Lecture de l’épître du saint apôtre Paul aux Romains

Ro XII,6-14

Frères, puisque nous avons des dons différents, selon la grâce qui nous a été accordée, que celui qui a le don de prophétie l’exerce selon l’analogie de la foi ; que celui qui est appelé au ministère s’attache à son ministère ; que celui qui enseigne s’attache à son enseignement, et celui qui exhorte à l’exhortation. Que celui qui donne le fasse sans calcul ; que celui qui préside le fasse avec zèle ; que celui qui pratique la miséricorde le fasse avec joie. Que la charité soit sans hypocrisie. Ayez le mal en horreur ; attachez-vous fortement au bien. Par amour fraternel, soyez pleins d’affection les uns pour les autres ; par honneur, usez de prévenances réciproques. Ayez du zèle, et non de la paresse. Soyez fervents d’esprit. Servez le Seigneur. Réjouissez-vous dans les temps d’espérance. Soyez patients dans l’affliction. Persévérez dans la prière. Pourvoyez aux besoins des saints. Exercez l’hospitalité. Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas.

Lecture de l’Évangile selon Saint Matthieu

Mt IX,1-8

Jésus, étant monté dans une barque, traversa la mer, et alla dans sa ville. Et voici, on lui amena un paralytique couché sur un lit. Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : « Prends courage, mon enfant, tes péchés te sont pardonnés ». Sur quoi, quelques scribes dirent au dedans d’eux : « Cet homme blasphème ». Et Jésus, connaissant leurs pensées, dit : « Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos cœurs ? Car, lequel est le plus aisé, de dire : “Tes péchés sont pardonnés”, ou de dire : “Lève-toi, et marche ?” Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés : Lève-toi, dit-il au paralytique, prends ton lit, et va dans ta maison. » Et il se leva, et s’en alla dans sa maison. Quand la foule vit cela, elle fut saisie de crainte, et elle glorifia Dieu, qui a donné aux hommes un tel pouvoir.

Tes péchés sont pardonnés

Homélie prononcée par le père André le dimanche 24 juillet 2011

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit,

Aujourd’hui nous sommes le sixième dimanche après la Pentecôte, et nous venons d’entendre dans l’Évangile la guérison du paralytique de Capharnaüm. Au début du passage qui a été lu, il est dit que Jésus, étant monté dans une barque, a traversé la mer pour se rendre dans sa ville. Sa ville, c’est Capharnaüm, l’endroit où Il habitait, et d’où plusieurs des apôtres étaient originaires.

Si Jésus est monté dans une barque pour traverser le lac, c’est parce que, juste avant, a eu lieu l’épisode de la guérison des démoniaques dans le pays de Gadara, un pays étranger, de l’autre côté de la mer de Galilée, du lac de Tibériade. C’était l’Évangile de dimanche dernier. