Échelle sainte Aujourd’hui l’Église attire notre attention sur St Jean Climaque, parce que ce Père, qui a vécu au VIIe siècle réalisa dans sa vie cet idéal de pénitence et de prière que tous nous devrions avoir sous nos yeux pendant le carême. Ce mot de Klimakos signifiant échelle est devenu le qualificatif de Jean l’higoumène du monastère du Sinaï (mort en 670) parce qu’il a écrit un livre ascétique célèbre sous le titre de l’échelle du Paradis. Parce que le temps du carême que nous vivons actuellement,une montée, comme sur une échelle, vers la Pâque, les Saints Pères de l’Église ont établi que ce Père ascète serait célébré un dimanche du milieu du carême, pour que tout au long de cette période nous apprenions et acquérions les vertus nécessaires à notre montée vers la Résurrection. [][1]

Présentation de l’ “Échelle sainte” — podcast

“L’Église orthodoxe aujourd’hui”, dimanche 28 novembre 2010, Bogdan Florin Vlaïcu propose une présentation de la vie de ce père de l’Église et de son ouvrage, qui a réalisé la dernière traduction française de ce livre pour les éditions Bellefontaine. Le père Placide Deseille est l’archimandrite du monastère Saint-Antoine-le-Grand et il considère que ce livre “est une sorte de manuel de base pour la vie spirituelle de tout chrétien”.

Lecteur audio intégré

Texte du triode

Cathisme de St Jean Climaque (aux matines)

Élevé par les vertus vers la lumière du ciel * parvenu à la certitude immuable en ta piété * tu es revenu vers l’immense abîme de la vision * Tu as dénoncé tous les pièges des démons * Et tu protèges les hommes de leurs ravages * Ô Jean, échelle des vertus, tu intercèdes maintenant pour le salut de tes serviteurs.

Lecture de l’épître du saint apôtre Paul aux Hébreux

(Hb VI,13-20)

Frères, lorsque Dieu fit promesse à Abraham, il ne pouvait jurer par un plus grand que lui ; il jura donc par lui-même en disant : « Certes, je te comblerai de bénédictions et je te multiplierai grandement. » Et c’est ainsi qu’Abraham, ayant persévéré, obtint ce qui lui était promis. Les hommes, en effet, jurent par un plus grand ; et, entre eux, la garantie du serment met un terme à toute contestation.
C’est en ce sens que Dieu, voulant bien davantage montrer aux héritiers de la promesse l’immuable fermeté de son dessein, fit intervenir le serment, afin que par un engagement doublement infaillible, puisqu’il est impossible à Dieu de mentir, nous soyons puissamment encouragés, comme y trouvant refuge, à saisir fortement l’espérance qui nous est proposée. Et nous la tenons comme l’ancre de notre âme, cette espérance sûre et solide, qui au-delà du voile a pénétré, là où pour nous, en précurseur, est entré Jésus, devenu « selon l’ordre de Melchisédech grand prêtre à jamais ».

Lecture de l’Évangile selon Saint Marc

(Mc IX,17-31)

En ce temps-là, quelqu’un de la foule dit à Jésus : « Maître, je t’ai amené mon fils ; qui est possédé d’un esprit muet. En quelque lieu qu’il le saisisse, il le jette par terre ; l’enfant écume, grince des dents, et devient tout raide. J’ai prié tes disciples de chasser l’esprit, et ils n’ont pas pu ». « Race incrédule », leur dit Jésus, « jusques à quand serai-je avec vous ? Jusques à quand vous supporterai-je ? Amenez-le-moi ». On le lui amena. Et dès que l’enfant vit Jésus, l’esprit l’agita avec violence ; il tomba par terre, et se roula en écumant. Jésus demanda au père : « Depuis combien de temps cela lui arrive-t-il ? » « Depuis son enfance », répondit-il, « et souvent l’esprit l’a jeté dans le feu et dans l’eau pour le faire périr. Mais, si tu peux quelque chose, aide-nous, aie pitié de nous. » Jésus lui dit : « Si tu peux !… Tout est possible à celui qui croit. » Aussitôt le père de l’enfant s’écria : « Je crois ! Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité ! »
Jésus, voyant accourir la foule, menaça l’esprit impur, lui disant : « Esprit muet et sourd, je te l’ordonne, sors de cet enfant, et n’y rentre plus ». Et il sortit, en poussant des cris, et en l’agitant avec une grande violence. L’enfant devint comme mort, de sorte que plusieurs disaient qu’il était mort. Mais Jésus, l’ayant pris par la main, le fit lever. Et il se tint debout. Quand Jésus fut entré dans la maison, ses disciples lui demandèrent en particulier : « Pourquoi n’avons-nous pu chasser cet esprit ? » Il leur dit : « Cette espèce-là ne peut sortir que par la prière et par le jeûne ». Ils partirent de là, et traversèrent la Galilée. Jésus ne voulait pas qu’on le sût. Cependant, il enseignait ses disciples, et il leur dit : « Le Fils de l’homme sera livré entre les mains des hommes ; ils le feront mourir, et, trois jours après qu’il aura été mis à mort, il ressuscitera ».

La foi qui sauve[2]

Dans l’épître qui a été lue aujourd’hui, saint Paul nous explique comment, dans la promesse faite à Abraham, Dieu nous montre “l’immuable fermeté de Son dessein”.

