Archimandrite Sophrony Sakharov Traduit du russe par Anne-Marie et Athanase Tatsis-Botton, éditions du Cerf, Paris, 2013, 146 p., collection « Intimité du christianisme ».

Citons, à titre d’exemples, quelques extraits, et d’abord ce passage d’une allocution prononcée à l’intention du clergé au congrès de l’ACER à Nice en 1951 et publiée dans ce livre avant les lettres :

« Quand nous entrons en contact avec le monde dans le cadre de notre service, nous voyons que c’est terriblement difficile. Nous ignorons pourquoi Dieu n’a pas daigné nous accorder la force de “guérir toute plaie chez les gens”, ainsi qu’Il l’a accordé aux saints Apôtres et à nos saints Pères. C’est comme si, privés de cette force de guérison, nous étions constamment couverts d’opprobre dans notre service. Quand des gens viennent nous voir, affligés sous le poids de leurs souffrances et cherchant aide et consolation auprès de nous, nous donnons le contraire de ce qu’ils attendent. Sans aide visible, dans la plupart des cas, notre parole n’est pas reçue. Bien plus, elle paraît cruelle. Nous appelons à la patience et à l’espoir. Et nous nous attirons cette réponse: “C’est facile de dire de patienter, mais on voudrait vous y voir, quand les souffrances deviennent insupportables. C’est facile de dire de ne pas désespérer, mais comment garder espoir quand on voit partout confusion, ruine et détresse?” Dans la tristesse de mon cœur, j’ai souvent pensé que si ceux qui viennent à nous constatent que nous ne pouvons pas faire de miracles pour les aider, nous serons dans l’opprobre jusqu’à la fin de nos jours. Et cela, non parce que notre parole n’est pas véridique ou qu’elle est pervertie, mais parce que, privée de signes visibles, elle n’est recevable que par peu d’élus. Qui ouvrira l’ouïe spirituelle des gens, qui leur donnera la vision spirituelle pour qu’ils puissent voir et entendre la lumière et la beauté de la parole prêchée par l’Église, au point que leurs âmes soient détournées de tout le reste? Détournées, je ne veux pas dire haineuses ou hostiles, mais conscientes de l’incommensurabilité entre tout ce qui est du monde et la parole du Christ. Et nous, dans notre folie, nous osons dire que nous vous prêchons, à vous et à tout le monde, cette parole-là, cette parole du Christ qui donne la vie éternelle. […] Ne vous étonnez pas que nous soyons si peu nombreux, que les fruits de nos prédications soient quantitativement si négligeables. La grandeur de notre parole n’en est pas diminuée et la vérité n’en souffre pas dans son essence même. La parole de Dieu s’adresse à l’homme libre, avec douceur et sans violence; l’homme peut l’accepter ou la refuser. Méprisés, rejetés, persécutés, nous nous renfermons dans nos coins et préférons le silence. Nous voyons que le monde suit ses propres voies. Le cœur des gens s’ouvre avidement pour recevoir chaque semence de méfiance, d’inimitié, de haine, d’hostilité, et reste sourd et aveugle aux appels de l’Église: aimer son prochain. Mais l’ingratitude des gens devient particulièrement criante quand ils masquent leur inimitié et leur mensonge derrière le nom du Christ et leur pratique religieuse. »

La recension complète par Jean-Claude Larchet et d’autres extraits de lettres.