a demandé de l’eau à boire. Quand elle entend dire que Dieu est Esprit et que les vrais adorateurs ne peuvent adorer qu’en esprit et en vérité, elle a une intuition : « Je sais, dit-elle, que le Messie doit venir ; lorsqu’il sera venu, il nous annoncera toutes choses ». Quand Jésus répond « Je le suis moi qui te parle », elle a tout compris, tout accepté, tout reçu. La source de vérité et d’eau vive, c’est Lui ; le donateur de l’Esprit, c’est Lui. Et le culte nouveau annoncé vient de Lui.

Si l’annonce de Jésus est bouleversante, c’est qu’elle réclame un total retournement du cœur, et ce retournement la Samaritaine l’accomplit. Désormais elle sait de qui découlent les sources d’eau vive, et que pour rendre un culte à Dieu, il faut et il suffit de se mettre à l’écoute de son Messie. Elle sait que désormais seul un culte purement spirituel peut être rendu au Seigneur.

Cela ne s’est pourtant pas passé aussi simplement pour tous. Il n’est pas sans intérêt de rapprocher les paroles de Jésus aux Juifs de Capernahum, dans le discours sur le pain de vie (cf. chapitre de saint Jean que nous ignorons totalement, hélas, puisque nous n’avons pas la possibilité de le lire le dimanche). Le peuple, après la multiplication des pains, harcèle Jésus dans l’espoir d’un renouvellement du miracle. Jésus l’appelle à se dépasser : « travaillez non pour la nourriture périssable, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle ». Et les Juifs, comme la Samaritaine pour l’eau vive, de demander : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là ».

Chez eux, comme chez la Samaritaine, s’entrouvre la porte par où pourrait passer la lumière. De même que Jésus est la source d’eau vive jaillissant en vie éternelle, Il est « la vraie manne descendue du ciel qui donne la vie au monde ». Plus encore, Il est le pain de vie ; qui vient à Lui n’aura plus jamais faim, qui croit en Lui n’aura plus jamais soif. Au contraire de la Samaritaine, même Ses propres disciples se scandalisent. Jésus les reprend : « Si sa chair est nourriture de vie divine, c’est que l’Esprit la vivifie ; et ses paroles sont esprit et elles sont vie ».

La lumière viendra avec l’Ascension glorieuse et l’envoi de l’Esprit Saint à la Pentecôte. Pour qu’un culte puisse être célébré en esprit et en vérité, il fallait que l’Esprit vînt sur le monde, il fallait que le Christ fût glorifié. Il fallait qu’expirant sur la Croix, Jésus pût confesser : « maintenant tout est accompli ». La Loi alors a été définitivement parachevée, et l’Esprit de vérité allait pouvoir investir le monde. Alors le Ressuscité pourra communiquer à toute chair la vie divine et éternelle par la puissance de l’Esprit. Avant que Jésus ne soit glorifié, « il n’y avait pas encore l’Esprit », dit saint Jean. Mais avec sa glorification Jésus entre en possession de la plénitude de l’Esprit. Jésus devient pour le monde entier source jaillissante en vie éternelle.

C’est de ce sacrifice unique du Christ, sacrifice qui abolit et transcende tous les sacrifices antécédents, que désormais nous vivons, et le monde entier en nous. Ce sacrifice que nous ne cessons d’actualiser, de faire mémoire, de rendre présent au Père pour lui rappeler son Alliance nouvelle et éternelle. C’est un acte d’adoration radicalement et définitivement spirituel, perpétué par la puissance de l’Esprit, une offrande pure, présentée en tous lieux, d’orient en occident, au nom du Seigneur.

Le récit de la Samaritaine est un exemple admirable. Il nous donne d’entrevoir la prodigieuse « révolution » accomplie par cette simple femme. En un Juif inconnu et anonyme, elle a su reconnaître et accueillir le dispensateur des sources vives de l’Esprit, le donateur de vie éternelle, l’Oint du Seigneur annoncé par les Prophètes, et elle a su le proclamer sur-le-champ à tous les siens.

Puissions-nous tous être saisis d’une telle foi !

Note

[1] Prononcée à la Crypte par le Père René le 12 mai 1996

samedi 8 juin 2013

Dimanche de l'aveugle de naissance

ODT

Guérison de l'aveugle né

Textes du pentécostaire

Kondakion de l’aveugle de naissance – ton 4

Les yeux de mon âme étant aveugles, * je viens à toi, ô Christ, comme l’aveugle de naissance, * et avec repentir je te clame : * Tu es la Lumière * qui resplendit sur ceux qui sont dans les ténèbres.

Lecture des Actes des Apôtres

(Ac XVI,16-34)

