Myrrophores au tombeau - Monastère de Visoki Dečani

Textes du pentécostaire

Lucernaire – ton 2

Les Myrophores, de bon matin, * prenant des aromates, vinrent au sépulcre du Seigneur * et, trouvant ce qu’elles n’attendaient point, * s’inquiétèrent du changement survenu * et, devant la pierre roulée, l’une à l’autre se disaient : * Où sont les scellés du tombeau, * où est la garde que Pilate a envoyée * avec tant de précaution ? * Mais leur incertitude fut dissipée * quand elles virent l’Ange resplendissant * qui leur demanda : Pourquoi cherchez-vous * avec des larmes celui qui vit * et vivifie le genre humain ? * Il est ressuscité d’entre les morts, * le Christ, notre Dieu tout-puissant, * qui nous accorde à tous la vie immortelle, * l’illumination et la grâce du salut.

Pourquoi mêler vos pleurs * à la myrrhe que vous portez ? * La pierre est roulée, la tombe vidée. * Voyez comment la vie a triomphé de la mort, * le témoignage éclatant que rendent les scellés, * voyez quel sommeil appesantit la garde des impies ; * ce qui jadis était soumis à la mort * est sauvé par la chair de notre Dieu, * l’Enfer exhale sa douleur. * Courez donc avec joie vers les Apôtres et dites-leur : * Le Christ vainqueur de la mort et premier-né d’entre les morts * vous précède en Galilée.

Les Myrophores, parties de bon matin * et joignant ton sépulcre avec empressement, * te cherchaient, ô Christ, pour embaumer ton corps immaculé ; * mais, après les paroles que l’Ange leur adressa, * elles coururent vers les Apôtres en messagères de joie, * disant : Il est ressuscité, le Principe de notre salut ; * vainqueur de la mort, il a porté au monde * grande miséricorde et vie immortelle.

Gloire au Père … ton 6

Les femmes porteuses de parfums, * arrivées devant le tombeau * et voyant les scellés du sépulcre, * mais ne trouvant pas ton corps immaculé, * après l’empressement de leur venue, * gémissaient maintenant en disant : * Qui nous a dérobé notre espoir, * qui a pris un cadavre nu et embaumé * qui pour une Mère était la seule consolation ? * Hélas, comment fut mis à mort * celui qui vivifie le genre humain, * comment fut mis en tombe le vainqueur de l’Enfer ? * Mais, dans ta puissance, Sauveur, * ressuscite le troisième jour, * ainsi que tu l’as dit, * pour accorder à nos âmes la grâce du salut.

Lecture des Actes des Apôtres

(Ac VI,1-7)

En ces temps-là, comme le nombre des disciples augmentait, les Hellénistes murmurèrent contre les Hébreux, parce que leurs veuves étaient oubliées dans la distribution qui se faisait chaque jour. Les Douze convoquèrent alors l’assemblée des disciples et dirent : « Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des tables. Frères, choisissez parmi vous sept hommes de qui l’on rende un bon témoignage, qui soient remplis de sagesse et de l’Esprit Saint, et nous les chargerons de cette fonction. Quant à nous, nous continuerons à nous appliquer à la prière et au service de la parole. » Cette proposition plut à toute l’assemblée : on choisit Étienne, homme plein de foi et d’Esprit Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas, et Nicolas, prosélyte d’Antioche. On les présenta aux apôtres qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains. La parole de Dieu se répandait de plus en plus, le nombre des disciples augmentait considérablement à Jérusalem, et un grand nombre de prêtres obéissaient à la foi.

Lecture de l’Évangile selon Saint Marc

(Mc XV,43-XVI,8)

Le soir étant venu, alors que c’était la préparation, c’est-à-dire la veille du sabbat, arriva Joseph d’Arimathie, membre éminent du conseil. Il attendait, lui aussi, le royaume de Dieu. Avec courage, il osa se rendre vers Pilate, pour demander le corps de Jésus. Pilate s’étonna qu’Il fût déjà mort. Il convoqua le centurion et lui demanda s’Il était mort depuis longtemps. Puis, renseigné par le centurion, il permit à Joseph de prendre le corps. Et Joseph, ayant acheté un linceul, descendit Jésus de la croix, l’enroula dans le linceul, le déposa dans un tombeau creusé dans le roc et roula une pierre à l’entrée du tombeau. Marie de Magdala et Marie, mère de Joseph, regardaient où on avait déposé le corps de Jésus.
Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller embaumer Jésus. Et le premier jour de la semaine, elles vinrent au tombeau de grand matin, comme le soleil venait de se lever. Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre de l’entrée du tombeau ? » Levant les yeux, elles virent que la pierre avait été roulée ; et pourtant elle était très grande. Entrées dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu d’un vêtement blanc et elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « N’ayez pas peur. Vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié : Il est ressuscité, Il n’est pas ici, voici l’endroit où on l’avait déposé. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu’Il vous précède en Galilée : c’est là que vous le verrez comme Il vous l’a dit. » Elles sortirent du tombeau et s’enfuirent , tremblantes et bouleversées ; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

