Dimanche de Thomas

Textes du Pentécostaire[1]

Lucernaire – ton 1

Toutes portes fermées * les Disciples réunis, * soudain tu entras, Jésus notre Dieu tout-puissant, * et, debout au milieu d’eux, * tu leur donnas ta paix * et les emplis de l’Esprit saint, * leur enjoignant de rester * sans s’éloigner de Jérusalem * jusqu’à ce qu’ils fussent revêtus * de la force d’en-haut ; * c’est pourquoi nous te crions : * Seigneur, notre résurrection notre lumière et notre paix, gloire à toi.

Huit jours après La Résurrection, * à tes Disciples, Seigneur tu te montras * dans le lieu où ils étaient réunis, * et tu leur dis : La paix soit avec vous ! * Au disciple incrédule * tu montras tes mains et ton côté, * et il te cria, dans un acte de foi : * Mon Seigneur et mon Dieu, gloire à toi.

Thomas, appelé Didyme, * n’était pas avec eux * lorsque, toutes portes closes, tu entras, ô Christ ; * aussi ne crut-il pas aux paroles qu’on lui dit, * pour affermir ainsi vers la foi * le chemin des incroyants ; * mais tu n’as point dédaigné, dans ta bonté, * de lui montrer ton côté immaculé * ainsi que les plaies de tes mains et de tes pieds : * il les toucha et, t’ayant vu, * en toi il reconnut plus que la simple humanité * ou que la seule divinité, * et te cria : Mon Seigneur et mon Dieu, gloire à Loi.

Les Disciples hésitaient, * mais le huitième jour parut le Sauveur * dans le lieu où ils étaient rassemblés * et, leur donnant la paix, il appela Thomas et lui dit : * Apôtre, viens toucher mes mains, * qui furent percées de clous. * Il est bon que Thomas ait douté, * pour conduire les cœurs des croyants * à la connaissance de Dieu ; * et dans la crainte il s’écria : * Mon Seigneur et mon Dieu, gloire à toi.

Gloire au Père … et maintenant … – ton 6

Toutes portes fermées, * devant tes Disciples tu t’es présenté, ô Christ, * alors que Thomas n’était pas avec eux, * mais ce fut providentiel car il dit : * Je ne croirai pas, si je ne vois moi-même le Seigneur, * si je ne vois le côté d’où sortirent le sang et l’eau, le baptême ; * si je ne vois la plaie par laquelle fut guérie * l’immense blessure du genre humain ; * si je ne vois qu’il n’est pas une sorte d’esprit, * mais un être fait d’os et de chair. * Toi qui as triomphé de la mort et pleinement convaincu Thomas, Seigneur, gloire à toi.

Apostiches – ton 4

Ô merveille inouïe : * c’est Jean qui reposa sur la poitrine du Verbe * et Thomas fut jugé digne de toucher son côté ; * le premier y scruta le profond mystère de Dieu, * l’autre fut digne de nous initier à son plan de salut, * car il montra clairement les preuves de sa résurrection en disant : * Mon Seigneur et mon Dieu, gloire à toi.

Lecture des actes des Apôtres

(Ac V,12-20)

En ces temps-là, beaucoup de miracles et de prodiges s’accomplissaient au milieu du peuple par la main des apôtres, et ils se tenaient tous ensemble sous le portique de Salomon, personne n’osait se joindre à eux, mais le peuple faisait leur éloge à haute voix, et la multitude d’hommes et de femmes qui croyait au Seigneur augmentait de plus en plus. On allait jusqu’à sortir les malades dans les rues, en les mettant sur des lits ou sur des civières, afin qu’au passage de Pierre son ombre touche l’un d’eux. La foule accourait aussi des cités voisines de Jérusalem, amenant des malades et des gens tourmentés par des esprits impurs ; et tous étaient guéris. Alors intervint le grand prêtre, et tout son entourage, à savoir le parti des Sadducéens. Pleins de fureur, ils firent arrêter les apôtres et les jetèrent en prison. Mais, pendant la nuit, un ange du Seigneur ouvrit les portes de la prison, les fit sortir et leur dit : « Allez, tenez-vous dans le temple, et annoncez au peuple toutes les paroles de vie ».