Un jour, comme nous allions au lieu de la prière, vint à notre rencontre une servante qui avait un esprit de divination, et qui, par ses oracles, procurait un grand profit à ses maîtres. Elle se mit à nous suivre, Paul et nous en criant : « Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très Haut, et ils vous annoncent la voie du salut. » Elle fit cela pendant plusieurs jours. Paul, excédé, se retourna et dit à l’esprit : « Je t’ordonne, au nom de Jésus Christ, de sortir d’elle. » Et il sortit à l’heure même. Les maîtres de la servante, voyant disparaître l’espoir de leur gain, se saisirent de Paul et de Silas, et les traînèrent sur la place publique devant les magistrats. Ils les présentèrent aux préteurs, en disant : « Ces hommes troublent notre ville ; ce sont des Juifs, qui annoncent des coutumes qu’il ne nous est permis ni de recevoir ni de suivre, à nous qui sommes Romains. » La foule se souleva aussi contre eux, et les préteurs, ayant fait arracher leurs vêtements, ordonnèrent qu’on les batte de verges. Après qu’on les eut chargés de coups, ils les jetèrent en prison, en recommandant au geôlier de les surveiller de près. Le geôlier, ayant reçu cet ordre, les jeta dans la prison intérieure, et leur mit des entraves aux pieds. Vers le milieu de la nuit, Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu, et les prisonniers les entendaient. Tout à coup il se fit un si grand tremblement de terre, que les fondements de la prison furent ébranlés ; au même instant, toutes les portes s’ouvrirent, et les liens de tous les prisonniers furent rompus. Le geôlier se réveilla, et, lorsqu’il vit les portes de la prison ouvertes, il tira son épée et allait se tuer, pensant que les prisonniers s’étaient enfuis. Mais Paul cria d’une voix forte : « Ne te fais point de mal, nous sommes tous ici. » Alors le geôlier, ayant demandé de la lumière, entra précipitamment, et se jeta tout tremblant aux pieds de Paul et de Silas ; il les fit sortir, et dit : « Mes seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé ?  » Paul et Silas répondirent : « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille. » Et ils lui annoncèrent la parole du Seigneur, ainsi qu’à tous ceux qui étaient dans sa maison. À l’heure même, en pleine nuit, il les prit avec lui, lava leurs plaies, et aussitôt fut baptisé, lui et tous les siens. Les ayant conduits dans sa maison, il leur servit à manger, et il se réjouit avec toute sa famille de ce qu’il avait cru en Dieu.

Lecture de l’Évangile selon Saint Jean

(Jn IX,1-38)

En ce temps-là, Jésus vit, en passant, un homme aveugle de naissance. Ses disciples lui posèrent cette question : « Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, cet homme ou ses parents ? » Jésus répondit : « Ce n’est pas que lui ou ses parents aient péché ; mais c’est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui. Il faut que je fasse, tant qu’il fait jour, les œuvres de celui qui m’a envoyé ; la nuit vient, où personne ne peut travailler. Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » Après avoir dit cela, il cracha à terre, et fit de la boue avec sa salive. Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l’aveugle, et lui dit : « Va, et lave-toi au réservoir de Siloé (nom qui signifie envoyé). » Il y alla, se lava, et s’en retourna voyant clair. Ses voisins et ceux qui auparavant l’avaient connu comme un mendiant disaient : « N’est-ce pas là celui qui se tenait assis et qui mendiait ? » Les uns disaient : « C’est lui. » D’autres disaient : « Non, mais il lui ressemble. » Et lui-même disait : « C’est moi. » Ils lui dirent donc : « Comment tes yeux ont-ils été ouverts ? » Il répondit : « L’Homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, a oint mes yeux, et m’a dit : Va au réservoir de Siloé, et lave-toi. J’y suis allé, je me suis lavé, et j’ai recouvré la vue. » Ils lui dirent : « Où est cet homme ? » Il répondit : « Je ne sais pas. » Ils menèrent vers les pharisiens celui qui avait été aveugle. Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue, et lui avait ouvert les yeux. À leur tour, les pharisiens lui demandèrent comment il avait recouvré la vue. Et il leur dit : « Il a appliqué de la boue sur mes yeux, je me suis lavé, et je vois. » Sur quoi quelques-uns des pharisiens dirent : « Cet homme ne vient pas de Dieu, car il n’observe pas le sabbat. » D’autres dirent : « Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ? » Et il y eut division parmi eux. Ils dirent encore à l’aveugle : « Toi, que dis-tu de lui, sur ce qu’il t’a ouvert les yeux ? » Il répondit : « C’est un prophète. » Les Juifs ne crurent point qu’il eût été aveugle et qu’il eût recouvré la vue. Ils firent venir ses parents et les interrogèrent, disant : « Est-ce là votre fils, que vous dites être né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ? » Ses parents répondirent : « Nous savons que c’est notre fils, et qu’il est né aveugle ; mais comment il voit maintenant, ou qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas. Interrogez-le , il est assez grand pour parler de ce qui le concerne. » Ses parents dirent cela parce qu’ils craignaient les Juifs ; car les Juifs étaient déjà convenus que, si quelqu’un reconnaissait Jésus pour le Christ, il serait exclu de la synagogue. C’est pourquoi ses parents dirent : « Interrogez-le , il est assez grand ». Les pharisiens appelèrent une seconde fois l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ; nous, nous savons que cet homme est un pécheur. » Il répondit : « S’il est un pécheur, je ne sais ; je sais une chose, c’est que j’étais aveugle et que maintenant je vois. » Ils lui dirent : « Que t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ? » Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté ; pourquoi voulez-vous l’entendre encore ? Voulez-vous aussi devenir ses disciples ? » Ils l’injurièrent et dirent : « C’est toi qui es son disciple ; nous, nous sommes disciples de Moïse. Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-ci, nous ne savons d’où il est. » L’homme leur répondit : « Il est étonnant que vous ne sachiez d’où il est ; et cependant il m’a ouvert les yeux. Nous savons que Dieu n’exauce point les pécheurs ; mais, si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, c’est celui là qu’il l’exauce. Jamais on n’a entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle-né. Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » Ils lui répondirent : « Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes ! » Et ils le chassèrent. Jésus apprit qu’ils l’avaient chassé ; et, l’ayant rencontré, il lui dit : « Crois-tu au Fils de Dieu ? » Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ? » - « Tu l’as vu, lui dit Jésus, et celui qui te parle, c’est lui. » Et il dit : « Je crois, Seigneur. » Et il se prosterna devant lui.

Homélie[1]

Le Christ est ressuscité !

C’est le dernier miracle évangélique dont nous sommes aujourd’hui les témoins par l’évangile de saint Jean. “ La lumière du Christ illumine le monde ” proclamons-nous en Carême. Cette lumière du Christ révélée par la Résurrection illumine a posteriori toute la vie du Christ. L’évangile de Jean décrit sept “signes” ou miracles du Christ parce qu’ils sont des symboles du sens profond de la venue de Dieu sur la terre et dans le cœur humain. Dans le miracle de la guérison de l’aveugle-né se révèle la grandeur de Dieu, sa gloire et sa sagesse.

