Pentecôte par Vladimir Ouspensky

Textes du pentécostaire

Lucernaire – ton 1

Fêtons la Pentecôte et la venue de l’Esprit ; * en elle la promesse s’accomplit * et l’espérance est réalisée. * Mystère vénérable et rempli de majesté ! * Aussi nous te crions : * Créateur de l’univers * et Seigneur, gloire à toi. (bis)

Par les langues des païens * tu rénovas tes Disciples, Seigneur, * afin qu’en ces langues ils te proclament * comme le Dieu et le Verbe immortel * qui accorde à nos âmes la grâce du salut.

Toute grâce vient du saint Esprit : * il est la source des prophéties, * il initie les prêtres et confère la sagesse aux illettrés, * il transforme en théologiens de simples pêcheurs * et tout entière il affermit * l’Église rassemblée. * Paraclet consubstantiel au Père et au Fils * et partageant un même trône avec eux, * Seigneur, gloire à toi.

ton 2

Nous avons vu la lumière véritable, * nous avons reçu l’Esprit céleste, * nous avons trouvé la vraie foi * en adorant l’indivisible Trinité, * car c’est elle qui nous a sauvés. (bis)…

Gloire au Père … Maintenant … – ton 8

Venez, tous les peuples, adorons * en trois personnes l’unique Dieu : * le Fils dans le Père, avec le saint Esprit ; * car le Père engendre le Fils hors du temps, * partageant même trône et même éternité, * et l’Esprit saint est dans le Père, glorifié avec le Fils : * une seule puissance, une seule divinité, * un seul être devant qui * nous tous, les fidèles, nous prosternons en disant : * Dieu saint qui as tout créé par le Fils * avec le concours du saint Esprit, * Dieu saint et fort par qui le Père nous fut révélé * et par qui le saint Esprit en ce monde est venu ; * Dieu saint et immortel, Esprit consolateur * qui procèdes du Père et reposes dans le Fils, * Trinité sainte, gloire à toi.

Lecture des Actes des Apôtres

(Ac II,1-11)

Frères, le jour de la Pentecôte, les apôtres étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer. Or, il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au bruit qui eut lieu, la multitude accourut, et elle fut confondue parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. Ils étaient tous dans l’étonnement et la surprise, et ils se disaient les uns aux autres : « Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment les entendons-nous dans notre propre langue à chacun, dans notre langue maternelle ? Parthes, Mèdes, Élamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l’Asie, la Phrygie, la Pamphylie, l’Égypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, comment les entendons-nous parler dans nos langues des merveilles de Dieu ? »

Lecture de l’Évangile selon Saint Jean

(Jn VII,37-52,VIII,12)

Le dernier jour de la fête des tentes, le grand jour , Jésus, se tenant debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture. » Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ; car l’Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. Des gens de la foule, ayant entendu ces paroles, disaient : « Celui-ci est vraiment le prophète ». D’autres disaient : « C’est le Christ ». Et d’autres disaient : « Est-ce bien de la Galilée que doit venir le Christ ? L’Écriture ne dit-elle pas que c’est de la postérité de David, et du village de Bethléhem, où était David, que le Christ doit venir ? » Il y eut donc, à cause de lui, division parmi la foule. Quelques-uns d’entre eux voulaient le saisir, mais personne ne mit la main sur lui. Ainsi les gardes retournèrent vers les grands prêtres et les pharisiens. Et ceux-ci leur dirent : « Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? » Les gardes répondirent : « Jamais homme n’a parlé comme cet homme. » Les pharisiens leur répliquèrent : « Est-ce que vous aussi, vous avez été séduits ? Y a-t-il quelqu’un parmi les chefs ou les pharisiens qui ait cru en lui ? Mais cette foule qui ne connaît pas la loi, ce sont des maudits ! » Nicodème, qui était venu de nuit vers Jésus, et qui était l’un d’entre eux, leur dit : « Notre loi condamne-t-elle un homme avant qu’on l’entende et qu’on sache ce qu’il a fait ? » Ils lui répondirent : « Es-tu aussi Galiléen ? Examine, et tu verras que de la Galilée il ne sort point de prophète. » Jésus leur parla de nouveau, et dit : « Je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. »

La naissance de l’Église

(Émission radiophonique du père Cyrille Argenti. Source.)

