Extrait : « Le grand Carême[1] »

Lorsqu'un homme par en voyage, il doit savoir où il va Ainsi en est-il du carême. Avant tout, le carême est un voyage spirituel et sa destination est Pâque, la « Fête des fêtes ». [...]

Ainsi nous célébrons à Pâque la Résurrection du Christ comme quelque chose qui est arrivé et qui nous arrive encore. Car chacun d'entre nos a reçu le don de cette vie nouvelle et la faculté de l'accueillir et d'en vivre. C'est un don qui change radicalement notre attitude envers toute chose en ce monde, y compris la mort, et qui nous donne le pouvoir d'affirmer joyeusement : « la mort n'est plus ! ». Certes, la mort est encore là, et nous l'affrontons toujours et un jour elle viendra nous prendre. Mais c'est là réside toute notre foi : par Sa mort, le Christ a changé la nature même de la mort, il en a fait un passage, une pâque, une « pescha », dans le royaume de Dieu, transformant la tragédie des tragédie en victoire suprême. « Écrasant la mort par la mort », il nous a rendus participants à Sa résurrection. C'est pourquoi à la fin des matines de Pâque nous disons : « Le Christ est ressuscité, et voilà la Vie qui gouverne ! Le Christ est ressuscité, et aucun mort ne reste au tombeau ! ». [...]

Bien avant le début du Carême, l'Église annonce son approche et nous invite à entrer dans la période préparatoire du pré-carême. [...] Cette préparation comprends cinq dimanches consécutifs précédents le Carême, chacun d'eux étant, avec son évangile particulier, consacré à un aspect fondamental du repentir.

  • dimanche de Zachée ;
  • dimanche du publicain et du pharisien ;
  • dimanche du fils prodigue ;
  • dimanche du jugement dernier ;
  • dimanche de l'expulsion d'Adam du Paradis.

Évangile du dimanche de Zachée

(Lc XIX,1-10)

Jésus, étant entré dans Jéricho, traversait la ville. Et voici, un homme riche, appelé Zachée, chef des publicains, cherchait à voir qui était Jésus ; mais il ne pouvait y parvenir, à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut en avant, et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu'il devait passer par là. Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et lui dit : « Zachée, hâte-toi de descendre ; car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison. » Zachée se hâta de descendre, et le reçut avec joie. Voyant cela, tous murmuraient, et disaient : « Il est allé loger chez un homme pécheur. » Mais Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit : « Voici, Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et, si j'ai fait tort de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple. » Jésus lui dit : « Le salut est entré aujourd'hui dans cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d'Abraham. Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »




Pour mieux comprendre ceci, je vous prie d’entrer en esprit, et par la pensée dans la maison de Zachée, et de considérer de quelle manière il l’orna lorsque Jésus-Christ y devait entrer. Il n’alla point emprunter de ses voisins leurs plus magnifiques meubles. Il ne s’empressa point de tirer de ses coffres de riches tapisseries. Il ne voulut point d’autres ornements pour recevoir Jésus-Christ, que ceux qui plaisent à Jésus-Christ : « Je donne », dit-il, « la moitié de mes biens aux pauvres ; et je rends au quadruple tout ce que j’ai pris ». (Luc, XIX, 7) Parons de cette manière nos maisons, mes frères, pour mériter d’y recevoir le Sauveur. Nous ne pouvons lui rien préparer qui lui plaise davantage. Ces ornements, dont je vous parle, ne se font que dans le ciel. C’est de là qu’ils descendent sur la terre ; et partout où ils se trouvent, là se trouve aussi le Roi du ciel. Si vous pensez à quelque autre magnificence, et à ce luxe qui ne satisfait que les yeux, c’est le démon et ses anges que vous recevez dans votre cœur.
[...]
Si vous voulez donc attirer Jésus-Christ chez vous, travaillez à orner votre maison par l’aumône, par la prière, par les supplications, et par les veilles. Ce sont là les ornements qui plaisent au Roi que nous servons. Les autres ne plaisent qu’au démon qui est l’ennemi de Jésus-Christ. Ainsi, que les chrétiens ne rougissent plus de voir leurs murailles nues, puisque lorsque leurs maisons sont sans ces ornements extérieurs , ils les parent beaucoup mieux lar la sainteté de leur vie. Que les riches au contraire ne se glorifient point de leurs meubles somptueux, mais qu’ils en rougissent plutôt, et qu’ils préfèrent à leurs bâtiments magnifiques une petite cabane, puisque c’est là qu’ils mériteront de recevoir Jésus-Christ en cette vie, et d’être reçus de lui dans l’autre, par la grâce et par la miséricorde du même Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui est la gloire et t’empire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.[2]

Notes

[1] Père Alexandre Schmemann, Spiritualité orientale n°13, Bellefontaine

[2] Saint Jean Chrysostome, homélie 83