La cécité est symbolique du péché qui est avant tout un aveuglement. Le péché crée en nous comme un écran entre Dieu et nous, il crée en nous les ténèbres et une incapacité foncière de voir, a fortiori de communier à la vie divine. Nous ne voyons pas notre propre réalité, notre propre péché. Que l’aveugle soit né aveugle montre qu’il ne s’agit pas d’un aveuglement provisoire mais d’un état durable, ancien, et dont on ne peut espérer la fin, humainement parlant. Mais Jésus précise que cet aveuglement est “ Pour que se manifeste la gloire de Dieu ”, car c’est dans la guérison de cet aveugle qu’Il montre Sa gloire et non dans les bien-portants qui l’entourent, non dans les pharisiens qui Lui reprochent d’agir un jour de sabbat.

Et cette guérison corporelle de l’aveugle s’accompagne d’une transformation totale et de la conversion du cœur. Son cœur devient capable de voir Dieu. “ Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ”, cette parole des béatitudes se réalise aujourd’hui devant nous, car l’aveugle confesse le Seigneur, proclame Sa bonté devant tous ceux qui doutent de lui, il le reconnaît prophète et finalement “ Fils de l’homme… ”.

Il faut souligner aussi que pour retrouver la vision naturelle comme pour découvrir la vision de Dieu, il faut avoir conscience de sa cécité, se sentir comme l’aveugle-né dans des ténèbres profondes. Tant que nous sommes dans la pseudo-lumière de notre existence quotidienne, un abîme nous sépare de Dieu, et nous ne pouvons pas le franchir, nous ne voulons pas le franchir. Car il n’y a pas de continuité naturelle entre la lumière normale et la lumière de Dieu. Il y a entre elles une frontière. Cette frontière est faite des ténèbres de notre péché, mais aussi des ténèbres — bonnes et bénéfiques, celles-là — de notre repentance. Le péché nous maintient dans la ténèbre vis-à-vis de Dieu et dans le sentiment fallacieux et illusoire que nous sommes dans le bien, dans la certitude, que nous n’avons besoin de rien d’autre que de notre propre lumière. L’homme se croit autosuffisant et chemine sur le chemin de la vie, ignorant qu’il marche en réalité comme un aveugle-né. Il faut donc d’abord atteindre cet abîme, ce fond de nous-mêmes qui nous révèle notre insuffisance. Et c’est une grâce de Dieu qu’au fond de cet abîme, fléchissant douloureusement la tête et les genoux, nous reconnaissions enfin que nous sommes au bout de nos capacités naturelles et que nous avons besoin de Dieu.

Par la grâce de Dieu, car la grâce agit en nous-mêmes à notre insu, l’homme connaît le sentiment douloureux d’être là, de piétiner, de stagner dans sa propre misère, dans sa maladie, dans son aveuglement et son ignorance. Alors il se retourne, il se relève, il se tourne vers la grâce de Dieu, il reconnaît son péché dans la confession, et il remonte vers Dieu et Sa lumière. La lumière ne vient peut-être pas tout de suite, il peut connaître un certain temps de solitude et de souffrance, que Dieu lui réserve avant de l’inonder de lumière et de l’abreuver de l’eau de la vie.

Ainsi l’expérience des ténèbres devient pour le pécheur qui se convertit, se tourne vers Dieu et monte vers la lumière, une expérience nécessaire. C’est en fait l’expérience concrète de notre indignité d’homme, de notre incapacité foncière à nous tenir debout et à aimer, à agir dans la crainte de Dieu et à faire le bien. Heureusement Dieu ne nous garde pas longtemps dans cet état, car “ Dieu est lumière et il n’y a en lui aucune ténèbre ” dit saint Jean, et toute l’expérience de l’Église est une expérience de lumière : “ Gloire à toi qui nous as montré la lumière ”, disons-nous à matines. La lumière du Christ recouvre et illumine le monde. Et l’Église nous offre à nous tous l’expérience vivante de cette lumière, lumière très réelle et en même temps sens intérieur d’évidence de Dieu, de certitude de Sa présence et de Son amour, de confiance dans la puissance de l’Esprit.

Peu à peu cette lumière grandit en nous par l’alternance des ténèbres et de la lumière, alternance sage et bonne qui est répétée à travers les différents cycles liturgiques, quotidien et annuel. Nous entrons par les vêpres dans la nuit. Cette nuit est le temps du sommeil mais aussi le temps du repentir, et nous remontons avec les matines à la lumière en nous appuyant sur le Soleil de justice. Au cours du Carême et de la Semaine Sainte nous sommes plongés dans les semi-ténèbres favorables au retour sur soi-même, au repentir, à la descente en soi et à la vision de l’état réel de notre cœur. À mesure que la Semaine Sainte s’avance, la lumière grandit et à Pâques la lumière du Christ illuminant toutes choses nous éblouit.

L’aveugle-né guéri sort des ténèbres et reçoit de Jésus la capacité de Le reconnaître, et de confesser à la face de Ses ennemis qu’Il est le Fils de l’homme, c’est-à-dire le Messie et, dans la bouche de Jésus, le Fils de Dieu. De même lorsque la lumière du Fils de Dieu pénètre en nous, nous devenons capables de croître à travers le repentir dans la connaissance de Dieu, l’amour du prochain et la proclamation de la lumière du Christ dans le monde.

Note

[1] Prononcée à la Crypte par le Père Boris le 19 mai 1985

samedi 15 juin 2013

Dimanche des pères du premier Concile Œcuménique

ODT

Pères du 1er Concile Œcuménique

Miracle au premier Concile Œcuménique

En 325, le saint empereur Constantin le Grand convoque 318 sages et saints pères de l’Église pour combattre l’hérésie d’Arius qui enseignait que le Christ n’est pas Dieu mais une de Ses créatures.

Dans le camp d’Arius, se trouvent Eusèbe de Nicomédie, Théogène de Nicée et Macaire de Chalcédoine et face à eux, des évêques et des prêtres dignes d’un profond respect, dont quelques colonnes de la foi orthodoxe, lumières de l’Église. Parmi eux, Saint Spyridon, écoute avec attention le discours foudroyant d’Arius ; cet exposé alliait une grande culture philosophique au feu de l’éloquence.

Les pères démontrent avec ardeur les erreurs de l’imagination d’Arius. Mais à ses côtés, il y a un philosophe arien enflé d’orgueil qui lance un défi aux orthodoxes, invitant quelqu’un parmi eux à venir se mesurer à lui dans une discussion sur la Sainte Trinité : son exposé est fulgurant, ses arguments et sa verve rendent toute discussion impossible et ne laissent aucun temps pour répondre.

Saint Spyridon comprend que c’est son heure. Alors que tous parlent encore avec fièvre, il s’avance et dit : “Viens philosophe et discutons ensemble”. Les autres Pères le sachant pur et vertueux mais sans grande instruction, essaient de l’en dissuader afin qu’il ne soit pas ridiculisé par le philosophe. Mais le Saint bien déterminé, regarde le philosophe bien en face et lui dit : “Au nom de Jésus Christ, écoute-moi.”

“Parle”, lui répond le philosophe. Alors Saint Spyridon affirme avec calme et simplicité : “Trois sont les personnes de la Sainte Trinité, le Père, le Fils et le Saint Esprit, un est Dieu. L’intelligence humaine est trop petite pour comprendre l’immensité de la Divinité.”

Veux-tu maintenant voir ce que tu ne peux saisir intellectuellement ? Regarde, dit-il en sortant une tuile de sa poche. Si je te demande combien d’objets je tiens dans la main, tu me répondras : un seul. Et pourtant, voici la preuve que ce que tu crois être un ne l’est pas”. Faisant alors le Signe de croix, il dit : “Au nom du Père” et à ces mots, à la stupéfaction générale une flamme s’élève, de la tuile qu’il tient dans sa main, vers le ciel ; la flamme qui avait cuit la tuile. Le saint, rempli de la Grâce de Dieu, continue humblement : “Et du Fils”… de l’eau s’échappe de la tuile et tombe à terre… “Et du Saint Esprit”. Dans la main du saint, il ne reste plus que la terre. “Trois”, dit-il, “étaient les éléments qui composaient cette tuile et pourtant, ils ne faisaient qu’un. Ainsi en est-il de la Sainte Trinité”.

Le fameux philosophe reste un temps sans voix, puis il dit à Saint Spyridon : “Je crois et je confesse, saint homme, tout ce que tu as dit”. Et s’adressant à Arius et à ses amis, il les cita à faire de même. Ainsi le Concile se termine dans la joie pour les Pères de l’Église, à la grande confusion des Ariens. (Source)

Fin funeste d’Arius – extrait du synaxaire

À peine Constantin le Grand fut-il passé de ce monde vers Dieu, laissant le sceptre à son fils Constance, Arius vint trouver l’empereur et lui dit : J’abandonne tout et je veux m’unir à l’Église de Dieu. Ayant écrit ses hérésies, il les suspendit à son cou et, faisant comme s’il obéissait au Concile, il les frappa de sa main et dit qu’il se soumettait. Dans sa négligence, l’empereur ordonna au patriarche de Constantinople de recevoir Arius à la communion. C’était alors Alexandre, qui avait succédé à Métrophane. Connaissant les mauvaises dispositions de cet homme, il hésitait et pria Dieu de lui montrer s’il était de sa volonté qu’il communiât Arius. Quand vint le moment où il devait concélébrer avec lui, la prière se fit plus ardente. Arius, en se rendant à l’église, heurta quelque part la colonne du forum, et son ventre s’ouvrit, au point que ses excréments s’écoulèrent en public. Ayant ainsi éclaté, il laissa s’échapper par-dessous sa constitution intime, imitant Judas en sa façon de se déchirer par le milieu, pour avoir trahi le Verbe lui aussi. Ayant arraché le Fils de Dieu à la nature du Père, il se déchira lui-même et fut trouvé mort. Et c’est ainsi que l’Église de Dieu fut délivrée d’un pareil fléau.
Par les prières des trois cent dix-huit Pères saints et théophores, Christ notre Dieu, aie pitié de nous, Amen.

Accéder directement à l’homélie du père René.

Textes du pentécostaire

Lucernaire – Stichères des Pères du premier Concile Œcuménique

Dès l’aurore tu fus engendré du sein paternel * avant les siècles, sans qu’une mère t’ait conçu, * même si Arius te glorifie comme créature, non comme Dieu, * mêlant effrontément la créature et son Auteur, * et méritant par là le feu éternel, * mais le concile de Nicée te proclame Fils de Dieu, * Seigneur qui partages un même trône avec le Père et l’Esprit.

Qui a déchiré ta tunique, Sauveur ? * C’est Arius, qui sépare et divise en la Trinité * l’égale gloire et l’éternelle majesté ; * il n’admet pas que tu es l’Un de la sainte Trinité, * il inspire à Nestorius de rejeter l’expression « Mère de Dieu », * mais le concile de Nicée te proclame Fils de Dieu, * Seigneur qui partages un même trône avec le Père et l’Esprit.

Il est tombé dans le gouffre des impies, * Arius, selon qui la lumière ne peut être vue * et, les entrailles déchirées par la justice de Dieu, * il rendit son âme et tout son être violemment, * comme un autre Judas par la conduite et la pensée, * mais le concile de Nicée te proclame Fils de Dieu, * Seigneur qui partages un même trône avec le Père et l’Esprit.