Homélie de st Grégoire Palamas sur les Myrrhophores

La résurrection du Seigneur est le renouvellement de la nature humaine et le remodelage du premier Adam absorbé par la mort dans le péché, et retourné, par la mort, à la terre dont il avait été modelé ; elle est le retour à la vie immortelle. Aucun être humain, au commencement, n’a vu Adam être modelé et vivifié, car à cette heure il n’y avait pas encore d’hommes ; mais après qu’il eut reçu le souffle de vie par l’insufflation divine, le premier de tous les êtres humains qui le vit fut une femme : Ève fut la première à venir, après lui, parmi les êtres humains ; de même, nul ne vit le deuxième Adam, c’est-à-dire le Seigneur, ressuscitant d’entre les morts ; aucun de Ses proches n’était présent, et les soldats qui gardaient le tombeau, terrassés par la peur, étaient comme morts ; or ce fut une femme, qui, la première, Le vit après la résurrection comme nous l’avons entendu lire dans l’Évangile de Marc aujourd’hui[1], « car ressuscité, est-il dit, le matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie-Madeleine ». L’Évangéliste semblerait donc affirmer clairement qu’au moment où le Seigneur ressuscita il était tôt, que celle qui Le vit la première était Marie-Madeleine, et que cela se produisit à l’heure même de la résurrection : or ce n’est pas ce qu’il dit, comme il vous sera révélé, si vous montrez quelque patience car un peu plus haut, Marc dit, en accord avec tous les autres Évangélistes, que cette Marie était venue auparavant au tombeau, avec les autres femmes myrrhophores, qu’elles virent ensemble qu’il était vide, et qu’elles s’en retournèrent, de sorte que bien avant le matin, et l’heure du matin où elle le vit, le Seigneur était déjà ressuscité. Et pour signifier ce moment, Marc ne dit pas seulement « le matin », comme plus bas, mais : « très tôt dans le matin ». Aussi s’agit-il du moment où la pénombre précède le lever du soleil à l’horizon, comme Jean le révèle également quand il dit que Marie-Madeleine, tôt le matin, alors qu’il faisait encore sombre, vint au sépulcre et vit la pierre roulée du sépulcre[2].

Or non seulement elle est venue au tombeau à ce moment, selon Jean, mais elle en est aussi repartie sans avoir vu le Seigneur. Car elle court trouver Pierre et Jean, et leur annonce, non point que le Seigneur est ressuscité, mais qu’on L’a enlevé du tombeau, ce qui prouve qu’elle n’avait pas encore connaissance de la résurrection. Il reste que ce n’est pas simplement à la première heure que le Seigneur apparut à Marie, mais après l’heure du plein jour. Cependant, les Évangélistes ont obscurément annoncé ce que je vais révéler à votre charité ; car la première à avoir reçu la bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur, entre tous les êtres humains, c’est, comme il convenait, et à juste titre, la Mère de Dieu ; et elle la reçut du Seigneur. Avant tous elle sut qu’Il était ressuscité, elle jouit de Sa divine parole, et ne se bornant pas à Le voir de ses yeux, ni à L’entendre de ses oreilles, elle fut la première, et la seule à toucher de ses mains Ses pieds immaculés, bien que les Évangélistes ne disent pas tout cela clairement, ne voulant invoquer le témoignage de Sa mère, pour ne pas éveiller des soupçons chez les incroyants. Et puisque aujourd’hui il nous faut faire un discours, avec la grâce de Celui qui est ressuscité, pour les croyants, et que le motif de la fête nous enjoint d’examiner tout ce qui concerne les femmes myrrhophores, sous l’inspiration de Celui qui a dit : « il n’est rien de caché qui ne deviendra manifeste »[3], cela aussi sera rendu manifeste.