Et comment la fidélité de Dieu est source de foi : « Cette espérance, nous la possédons comme une ancre de l’âme, sûre et solide ; elle pénètre au-delà du voile, là où Jésus est entré pour nous comme précurseur, ayant été fait souverain sacrificateur pour toujours, selon l’ordre de Melchisédek. »

Alors, la foi devient une foi qui sauve. « Ta foi t’a sauvé » dit Jésus à plusieurs occasions : à la femme hémorroïsse qui a été guérie en touchant Son vêtement, ou encore à la femme pécheresse venue oindre Ses pieds . La foi se nourrit de la prière et en même temps s’exprime dans la prière et anime la prière. Il y a un lien étroit, une profonde unité, entre la foi, la prière et toute notre vie. Elle se traduit en particulier dans l’effort spirituel qui doit être le nôtre en cette période de Carême.

Homélie (suite de l’homélie de Mgr Joaquim)

Aujourd’hui je me suis proposé, justement de parler de l’une des vertus dont il est question justement dans l’échelle de St Jean Climaque : “la prière”, et l’évangile d’aujourd’hui en parle également. Après avoir guéri l’enfant épileptique, Jésus a été questionné par ses disciples qui eux n’ont pas pu le faire. Alors Jésus leur dit : “Ce genre de démons ne sort que par le jeûne et la prière”.

Du jeûne et de sa signification dans la vie d’un chrétien nous en avons déjà parlé au début du carême. Nous allons voir aujourd’hui que vraiment les diables des passions peuvent être mis en fuite par la prière également.

Saint Jean Climaque considère la prière comme un degré supérieur de la vie spirituelle, la prière doit alors devenir prière incessante et une étape du silence intérieur, où toute méditation du mystère divin est suspendu, pour que dans l’intellect ainsi immobilisé descende la lumière divine. Pour utiliser encore les expressions de Saint Jean Climaque, la prière est encore la respiration de l’âme, par elle l’âme respire dans l’atmosphère du ciel. Elle est la nourriture de l’âme, par elle l’âme communie à la puissance divine.

Donc, pour un chrétien, prier c’est prier le Père, par son Fils dans l’Esprit Saint, c’est laisser l’Esprit Saint du Père confesser en nous la filiation divine de Jésus-Christ. Quand nous prions vraiment, le Saint Esprit fait fondre notre pauvre cœur de pierre avec les larmes du repentir. Prier, c’est confesser que Dieu est Père et que Jésus-Christ est son Fils consubstantiel et coéternel. C’est être alors “menés par l’Esprit de Dieu” comme dit Saint Jean Climaque, et se comporter véritablement comme fils de Dieu. C’est invoquer l’Esprit afin qu’il vienne remplir notre vide, combler notre concavité, c’est supplier instamment le Père de nous envoyer la puissance sanctificatrice de son Esprit Saint. C’est intérioriser dans le quotidien de nos existences l’essentiel du miracle eucharistique. C’est appeler le Souffle vital du Père, le Saint Esprit qui divinise ceux qu’il transfigure en temples vivants de sa sainteté et de sa gloire. En confessant, dans notre prière que Jésus de Nazareth est le Fils unique de Dieu qu’il est le Christ éternel sur lequel repose l’Esprit, le Seigneur de nos âmes pécheresses et repenties, nous crions vers le Père céleste que notre nature humaine, assumée par le Fils en son Incarnation rédemptrice, est pré-construite pour être comme “sanctifiée et rayonnante d’énergie divine par le dynamisme de l’Esprit” (Père Staniloaë).

Et de même que c’est la Puissance du Saint Esprit qui en une nouvelle Pentecôte rend divinement agissante la parole du Christ rappelée par l’Église dans les paroles de l’institution eucharistique, de même encore que la communion au Corps et au Sang divinisants du Christ ressuscité nous communique l’Esprit Céleste, de même la prière adressée au Père par le Fils dans l’Esprit, fait descendre sur nous une autre Pentecôte le Saint Esprit qui procède du Père et divinise notre nature.

C’est pourquoi la prière exclut la tristesse et le découragement, car ces dernières mettent en fuite l’Esprit Saint, c’est donc le propre de la prière que de réaliser l’acquisition de la Joie. La Joie, que seul l’Esprit peut procurer, est le critère de l’authenticité de la prière. Le climat de la prière chrétienne se situe au Thabor beaucoup plus qu’à Gethsémani. Acquisition du Saint Esprit, la prière est joie dans la mesure où la grâce répandue par l’Esprit est lumière incréée, énergie divine opérant une divinisation réelle de l’homme.

C’est ainsi que tous les saints ont compris les dimensions de la prière et maintenant leur âme brille dans le Royaume de Dieu.

En guise de conclusion j’ajouterai la très belle description de Saint Jean Climaque : “La prière, mes frères et sœurs, est l’hypostase des choses espérées, l’amour opérant, le mouvement angélique, le pouvoir de ce qui est immatériel, l’action et la joie de tout ceci… la confiance du cœur, l’espérance du salut, le symbole de sa pureté, l’image de la sainteté, la connaissance de Dieu, la manifestation du baptême, le bain de la purification, les arrhes de l’Esprit Saint , la joie de Jésus, l’allégresse de l’âme, la miséricorde de Dieu, le signe de la réconciliation, le sceau du Christ, le rayon du Soleil intelligent, l’astre des cœurs… la grâce de Dieu, la sagesse de Dieu… la manifestation de Dieu… Et pourquoi tout énumérer ? La prière est Dieu qui opère tout en tous, car l’œuvre est unique, œuvre du Père, du Fils et du Saint Esprit qui opère tout en Jésus Christ”.

Notes

[1] Prononcée par Mgr Joaquim Giosanu en 1994

[2] Extrait de l’homélie prononcée par Père André Jacquemot, le 2 avril 2006 à la Crypte