Arius divisa l’unique principe de la sainte Trinité * en trois êtres non pareils prenant origine diversement, * mais les Pères théophores réunis en concile, * brûlant de zèle comme Élie de Thesbé, * retranchèrent par le glaive de l’Esprit * celui qui enseignait ce blasphème honteux : * ils le firent sous la motion de l’Esprit.

Gloire… – ton 6
Célébrons en ce jour les Pères théophores, * ces clairons mystiques de l’Esprit, * qui ont fait retentir au milieu de l’Église la divine harmonie, * proclamant l’unique essence de la divine Trinité ; * contre Arius ils soutinrent la vraie foi * et sans cesse ils intercèdent auprès de Dieu * pour qu’il prenne nos âmes en pitié.

Lecture des Actes des Apôtres

(Ac XX,16-18,28-36)

Frères, en ces jours-là, Paul avait résolu de passer au large d’Éphèse sans s’y arrêter, afin de ne pas perdre de temps en Asie ; car il se hâtait pour se trouver, si cela lui était possible, à Jérusalem le jour de la Pentecôte. Cependant, de Milet Paul envoya un message à Éphèse pour convoquer les anciens de l’Église. Lorsqu’ils furent auprès de lui, il leur dit : « Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint Esprit vous a établis évêques, pour paître l’Église du Seigneur, qu’il s’est acquise par son propre sang. Je sais qu’il s’introduira parmi vous, après mon départ, des loups cruels qui n’épargneront pas le troupeau, et qu’il s’élèvera du milieu de vous des hommes qui enseigneront des choses pernicieuses, pour entraîner les disciples après eux. Veillez donc, vous souvenant que, durant trois années, je n’ai cessé nuit et jour d’exhorter avec larmes chacun de vous. Et maintenant je vous recommande à Dieu et à la parole de sa grâce, à celui qui peut édifier et donner l’héritage avec tous les sanctifiés. Je n’ai désiré ni l’argent, ni l’or, ni les vêtements de personne. Vous savez vous-mêmes que ces mains ont pourvu à mes besoins et à ceux des personnes qui étaient avec moi. Je vous ai montré de toutes manières que c’est en travaillant ainsi qu’il faut soutenir les faibles, et se rappeler les paroles du Seigneur, qui a dit lui-même : “Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir” ». Après avoir ainsi parlé, il se mit à genoux, et avec eux tous il pria.

Lecture de l’Évangile selon Saint Matthieu

(Jn XVII,1-13)

Après avoir ainsi parlé, Jésus leva les yeux au ciel, et dit : « Père, l’heure est venue ! Glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie, selon que tu lui as donné pouvoir sur toute chair, afin qu’il accorde la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. Je t’ai glorifié sur la terre, j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire. Et maintenant toi, Père, glorifie-moi auprès de toi-même de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fût. J’ai fait connaître ton nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi, et tu me les as donnés ; et ils ont gardé ta parole. Maintenant ils ont connu que tout ce que tu m’as donné vient de toi. Car je leur ai donné les paroles que tu m’as données ; et ils les ont reçues, et ils ont vraiment connu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé. C’est pour eux que je prie. Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, parce qu’ils sont à toi ; - et tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; -et je suis glorifié en eux. Je ne suis plus dans le monde, et ils sont dans le monde, et je vais à toi. Père saint, garde en ton nom ceux que tu m’as donnés, afin qu’ils soient un comme nous. Lorsque j’étais avec eux dans le monde, je les gardais en ton nom. J’ai gardé ceux que tu m’as donnés, et aucun d’eux ne s’est perdu, sinon le fils de perdition, en sorte que l’Écriture fût accomplie. Et maintenant je vais à toi, et je dis ces choses dans le monde, afin qu’ils aient en eux ma joie parfaite. »

Homélie[1]

Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,

Ce Dimanche est consacré à la mémoire des 316 Pères du Premier Concile œcuménique de Nicée en 325. On peut s’étonner qu’entre les grandes solennités de la Fête de l’Ascension du Seigneur et de celle de la venue de l’Esprit Saint à la Pentecôte, l’Église ait placé la mémoire d’un événement qui parait relever davantage du cours de l’histoire événementielle que de la Révélation plénière de la foi. Il n’en est rien.

La convocation de Nicée, certes, fut un acte politique : le fait de l’empereur Constantin. L’Empire Romain, depuis la reconnaissance du Christianisme comme religion d’état, avait besoin d’une Église forte, unie et stable. Or précisément à cette époque, une hérésie, apparue à Alexandrie et suscitée par un prêtre nommé Arius, menaçait non seulement l’unité de l’Église, mais aussi par voie de conséquence celle de l’Empire. Le danger était réel. Un siècle encore après Nicée, les tribus goths du Danube acquises à l’arianisme, pénétraient en Europe, transmettant leur hérésie en Gaule, en Italie, en Espagne, jusqu’en Afrique du Nord et en Libye, faisant presque retour au point de départ de cette fausse doctrine.

Arius donnait une représentation simple et facilement acceptable de la Sainte Trinité. Pour Arius le Christ n’était qu’une créature humaine, non préexistante et secondairement unie au Père. Très tôt, l’hérésie fut condamnée par saint Alexandre, évêque d’Alexandrie.

Puis c’est au Concile de Nicée qu’il revint d’établir de façon claire et irréversible par son Symbole la véritable Personne du Christ, vrai Dieu de vrai Dieu, consubstantiel au Père et homme complet, engendré du Saint-Esprit et de la Vierge Marie. À Nicée, un des plus ardents défenseurs de la foi orthodoxe était saint Athanase, diacre de saint Alexandre puis évêque, il défendra jusqu’à sa mort, cinquante ans plus tard, la foi de Nicée au prix de nombreuses épreuves dont cinq déportations. Saint Athanase et, avec lui, les Pères de Nicée reconnurent au Fils de Dieu, coéternel et consubstantiel au Père, toute la plénitude de la divinité[2].