Les myrrhophores, donc, sont les femmes qui suivirent la Mère du Seigneur, et restèrent avec elle au temps de la passion salutaire, et qui s’étaient empressées d’embaumer le corps du Seigneur. Car lorsque Joseph et Nicodème eurent demandé à Pilate, et reçu de lui, le corps du Maître, qu’ils l’eurent descendu de la croix, entouré d’un tissu de lin, imprégné d’aromates, mis dans un sépulcre taillé dans le roc, et placé une grande pierre à l’entrée du sépulcre, contemplant tout cela, nous dit l’Evangéliste Marc, Marie-Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises devant le tombeau. En disant « et l’autre Marie »[4] c’est évidemment la Mère de Dieu qu’il désignait. Et si elle était appelée Mère de Jacques et de Joseph, c’est que ceux-ci étaient les fils de Joseph, son mari. Or elles n’étaient pas les seules présentes à contempler l’ensevelissement du Seigneur : il y avait aussi d’autres femmes, comme Luc l’a rapporté : « les femmes qui l’accompagnaient, qui étaient venues avec Lui de Galilée, regardèrent le sépulcre, et comment Son corps avait été placé… Il y avait là Marie-Madeleine, Jeanne et Marie, mère de Jacques, et les autres femmes qui étaient avec elles »[5]. Celles-ci, est-il dit, s’en retournèrent acheter des aromates et de la myrrhe : car elles n’avaient pas encore connu avec précision que Lui, Jésus, était le véritable parfum de la vie pour ceux qui vont à Lui, dans la foi, tout comme l’odeur de la mort sera destinée à ceux qui demeurent infidèles jusqu’à la fin : et l’odeur de Ses vêtements, c’est-à-dire de Son corps, est au-dessus de tout arômate ; et Son nom est une myrrhe répandue, avec laquelle Il a rempli la terre des hommes de divins parfums. Cependant, si les femmes préparent la myrrhe et les aromates, c’est d’abord pour honorer Celui qui gît là, et ensuite pour compenser la puanteur du corps qui devait se décomposer ; car elles pensaient qu’ainsi, grâce à leur onction, ceux qui le voudraient pourraient s’approcher du corps.

Après avoir préparé la myrrhe et les aromates, donc, elles se reposèrent pendant le Sabbat, selon le commandement. En effet, elles n’avaient pas encore compris quel était le véritable Sabbat, ni connu ce Sabbat béni par-dessus tout qui transporte notre nature des régions abyssales de l’enfer vers les hauteurs toutes-lumineuses, divines et célestes. « Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, comme le dit Luc, elle vinrent au tombeau, portant les aromates qu’elles avaient préparées »[6]. Et Matthieu écrit : « après le Sabbat, comme le premier jour commençait à poindre »[7], et deux femmes viennent. Quant à Jean : « tôt, dit-il, alors qu’il faisait encore sombre »[8], et Marie-Madeleine est seule à venir. Enfin, Marc dit : « très tôt, le premier jour de la semaine »[9], et elles sont trois à venir. Par conséquent tous les Évangélistes parlent du premier jour de la semaine, du Dimanche. « Après le Sabbat », « à la pointe de l’aurore », « très tôt », « tôt alors qu’il faisait encore sombre », tout cela signifie au moment, proche du matin, où la lumière et les ténèbres sont encore mêlées ; c’est le moment à partir duquel l’orient commence à briller sur l’horizon, annonçant le jour. En regardant cela de loin, on peut voir que le ciel se colore de lueurs aux environs de la neuvième heure nocturne, de sorte qu’il reste encore trois heures jusqu’au plein jour. Mais les Évangélistes semblent quelque peu en désaccord sur ce moment, et sur le nombre de femmes. Comme j’ai dit, les femmes myrrhophores étaient nombreuses, et elles ne vinrent pas au tombeau une unique fois, mais à deux ou trois reprises ; venant à plusieurs, mais non les mêmes chaque fois, et toutes au matin. Par conséquent, elles ne vinrent pas toutes exactement au même moment : Marie-Madeleine, isolée des autres, revint et resta un peu plus longtemps. Chacun donc des Évangélistes en disant qu’elles ne sont venues toutes ensemble qu’une seule fois, passe sous silence les autres fois. Or pour moi, qui rassemble et fais une synthèse de ce que déclarent tous les Évangélistes, comme je vous l’ai annoncé, c’est la Mère de Dieu qui vint la première de toutes au sépulcre de Son Fils et de son Dieu, précédant MarieMadeleine, dit-il, et l’autre Marie, – c’est-à-dire précisément la Mère de Dieu, vinrent visiter le tombeau, et Voici il y eut un grand séisme : l’ange du Seigneur descendit du ciel, et vint rouler la pierre de devant l’entrée du sépulcre, et il s’assit dessus : son aspect était celui de l’éclair, et sa robe était blanche comme la neige : à sa vue les gardes tressaillirent de crainte, et devinrent comme morts »[10].