Lecture de l’Évangile selon Saint Jean

(Jn XX,19-31)

Le soir de ce même jour,qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où étaient rassemblés les disciples étant fermées, à cause de la crainte qu’ils avaient des Judéens, Jésus vint, se présenta au milieu d’eux, et leur dit : « Paix à vous ! » Et quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. A la vue du Seigneur, les disciples se réjouirent. Jésus leur dit de nouveau : « Paix à vous ! De même que le Père m’a envoyé, Moi aussi Je vous envoie. » Ayant dit cela, Il souffla sur eux et leur dit : « Recevez le Saint Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. »

Thomas, appelé Didyme [ce qui veut dire le jumeau], l’un des douze, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur. » Il leur dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. » Huit jours plus tard, les disciples étaient de nouveau dans la maison et Thomas se trouvait avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées , se présenta au milieu d’eux, et dit : « Paix à vous ! » Puis Il dit à Thomas : « Avance ici ton doigt, et regarde mes mains ; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais crois. » Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui, sans voir, croient ! » Jésus fit devant ses disciples beaucoup d’autres miracles qui ne figurent pas dans ce livre. Ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom.

Homélie[2]

Le Christ est ressuscité,
En vérité Il est ressuscité  !
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.

Quand les disciples retrouvent le Ressuscité dans la chambre haute, ils hésitent : « Leurs yeux étaient empêchés de Le reconnaître » dit saint Luc. Il faut que Jésus leur montre ses mains et son côté pour les convaincre, qu’il souffle sur eux et leur dise : « Recevez l’Esprit Saint. » Alors seulement, rencontrant plus tard Thomas, ils peuvent annoncer : « Nous avons vu le Seigneur. »

Thomas à son tour reste incrédule : « Si je ne vois dans ses mains la marque des clous et si je ne mets la main dans son côté, je n’en croirai rien. » Huit jours après, Jésus revient et devance la requête de Thomas : « Mets ici ton doigt et regarde mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté. » Thomas confondu pousse ce cri d’adoration, le plus beau de tout l’Évangile : « Mon Seigneur et mon Dieu. » Thomas, sans même que Jésus ait renouvelé sur lui le don de Son souffle, reçoit l’Esprit Saint et dépasse en profondeur la foi de ses amis en proclamant le Maître bien-aimé Seigneur et Dieu.

C’est pourquoi l’Église célèbre l’expérience de Thomas comme le fondement de notre foi. Ce qui nous interroge à notre tour. Car nous n’avons pas connu le Jésus de l’histoire ; nous n’avons pas vu Son corps glorieux. Sur quoi repose donc notre foi ? Pourtant Jésus a dit : « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu. » Nous sommes-nous jamais posé cette question : Pourquoi croyons-nous aujourd’hui ?

Bien sûr, nous croyons sur l’affirmation de l’Église qui elle-même garde le témoignage de ceux qui ont vu, les Apôtres. Mais qu’est-ce donc qui donne à notre foi ce caractère de certitude irréductible, quand bien même nous sommes parfois cernés par les interrogations du doute ? Qu’est-ce qui nous fait accorder un crédit inébranlable aux paroles de l’Évangile ?

La foi commence avec la compréhension et notre participation aux mystères divins. Or, ces mystères échappent totalement à notre raison, bien que la raison reste nécessaire à l’exercice de notre liberté.

La connaissance des mystères divins ne peut donc venir de nous mais de Dieu. C’est pourquoi la foi est un don de Dieu. Ce n’est pas le don arbitraire d’une puissance qui nous serait étrangère. C’est l’ouverture que Dieu présente à tous de Ses desseins. C’est la révélation de l’amour de Dieu en Jésus-Christ incarné, mort et ressuscité. Il ne s’agit pas d’appréhender le Christ par un processus intellectuel. Il s’agit de se laisser envahir par Son amour, pénétrer par Son mystère, saisir par Sa réalité sacramentelle, envelopper par Sa Présence vivante en l’Église.

Ainsi notre foi, si elle n’est pas une donnée rationnelle et objectivable, n’en reste pas moins une expérience concrète du Ressuscité, expérience de grâce et de lumière, qui nous est offerte par l’Esprit Saint en Église. La foi jaillit d’une expérience personnelle du Ressuscité. C’est un acquis vécu de tout l’être, et non la déduction d’un processus intellectuel, pas plus que l’effet d’un état d’âme plus ou moins sentimental. Mais notre liberté reste nécessaire pour reconnaître la vérité de cette expérience et y adhérer pleinement. Chacun peut accepter ou refuser cette expérience, selon que nous avons ou non des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et par-dessus tout un cœur pour comprendre.