S’il a revêtu notre humanité, c’était en vue de notre salut et plus encore de notre déification à venir : « Dieu s’est fait homme, dit saint Athanase, pour que l’homme devienne dieu. » Cette affirmation se trouve déjà chez saint Irénée. Elle ne devait cesser de se développer en Orient jusqu’à saint Grégoire Palamas et, bien entendu, dans la conscience de l’Église Orthodoxe et de ses fidèles jusqu’à nos jours. 
Ainsi le rappel de la foi de Nicée trouve-t-il naturellement sa place après la Fête de l’Ascension du Christ. L’Ascension est l’accomplissement du mystère de notre salut. À l’Incarnation le Verbe se fait chair et l’homme devient le lieu de Dieu. À l’Ascension notre nature entre dans la Gloire de la Saint Trinité. Après s’être abaissé jusqu’à revêtir notre corps, Dieu nous élève jusque dans le sein de Sa propre divinité. Quand le Christ retourne auprès du Père que, comme Verbe de Dieu, Il n’a jamais quitté, Il emporte notre nature non seulement pour la sauver mais aussi pour la diviniser. C’est ainsi que la foi d’Athanase, la foi des Pères de Nicée, reprend l’affirmation de saint Paul : le Christ nous a ressuscités avec Lui et, avec Lui, Il nous fait déjà asseoir dans les Cieux auprès du Père[3].

Pour autant, l’œuvre des Pères de Nicée n’a été parachevée qu’au Concile suivant, celui de Constantinople, d’où l’appellation de notre Credo de Symbole de Nicée et de Constantinople. En effet, un autre hérésiarque, évêque cette fois, du nom de Macédonius, entreprenait à son tour de récuser la divinité du Saint Esprit. C’est grâce aux Pères cappadociens, à saint Grégoire le théologien, saint Grégoire de Nysse et surtout saint Basile le Grand, qu’a été éradiquée cette dernière hérésie. Saint Basile a établi la divinité de l’Esprit Saint et Sa consubstantialité au Père, même s’il ne l’a pas exprimé formellement. C’est depuis que nous proclamons que l’Esprit est Seigneur, qu’Il procède du Père et qu’Il est adoré et glorifié avec le Père et le Fils. D’ailleurs les Apôtres, saisis par l’Esprit de la Pentecôte, à leur première réunion à Jérusalem, ont reconnu la primauté de l’inspiration du Saint Esprit en affirmant « L’Esprit Saint et nous… »[4] Les Pères de Nicée et de Constantinople, parfaitement conscients d’agir sous l’action de l’Esprit ont proclamé de même : « L’Esprit saint et nous… » C’est par l’Esprit de la Pentecôte que depuis Nicée l’Église a dénoncé les hérésies qui menacent la vraie foi. Aussi la mémoire des Pères de Nicée et de Constantinople est-elle aussi rappelée ce jour-ci en signe précurseur de la Fête de la Pentecôte.

Aujourd’hui l’Église honore tous les Pères de Nicée, de Constantinople et de tous les conciles œcuméniques en leur dédiant la Prière sacerdotale que Jésus adressa à son Père, avant Sa Passion, pour l’unité de Ses disciples. Jésus prie pour les disciples et par eux pour tous ceux que le Père Lui donnera. Il demande au Père de les garder et de les sanctifier. La prière de Jésus pour les disciples présents et à venir repose sur la fidélité que tous auront à Son égard. Ces hommes sont choisis et tirés du monde par la grâce du Père. Ils appartiennent au Père, mais le Père les donne au Fils, pour recevoir Ses commandements et répandre Son œuvre dans le monde.

Parce qu’ils croient à la voix du Père, ils savent que Dieu a un seul envoyé Son Fils Jésus-Christ. Ils croient en la Parole du Fils et ils la gardent avec fidélité. Ils reconnaissent et croient que Jésus est l’envoyé du Père, sorti du sein du Père. Aussi c’est pour eux et pour ceux qui les suivront que Jésus prie, parce qu’en eux Jésus et le Père sont glorifiés. Jésus en appelle à la sainteté de Son Père pour que Ses disciples soient conservés dans leur foi, qu’ils soient protégés du monde et qu’ils soient sanctifiés dans la vérité. Enfin Jésus demande que Ses disciples soient un, comme Lui-même et Son Père sont un, dans la fidélité à son Nom. L’Église étend cette prière aux Pères conciliaires qui ont glorifié le Christ et accompli leur vocation en toute fidélité. Il nous appartient à notre tour de rendre grâce aux Pères théophores de Nicée et de tous les Conciles œcuméniques qui nous ont transmis la vraie foi, jusqu’au prix du martyre. Nous tous qui avons été baptisés en Christ et qui constituons aujourd’hui l’Église du Christ, environnés que nous sommes d’une telle nuée de témoins, comme dit saint Paul, devons manifester avec la plus grande force notre foi. Ce témoignage est le trésor qui nous est confié de tout temps par l’Église dans l’Esprit et que nous avons à porter jusqu’à la plénitude des siècles pour le salut de tous les hommes dans le Royaume de Dieu. Amen.

Notes

[1] Prononcée par Père René le 16 juin 2002 à la Crypte

[2] Cf. l’épître de saint Paul aux Colossiens II, 9

[3] Cf. épître de saint Paul aux Éphésiens II, 6

[4] Cf. Actes des Apôtres XV, 28

samedi 22 juin 2013

Dimanche de Pentecôte

ODT

Pentecôte par Vladimir Ouspensky

Textes du pentécostaire

Lucernaire – ton 1

Fêtons la Pentecôte et la venue de l’Esprit ; * en elle la promesse s’accomplit * et l’espérance est réalisée. * Mystère vénérable et rempli de majesté ! * Aussi nous te crions : * Créateur de l’univers * et Seigneur, gloire à toi. (bis)

Par les langues des païens * tu rénovas tes Disciples, Seigneur, * afin qu’en ces langues ils te proclament * comme le Dieu et le Verbe immortel * qui accorde à nos âmes la grâce du salut.