Par conséquent, toutes les autres femmes vinrent après le séisme et la fuite des gardiens ; elles trouvèrent le tombeau ouvert, et la pierre roulée. La Vierge-Mère, elle, était présente quand le séisme se produisit, quand la pierre fut roulée, et le tombeau ouvert, et ceci en présence des gardes, bien qu’ils fussent terrassés de crainte. C’est aussi pourquoi ceux-ci, après le séisme, dès qu’ils se relevèrent de leur chute, ne pensèrent qu’à fuir ; or la Mère de Dieu, elle, jouissait de ce spectacle sans éprouver le même effroi. Et il me semble que c’est pour elle, avant tout, que s’ouvrit le tombeau vivifiant. Car pour elle, d’abord, puis par elle, pour nous, toutes choses se sont ouvertes en haut dans le ciel, et ici-bas, sur terre ; pour elle, l’ange était tellement fulgurant que, l’heure étant encore pleine d’obscurité, c’est sous l’abondante lumière de l’ange qu’elle vit non seulement le tombeau vide, mais encore les apprêts funéraires qui y étaient en place, autant de preuves du réveil de Celui qui avait été enseveli. Or l’ange annonciateur était Gabriel lui-même : car en la voyant se hâter vers le tombeau, – lui qui au commencement avait dit : « ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu »[11], – il s’empresse encore en ce jour de descendre, d’adresser les mêmes paroles à la toujours-Vierge, d’annoncer la résurrection d’entre les morts de Celui qui est né d’elle sans semence, d’enlever la pierre, de montrer le tombeau vide et le linceul, et ainsi de lui confirmer la bonne nouvelle. Car « leur répondant, est-il écrit, l’ange dit aux femmes : Ne craignez point ; vous cherchez Jésus, le crucifié ? Il est réveillé : voici le lieu où gisait le Seigneur »[12]. « Oui, dit-il, bien que vous voyiez les gardes terrassés par la crainte, vous, ne craignez point. Car je sais que vous cherchez Jésus le crucifié, Il est réveillé, Il n’est pas ici. Non seulement les serrures, les verrous, les sceaux de l’enfer, de la mort et du tombeau ne peuvent Le contenir, mais encore, Il est notre Seigneur, à nous les anges immortels et célestes, et Il est, Lui seul, le Seigneur de l’univers ». « Car voyez, ajoute-t-il, le lieu où gisait le Seigneur ; et allez vite dire à Ses disciples qu’il est ressuscité d’entre les morts : elles s’en allèrent donc avec crainte et une grande joie »[13].

Il me semble aussi que Marie-Madeleine conservait encore quelque frayeur, ainsi que celles des autres femmes qui jusqu’alors les avaient accompagnées au tombeau. Car elles n’avaient pas encore réalisé la puissance des paroles de l’ange, ni n’avaient la force de saisir parfaitement la lumière, de manière à la voir et à la comprendre exactement : mais la Mère de Dieu en conçut cette grande joie dont parle Matthieu ; ayant compris les paroles de l’ange, et devenue toute de lumière, elle qui était éminemment purifiée et pleine de la grâce divine, elle qui avait reconnu avec sûreté la vérité en tout, avait accordé foi à l’archange, puisque déjà, par ses œuvres, il s’était montré digne d’une grande confiance. Et comment, donc, alors qu’elle était présente lors de tous ces événements, la Vierge pleine de la sagesse divine n’ aurait-elle pas compris ce qui s’était accompli ? Car elle vit le séisme, ce grand séisme, l’ange descendant du ciel, cet ange fulgurant, l’apparence de la mort dans les gardes, le déplacement de la pierre, la vacuité du tombeau, le grand miracle des apprêts funéraires qui à la fois n’avaient pas été déliés, encore imprégnés de myrrhe et d’aloès, et apparaissaient vides du corps qu’ils avaient contenu ; et surtout, elle entendit la nouvelle joyeuse et divine que l’ange lui proclama. Or elles s’en vont après cette bonne nouvelle, et Marie-Madeleine, comme si elle n’avait même pas écouté l’ange, – qui, du reste, ne s’était pas adressé à elle, – ne tient compte que de la vacuité du tombeau, et ne fait aucun cas des apprêts funéraires : et elle court trouver Simon Pierre et l’autre disciple, comme le dit Jean. Cependant, la Vierge Mère de Dieu, ayant rejoint les autres femmes, retourna là d’où elle était venue, et « voici, nous dit Matthieu, Jésus vint à leur rencontre, leur disant : Réjouissez-vous ! »[14].