Le don du Saint Esprit

Le Christ ressuscité renouvelle, le jour de son Ascension, la promesse qu’Il avait faite le soir du Jeudi saint : « Restez à Jérusalem, jusqu’à ce que vous receviez la force qui vous viendra d’en haut. Il convient que Je m’en aille, car si Je ne partais pas, vous ne recevriez pas l’autre Consolateur. Mais lorsque Je serai parti, Je vous enverrai d’auprès du Père le Consolateur qui procède du Père. »[1]

Le don de la Loi

La Pentecôte se dit en hébreu Shavouot, ce qui veut dire la fête des semaines : sept semaines, c’est-à-dire quarante-neuf jours, séparaient la Pâque juive, la sortie d’Égypte, de la remise de la Loi à Moïse, au Sinaï. C’est donc la fête du cinquantième jour, en grec Pentikosti. La Pentecôte est une fête juive qui célèbre le jour où Dieu a donné à Moïse la Loi. Ce n’est pas par hasard que Dieu choisit précisément ce jour pour donner à son peuple son Esprit. Nous passons ainsi du règne de la Loi à celui de l’Esprit.

Or le premier événement - la sortie d’Égypte, la libération du peuple juif de la tyrannie de Pharaon grâce au sang de l’agneau répandu sur le linteau des portes et grâce à l’intervention de Dieu faisant reculer la mer Rouge - était fêtée par les juifs le jour de la Pâque. Ce n’est pas une coïncidence si justement la mort et la Résurrection du Christ se situent au moment où les juifs fêtent la libération de la tyrannie du Pharaon. Désormais, par le sang de l’Agneau qu’est le Christ, le genre humain tout entier est libéré de la tyrannie du péché. La Pâque chrétienne est l’accomplissement, l’épanouissement de la Pâque juive, sans laquelle l’on ne peut comprendre le sens de notre Pâque.

Le prophète Jérémie nous donne la clef de la Pentecôte chrétienne. Dieu disait par la bouche du prophète : « Je conclurai avec mon peuple une nouvelle alliance où la Loi sera inscrite dans leur cœur »[2]. La Loi donnée par Dieu à Moïse, qui est toujours valable, vient de l’extérieur. Cependant, à partir du jour de la Pentecôte, cette Loi ne viendra désormais plus seulement de l’extérieur, mais sera inscrite dans les cœurs, elle sera voulue et désirée. Elle ne sera plus imposée comme une loi, mais désirée comme un objet d’amour. Le Saint Esprit descendant sur l’Église inscrit la Loi dans le cœur de l’homme qui, désormais, non seulement la désirera, mais aura la force de la réaliser. L’ancienne Loi, en effet, nous indiquait ce qui était bien et ce qui était mal, mais ne nous donnait pas la force de faire le bien. Saint Paul remarque même, dans l’épître aux Galates, que l’ancienne Loi soulignait finalement notre péché en nous montrant que nous ne faisions pas ce que nous devions faire, en rendant l’homme conscient de sa culpabilité.[3]

La Loi - saint Paul nous le rappelle - a servi de pédagogue à l’esprit humain.[4] Si vous avez un enfant, vous commencerez par lui dire : « Fais ceci, ne fais pas cela », vous lui donnerez des ordres précis : « Ceci est permis, cela est interdit, c’est la loi ». Voilà quel était le règne de la Loi. Cependant, le règne de l’Esprit va au-delà. L’Esprit, Lui, change le cœur et lorsque le cœur est changé, on n’a plus besoin de la Loi. Si vous aimez quelqu’un, on n’a plus besoin de vous dire : « Ne le tue pas, ne le vole pas, ne lui mens pas, ne le trompe pas ». C’est pourquoi, dès l’instant où l’Esprit pénètre dans le cœur des disciples, ces derniers observent la Loi sans le savoir, elle est dans leur cœur.