Toute grâce vient du saint Esprit : * il est la source des prophéties, * il initie les prêtres et confère la sagesse aux illettrés, * il transforme en théologiens de simples pêcheurs * et tout entière il affermit * l’Église rassemblée. * Paraclet consubstantiel au Père et au Fils * et partageant un même trône avec eux, * Seigneur, gloire à toi.

ton 2

Nous avons vu la lumière véritable, * nous avons reçu l’Esprit céleste, * nous avons trouvé la vraie foi * en adorant l’indivisible Trinité, * car c’est elle qui nous a sauvés. (bis)…

Gloire au Père … Maintenant … – ton 8

Venez, tous les peuples, adorons * en trois personnes l’unique Dieu : * le Fils dans le Père, avec le saint Esprit ; * car le Père engendre le Fils hors du temps, * partageant même trône et même éternité, * et l’Esprit saint est dans le Père, glorifié avec le Fils : * une seule puissance, une seule divinité, * un seul être devant qui * nous tous, les fidèles, nous prosternons en disant : * Dieu saint qui as tout créé par le Fils * avec le concours du saint Esprit, * Dieu saint et fort par qui le Père nous fut révélé * et par qui le saint Esprit en ce monde est venu ; * Dieu saint et immortel, Esprit consolateur * qui procèdes du Père et reposes dans le Fils, * Trinité sainte, gloire à toi.

Lecture des Actes des Apôtres

(Ac II,1-11)

Frères, le jour de la Pentecôte, les apôtres étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer. Or, il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au bruit qui eut lieu, la multitude accourut, et elle fut confondue parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. Ils étaient tous dans l’étonnement et la surprise, et ils se disaient les uns aux autres : « Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment les entendons-nous dans notre propre langue à chacun, dans notre langue maternelle ? Parthes, Mèdes, Élamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l’Asie, la Phrygie, la Pamphylie, l’Égypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, comment les entendons-nous parler dans nos langues des merveilles de Dieu ? »

Lecture de l’Évangile selon Saint Jean

(Jn VII,37-52,VIII,12)

Le dernier jour de la fête des tentes, le grand jour , Jésus, se tenant debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture. » Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ; car l’Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. Des gens de la foule, ayant entendu ces paroles, disaient : « Celui-ci est vraiment le prophète ». D’autres disaient : « C’est le Christ ». Et d’autres disaient : « Est-ce bien de la Galilée que doit venir le Christ ? L’Écriture ne dit-elle pas que c’est de la postérité de David, et du village de Bethléhem, où était David, que le Christ doit venir ? » Il y eut donc, à cause de lui, division parmi la foule. Quelques-uns d’entre eux voulaient le saisir, mais personne ne mit la main sur lui. Ainsi les gardes retournèrent vers les grands prêtres et les pharisiens. Et ceux-ci leur dirent : « Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? » Les gardes répondirent : « Jamais homme n’a parlé comme cet homme. » Les pharisiens leur répliquèrent : « Est-ce que vous aussi, vous avez été séduits ? Y a-t-il quelqu’un parmi les chefs ou les pharisiens qui ait cru en lui ? Mais cette foule qui ne connaît pas la loi, ce sont des maudits ! » Nicodème, qui était venu de nuit vers Jésus, et qui était l’un d’entre eux, leur dit : « Notre loi condamne-t-elle un homme avant qu’on l’entende et qu’on sache ce qu’il a fait ? » Ils lui répondirent : « Es-tu aussi Galiléen ? Examine, et tu verras que de la Galilée il ne sort point de prophète. » Jésus leur parla de nouveau, et dit : « Je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. »

La naissance de l’Église

(Émission radiophonique du père Cyrille Argenti. Source.)

Le don du Saint Esprit

Le Christ ressuscité renouvelle, le jour de son Ascension, la promesse qu’Il avait faite le soir du Jeudi saint : « Restez à Jérusalem, jusqu’à ce que vous receviez la force qui vous viendra d’en haut. Il convient que Je m’en aille, car si Je ne partais pas, vous ne recevriez pas l’autre Consolateur. Mais lorsque Je serai parti, Je vous enverrai d’auprès du Père le Consolateur qui procède du Père. »[1]

Le don de la Loi

La Pentecôte se dit en hébreu Shavouot, ce qui veut dire la fête des semaines : sept semaines, c’est-à-dire quarante-neuf jours, séparaient la Pâque juive, la sortie d’Égypte, de la remise de la Loi à Moïse, au Sinaï. C’est donc la fête du cinquantième jour, en grec Pentikosti. La Pentecôte est une fête juive qui célèbre le jour où Dieu a donné à Moïse la Loi. Ce n’est pas par hasard que Dieu choisit précisément ce jour pour donner à son peuple son Esprit. Nous passons ainsi du règne de la Loi à celui de l’Esprit.

Or le premier événement - la sortie d’Égypte, la libération du peuple juif de la tyrannie de Pharaon grâce au sang de l’agneau répandu sur le linteau des portes et grâce à l’intervention de Dieu faisant reculer la mer Rouge - était fêtée par les juifs le jour de la Pâque. Ce n’est pas une coïncidence si justement la mort et la Résurrection du Christ se situent au moment où les juifs fêtent la libération de la tyrannie du Pharaon. Désormais, par le sang de l’Agneau qu’est le Christ, le genre humain tout entier est libéré de la tyrannie du péché. La Pâque chrétienne est l’accomplissement, l’épanouissement de la Pâque juive, sans laquelle l’on ne peut comprendre le sens de notre Pâque.