Voyez-vous donc comment bien avant Marie-Madeleine, la Mère de Dieu vit Celui qui pour notre salut a souffert, a été enseveli, et s’est relevé dans la chair ? « Et elles de s’approcher, est-il dit, d’étreindre Ses pieds en l’adorant »[15]. De même qu’en compagnie de Marie-Madeleine la Mère de Dieu fut la seule à entendre la bonne nouvelle de la résurrection, et à comprendre la puissance de ces paroles, de même, en compagnie des autres femmes, elle vint à la rencontre de son Fils et de son Dieu ; première entre toutes, elle vit et reconnut le Ressuscité, et, tombant à Ses pieds, elle les toucha, et devint son Apôtre auprès des Apôtres. Quant au fait que Marie-Madeleine n’était pas avec la Mère de Dieu lorsque celle-ci s’en retournait du tombeau et quand le Seigneur lui apparut et lui parla, nous l’apprenons de Jean. Il dit en effet : « elle courut alors trouver Simon Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit on a enlevé le Seigneur du tombeau, et nous ne savons pas où on L’a mis »[16]. Car si elle L’avait vu, touché de ses mains, rencontré et écouté, comment aurait-elle pu dire des paroles telles que : « on L’a enlevé, déplacé », et : « nous ne savons où » ? Mais après la course de Pierre et Jean vers le tombeau, après qu’Ils eurent vu les linges et qu’ils s’en furent retournés, « Marie se tenait près du tombeau et sanglotait dehors »[17].

Voyez-vous comment, bien loin de L’avoir seulement vu, elle n’avait même pas été comblée de la joie de L’entendre ? Et quand les anges qui étaient apparus lui demandèrent : « femme, pourquoi pleures-tu ? », à nouveau elle ne parla que du mort, dans sa réponse ; et lorsqu’elle se retourna et vit Jésus, elle ne comprit toujours pas, mais quand Il lui demanda pourquoi elle pleurait, elle lui tint les mêmes propos, jusqu’à ce qu’Il l’ait appelée par son nom, et se soit présenté à elle comme vivant. Alors, tombant elle aussi à Ses pieds et cherchant à les étreindre, elle L’entendit qui lui disait : « ne me touche pas » ; par là, nous apprenons que plus tôt, quand Il apparut à sa Mère et aux femmes qui étaient avec elle, c’est à Sa Mère, et à elle seule, qu’Il offrit Ses pieds à toucher, bien que Matthieu étende ce fait aux autres femmes, ne voulant pas, pour la raison que j’ai alléguée au début, parler avec clarté du rôle de la Mère dans de telles circonstances. Car après que la toujours-Vierge Marie fut venue au sépulcre la première, et que, la première, elle eut reçu la bonne nouvelle de la résurrection, elles furent nombreuses à venir, qui virent la pierre roulée, entendirent les anges, et, s’en retournant après avoir écouté et contemplé, se séparèrent. Les unes, comme dit Marc, s’enfuirent du sépulcre car elles avaient une grande crainte et étaient hors d’elles-mêmes, et elles ne dirent rien à personne à cause de leur crainte[18]. Les autres, qui suivaient la Mère du Seigneur, obtinrent de contempler et d’écouter le Maître. Quant à Marie-Madeleine, elle part trouver Pierre et Jean, avec lesquels elle revient seule au tombeau ; une fois que ceux-ci se sont retirés, elle reste, et jugée digne à son tour de contempler le Maître, elle est envoyée elle aussi vers les Apôtres, elle retourne les trouver, leur annonçant à tous, comme dit Jean, « qu’elle a vu le Seigneur et qu’Il lui a dit ces paroles… »[19].

