p. Stéphane : Mais quand, parfois, le bon vin n’arrive pas jusqu’à la fin ? Dans le cas d’un divorce par exemple ?

p. Gabriel : Alors voilà : le principe est posé, la prière de l’Église est posée, et est adressée au Seigneur, et malgré cela il arrive, – il arrive même trop souvent en ce moment – que le bon vin ne reste pas jusqu’à la fin. Et alors là il y a divorce. Et c’est une question qu’on nous pose souvent à nous les orthodoxes :

“mais vous les orthodoxes, l’Église orthodoxe, admettez le divorce.”

On ne peut pas dire que l’Église orthodoxe admette ou approuve le divorce. L’Église orthodoxe ne met pas en cause – elle ne peut pas le faire – le caractère indissoluble du mariage.

p. Stéphane : Nous allons plus loin puisque nous parlons d’unicité du mariage, et d’ailleurs aux premiers siècles, pour les veuves et les veufs, c’était un honneur de ne pas se remarier. Par la suite, bien sûr, l’Église a été plus près de l’homme, et elle a compris aussi son chagrin et sa détresse.

p. Gabriel : Justement, nous appliquons une liturgie différente pour les veufs et aussi pour les divorcés. Saint Paul dit qu’il vaut mieux se remarier que de brûler. Il y a des situations de mariages ratés qui sont des croix devant lesquelles l’Église ne peut être qu’amour, compassion et humilité. C’est important sur le principe, car le Seigneur dit : “N’imposez pas aux autres des fardeaux que vous-mêmes ne pourriez pas toucher du doigt.” Il dit aussi : “Vous n’entrez pas dans le royaume des cieux et vous voulez empêcher les autres d’y entrer.” L’Église, qui prêche l’unicité du mariage et qui rappelle pendant l’office du mariage qu’il ne convient pas de séparer ce que Dieu a uni. Mais à l’humilité et à la compassion de préférer ou de donner priorité au salut de l’homme sur le principe, car “le sabbat est fait pour l’homme, et pas l’homme pour le sabbat”.

Mais je crois qu’il faut bien réfléchir sur cette question du divorce, et d’abord sur cette expression “que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni”. Est-ce que Dieu peut unir certains mariages qui ne sont pas des mariages ? Car il faut bien dire que quelquefois malheureusement, il y a des mariages qui sont basés sur un mensonge, sur une restriction mentale. Je crois que l’Église romaine dans ce cas-là considère que le mariage n’a pas existé.

Et puis c’est là où il y a le mystère : il y a des mariages qui ont existé et qui meurent. Et c’est là où l’Église ne peut que dire : “Seigneur, aie pitié !” Bon, le divorce est consommé. Le divorce sera constaté par l’Église, de manière pénitentielle, c’est le rite pénitentiel. Mais il ne faut pas dire que le divorce met un point final à l’aventure. Non. Il y a une pastorale du divorce comme il y a une pastorale du mariage. Il y a une pastorale pré-divorce qui est l’éducation au mariage. Mgr Antoine[1] dit : “Ce qui pose question n’est pas tellement le divorce que la façon dont on se marie”.

Et puis il y a une pastorale du divorce lorsqu’il y a divorce. Il faut que les gens soient aussi en face de leurs responsabilités. Vis-à-vis des enfants – de ces enfants du divorce – de ces enfants des “papas du dimanche” dont on parle dans la presse. J’ai connu beaucoup de ces cas-là : les papas du dimanche qui doivent lutter pour avoir leurs enfants quelques heures par semaine. J’ai vu une femme dernièrement qui a divorcé et qui a dit : “Eh bien moi, vous savez, je donne l’enfant à mon mari comme l’a fixé le tribunal, mais pas plus”. Comme si le tribunal pouvait juger et mesurer la tendresse !

Il y a aussi de la part des époux divorcés la nécessité d’une éducation à la compassion. Le divorce, c’est toujours un très grand traumatisme. Ça peut être une résurrection d’une certaine façon ; mais il y a la cicatrice, et la cicatrice pour les autres. C’est pourquoi l’Église ne peut traiter le divorce qu’avec compassion, avec humilité, mais avec justice et avec attention.

À suivre …

Note

[1] Métropolite Antoine (Bloom)