Le prophète Jérémie nous donne la clef de la Pentecôte chrétienne. Dieu disait par la bouche du prophète : « Je conclurai avec mon peuple une nouvelle alliance où la Loi sera inscrite dans leur cœur »[2]. La Loi donnée par Dieu à Moïse, qui est toujours valable, vient de l’extérieur. Cependant, à partir du jour de la Pentecôte, cette Loi ne viendra désormais plus seulement de l’extérieur, mais sera inscrite dans les cœurs, elle sera voulue et désirée. Elle ne sera plus imposée comme une loi, mais désirée comme un objet d’amour. Le Saint Esprit descendant sur l’Église inscrit la Loi dans le cœur de l’homme qui, désormais, non seulement la désirera, mais aura la force de la réaliser. L’ancienne Loi, en effet, nous indiquait ce qui était bien et ce qui était mal, mais ne nous donnait pas la force de faire le bien. Saint Paul remarque même, dans l’épître aux Galates, que l’ancienne Loi soulignait finalement notre péché en nous montrant que nous ne faisions pas ce que nous devions faire, en rendant l’homme conscient de sa culpabilité.[3]

La Loi - saint Paul nous le rappelle - a servi de pédagogue à l’esprit humain.[4] Si vous avez un enfant, vous commencerez par lui dire : « Fais ceci, ne fais pas cela », vous lui donnerez des ordres précis : « Ceci est permis, cela est interdit, c’est la loi ». Voilà quel était le règne de la Loi. Cependant, le règne de l’Esprit va au-delà. L’Esprit, Lui, change le cœur et lorsque le cœur est changé, on n’a plus besoin de la Loi. Si vous aimez quelqu’un, on n’a plus besoin de vous dire : « Ne le tue pas, ne le vole pas, ne lui mens pas, ne le trompe pas ». C’est pourquoi, dès l’instant où l’Esprit pénètre dans le cœur des disciples, ces derniers observent la Loi sans le savoir, elle est dans leur cœur.

Les hommes avaient montré qu’ils n’étaient pas capables d’observer la Loi, ils vivaient sous la crainte d’une sanction en réponse à leur transgression. Désormais, nous ne vivons plus sous la crainte, mais sous la grâce. En donnant son Esprit, en changeant notre cœur, Dieu nous libère de la peur de la sanction de la Loi. On passe du règne de la Loi au règne de la grâce, au règne de l’amour. Dieu a eu une méthode pour l’enfance de l’humanité et quand les temps étaient mûrs, quand Il a jugé que sa pédagogie par la Loi permettait de franchir le pas suivant, alors Il a envoyé son Fils, qui, Lui, a envoyé son Esprit. C’est la Pentecôte.

Malheureusement, on présente souvent l’Évangile comme une obéissance à une loi dont on a peur et cette caricature a fait beaucoup de mal. Elle est sans doute due à l’oubli de la présence du Saint Esprit, et non seulement à l’oubli de sa présence mais à son absence : lorsque l’Esprit n’est pas là, alors la loi est absolument nécessaire. Elle cesse d’être nécessaire lorsqu’on la dépasse parce que le cœur a changé. On peut alors oublier la Loi car on a l’Esprit dans son cœur et on aime. Le jour de la Pentecôte, l’homme devient capable, non par ses propres forces, mais par l’aide de Dieu, par l’action du Saint Esprit Lui-même, de réaliser la Loi, de l’accomplir par son propre désir. Il aime faire le bien, il veut le faire parce que Dieu habite en lui.

L’attente joyeuse du Consolateur

Les premiers chrétiens avaient découvert, par la Résurrection du Christ, que Jésus était Dieu. C’est le grand cri de Thomas, huit jour après la Résurrection : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »[5] En rencontrant le Ressuscité, les chrétiens font donc une première expérience de la rencontre avec Dieu, mais qui leur demeure extérieure. Thomas voit le Seigneur Jésus ressuscité face à lui et Le touche. Cependant, le jour de l’Ascension, ces mêmes disciples sont privés de la présence visible du Christ remonté au ciel.

Lorsque le Seigneur quitte ses disciples pour remonter auprès de son Père, ils n’éprouvent - cela est surprenant - ni tristesse ni désarroi. Ils ont perdu leur chef visible, leur guide, Celui qui chaque jour leur parlait du Père et leur indiquait sa volonté, leur enseignait concrètement tout ce qu’ils devaient faire pour rejoindre le Royaume des cieux. Pourtant, le jour même de l’Ascension, lorsque le Seigneur Jésus les quitte, ils sont dans la joie. Dans les Actes des apôtres, on nous dit qu’ils partent de Béthanie en chantant des hymnes de joie et de louange. C’est qu’en effet ils vont vivre pendant dix jours dans la ferme espérance de la promesse que le Seigneur Jésus vient de leur faire : « Restez dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance d’en haut. »[6] Ils vont rencontrer l’autre Consolateur, dont la présence si précieuse et désirée leur avait été annoncée par le Seigneur : « Il convient que Je m’en aille car si Je ne m’en allais pas, vous ne trouveriez pas l’autre Consolateur. »[7]

Et dix jours plus tard, ils accueillent effectivement l’autre Consolateur, qui restera avec eux pour toujours, « l’Esprit de Vérité qui procède du Père », que le Christ leur avait envoyé « d’auprès du Père » et qui va les faire accéder à la « Vérité toute entière »[8], comme le dit le Christ Lui-même, et leur communiquer tout ce qu’Il reçoit du Christ. Il demeure auprès d’eux. Il est en eux, aussi la joie du Christ est en eux et cette joie est « parfaite ». Voilà maintenant qu’ils vont à nouveau rencontrer Dieu, non plus du dehors, en la Personne du Fils, mais dans l’intimité du cœur et de la conscience, en la Personne du Saint Esprit.

Notes

[1] Lc 24, 49

[2] Cf. Jr 31, 33

[3] Cf. Ga 3, 19

[4] Ga 3, 23

[5] Jn 20, 28

[6] Lc 24, 49

[7] Jn 16, 7

[8] Cf. Jn 15, 26 ; 16, 13