Cette vision eut donc lieu tôt le matin, nous dit encore Marc, c’est-à-dire au commencement du plein jour, l’aube étant totalement passée ; mais le fait que la résurrection du Seigneur et Sa première apparition n’eurent pas lieu à ce moment, Marc l’affirme fortement. Aussi avons-nous examiné ce qui concerne les femmes myrrhophores, et cherché plus haut comment les quatre Évangiles s’accordent à leur sujet. Or les disciples, en ce jour de la résurrection, ayant entendu de Pierre, de Luc et de Cléopas que le Seigneur était vivant et qu’ils L’avaient contemplé, ne les crurent pas : c’est pourquoi Lui-même leur fit des reproches, quand Il leur apparut alors qu’ils étaient rassemblés. Mais après qu’Il se fut, à de nombreuses reprises, présenté à eux vivant, non seulement tous crurent, mais ils le proclamèrent partout : « dans toute la terre leur parole s’est répandue, et jusqu’aux extrémités du monde, leur discours »[20]. « Le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient »[21]. Oui, les signes étaient nécessaires, jusqu’à ce que la Parole fût proclamée sur toute la terre. Cependant il faut des signes et des prodiges pour confirmer la vérité de la proclamation, mais il faut des signes – et non des prodiges – pour assister ceux qui ont reçu la parole, s’ils y ont cru fermement. Qui sont-ils donc ? Ceux qui le montrent dans leurs œuvres. Car il est dit : « montre ta foi par tes œuvres » et « quelqu’un a-t-il la foi ? Qu’il montre par une bonne conduite ses œuvres »[22]. Car qui pourra croire qu’il a une pensée vraiment divine, grande et élevée, et pour ainsi dire céleste, comme l’est la piété, s’il s’attache à des œuvres mauvaises et se colle à la terre et aux réalités terrestres ?

Il n’est donc d’aucun profit, frères, de dire que l’on a une foi divine, si l’on n’a pas les œuvres qui correspondent à cette foi. Quel profit les vierges folles tirèrent-elles des lampes qui n’avaient pas d’huile, c’est à-dire les œuvres de l’amour et de la compassion ?[23]. Et à quoi servit-il à ce riche qui brûlait dans le feu inextinguible pour n’avoir pas eu de compassion à l’égard de Lazare, d’appeler à son secours son père Abraham ?[24]. Et pour celui qui n’avait pas, par ses bonnes œuvres, revêtu la robe destinée aux noces divines et à la chambre nuptiale de l’incorruptibilité, à quoi servait-il d’avoir répondu à l’invitation ?[25]. Oui, il avait été invité, il était venu avec une foi entière, convoqué avec les saints hôtes, mais il fut repoussé et confondu, parce qu’il était revêtu de la bassesse de ses mœurs et de ses actions ; pieds et mains liés impitoyablement, il est précipité dans la géhenne de feu, là où il y a des pleurs et des grincements de dents. Puisse-t-il arriver qu’aucun de ceux que le Christ a appelés ne s’expose à celle-ci, mais, montrant une vie conforme à notre foi, que tous entrent dans la chambre nuptiale de la joie sans mélange, et vivent à jamais avec les saints, là où se trouve la demeure de tous les bienheureux ! Amen.

Notes

[1] Mc. XVI, 1-9

[2] Jn. XX, 1

[3] cf. Lc. VIII, 17

[4] Mc. XV, 47

[5] Lc. XXIII, 55 et XXIV, 1

[6] Lc. XXIV, 1

[7] Mt. XXVIII, 1

[8] Jn. XX, 1

[9] Mc. XVI, 1

[10] Mt. XXVIII, 1-4

[11] Lc. I, 30

[12] Mt. XXVIII, 6-8

[13] Mt. XXVIII, 6-8

[14] Mt. XXVIII, 6-8

[15] Mt. XXVIII, 9

[16] Jn. XX, 2

[17] Jn. V, 11

[18] Mc. XVI, 8

[19] Jn. XX, 18

[20] Ps. XVIII, 4

[21] Mc. XVI, 20

[22] cf. Jn. II, l8 et III,1

[23] cf. Mt. XXV, 1-13

[24] cf. Lc. XVI, 19-31

[25] cf. Mt. XXII, 12