Les hommes avaient montré qu’ils n’étaient pas capables d’observer la Loi, ils vivaient sous la crainte d’une sanction en réponse à leur transgression. Désormais, nous ne vivons plus sous la crainte, mais sous la grâce. En donnant son Esprit, en changeant notre cœur, Dieu nous libère de la peur de la sanction de la Loi. On passe du règne de la Loi au règne de la grâce, au règne de l’amour. Dieu a eu une méthode pour l’enfance de l’humanité et quand les temps étaient mûrs, quand Il a jugé que sa pédagogie par la Loi permettait de franchir le pas suivant, alors Il a envoyé son Fils, qui, Lui, a envoyé son Esprit. C’est la Pentecôte.

Malheureusement, on présente souvent l’Évangile comme une obéissance à une loi dont on a peur et cette caricature a fait beaucoup de mal. Elle est sans doute due à l’oubli de la présence du Saint Esprit, et non seulement à l’oubli de sa présence mais à son absence : lorsque l’Esprit n’est pas là, alors la loi est absolument nécessaire. Elle cesse d’être nécessaire lorsqu’on la dépasse parce que le cœur a changé. On peut alors oublier la Loi car on a l’Esprit dans son cœur et on aime. Le jour de la Pentecôte, l’homme devient capable, non par ses propres forces, mais par l’aide de Dieu, par l’action du Saint Esprit Lui-même, de réaliser la Loi, de l’accomplir par son propre désir. Il aime faire le bien, il veut le faire parce que Dieu habite en lui.

L’attente joyeuse du Consolateur

Les premiers chrétiens avaient découvert, par la Résurrection du Christ, que Jésus était Dieu. C’est le grand cri de Thomas, huit jour après la Résurrection : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »[5] En rencontrant le Ressuscité, les chrétiens font donc une première expérience de la rencontre avec Dieu, mais qui leur demeure extérieure. Thomas voit le Seigneur Jésus ressuscité face à lui et Le touche. Cependant, le jour de l’Ascension, ces mêmes disciples sont privés de la présence visible du Christ remonté au ciel.

Lorsque le Seigneur quitte ses disciples pour remonter auprès de son Père, ils n’éprouvent - cela est surprenant - ni tristesse ni désarroi. Ils ont perdu leur chef visible, leur guide, Celui qui chaque jour leur parlait du Père et leur indiquait sa volonté, leur enseignait concrètement tout ce qu’ils devaient faire pour rejoindre le Royaume des cieux. Pourtant, le jour même de l’Ascension, lorsque le Seigneur Jésus les quitte, ils sont dans la joie. Dans les Actes des apôtres, on nous dit qu’ils partent de Béthanie en chantant des hymnes de joie et de louange. C’est qu’en effet ils vont vivre pendant dix jours dans la ferme espérance de la promesse que le Seigneur Jésus vient de leur faire : « Restez dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance d’en haut. »[6] Ils vont rencontrer l’autre Consolateur, dont la présence si précieuse et désirée leur avait été annoncée par le Seigneur : « Il convient que Je m’en aille car si Je ne m’en allais pas, vous ne trouveriez pas l’autre Consolateur. »[7]

Et dix jours plus tard, ils accueillent effectivement l’autre Consolateur, qui restera avec eux pour toujours, « l’Esprit de Vérité qui procède du Père », que le Christ leur avait envoyé « d’auprès du Père » et qui va les faire accéder à la « Vérité toute entière »[8], comme le dit le Christ Lui-même, et leur communiquer tout ce qu’Il reçoit du Christ. Il demeure auprès d’eux. Il est en eux, aussi la joie du Christ est en eux et cette joie est « parfaite ». Voilà maintenant qu’ils vont à nouveau rencontrer Dieu, non plus du dehors, en la Personne du Fils, mais dans l’intimité du cœur et de la conscience, en la Personne du Saint Esprit.

Notes

[1] Lc 24, 49

[2] Cf. Jr 31, 33

[3] Cf. Ga 3, 19

[4] Ga 3, 23

[5] Jn 20, 28

[6] Lc 24, 49

[7] Jn 16, 7

[8] Cf. Jn 15, 26 ; 16, 13