Ainsi sans avoir de connaissance du Christ historique, il nous est donné de le connaître toujours. Nui ne peut dire Jésus Seigneur, si ce n’est dans l’Esprit Saint, dit saint Paul. Dès que l’Esprit eut fondu sur les disciples, ceux-ci se mirent à proclamer Jésus ressuscité, Christ et Seigneur et à convertir les foules, les baptisant dans l’Esprit.
Ce même baptême, nous l’avons reçu. Ce même Esprit, nous en sommes devenus le temple. Il ne cesse de prier et d’agir en nous. Pour être habituellement hors de portée de notre conscience, Sa présence en nous n’en est pas moins toujours active, autant que nous ne la refusons ni ne l’ignorons. C’est à cette présence que nous devons l’édification de notre foi, au fur et à mesure que nous nous nourrissons des Saints Dons où se trouve la vraie lumière, et dans la mesure où notre liberté ne s’oppose pas à l’action de grâce divine en nous.

Il y a entre la réalité vivante de l’Esprit en nous et notre foi en Jésus-Christ un lien de causalité absolu. « À cela nous savons que nous L’avons connu, dit saint Jean au sujet de Jésus, qu’Il nous a envoyé Son Esprit Saint. » C’est l’Esprit, l’Esprit de Vérité que Jésus nous envoie, qui nous enseigne tout sur Lui, qui Lui rend témoignage et nous introduit dans la vérité tout entière.

L’Esprit ne fait rien pour Lui-même. Lui qui scrute les profondeurs de Dieu n’a d’autre but que de diriger notre regard sur la personne du Fils de Dieu.

Et cette réalité nous renvoie au Père, à l’amour du Père, car « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils Unique pour qu’il soit sauvé. »

Aussi la foi, notre foi, est-elle indissociable de l’amour. Après le reniement de Pierre, Jésus ne demande pas à Pierre s’il croit en Lui, mais s’il L’aime plus que les autres. En dernier ressort, c’est l’amour que nous portons à Dieu, dans l’Esprit, en Jésus-Christ qui témoigne de notre foi : « Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu ; celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu », dit saint Jean, parce que Dieu est amour. C’est pourquoi encore la foi n’est pas un état spirituel purement personnel qui restera incommunicable ; c’est un mouvement de tout l’être non seulement vers Dieu mais vers tout prochain. C’est pourquoi toujours une foi sans les œuvres est morte, puisqu’il ne peut y avoir de connaissance de Dieu sans l’amour. « Aurais-je une foi à déplacer les montagnes, dit saint Paul, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien. »

Alors, en quoi l’expérience de Thomas peut-elle encore nous servir ? « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu. »

C’est que Thomas n’a pas seulement vu, mais saisi le Christ, qu’il l’ait touché ou non. Il a le premier reconnu dans le côté ouvert du Christ la source du sang, de l’eau, du feu divin et du baptême, cette source inépuisable, qui depuis la Pentecôte n’est plus le don octroyé à quelques-uns uns, mais conféré à tous ceux qui croient. Le Dimanche de Thomas clôt l’octave pascale, autant qu’il ouvre sur la cinquantaine pentecostale. En Thomas nous avons déjà en figure la réalisation de la promesse de l’envoi de l’Esprit Saint sur tous ceux qui croient au Christ en Église. Thomas est associé irréductiblement aux deux plus grandes fêtes de l’Église : Pâques et Pentecôte. Et sa mémoire reste liée à jamais à la personne du Christ et à celle de l’Esprit Saint. C’est pourquoi l’Église le célèbre à égalité avec Jean l’Évangéliste, le disciple bien-aimé : « Ô merveille inouïe ! Jean repose sur la poitrine du Verbe, et Thomas est jugé digne de toucher son côté. L’un en tire avec crainte les profondeurs de la théologie, l’autre reçoit la dignité de nous initier à son économie. »

Ô Ami des hommes, apprends-nous à Te crier comme Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu, gloire à Toi ! »

Notes

[1] Comme pour la période du carême précédent Pâque, il existe un triode qui remplit la même fonction pour la période allant de Pâque à la Pentecôte. Il contient les textes liturgiques, propres à cette période mobile, qui viennent s’intercaler avec ceux de l’octoèque et des ménées. Cette période dure 50 jours, d’où le nom de Pentecostaire

[2] Prononcée à la Crypte par le Père René le 8 mai 1994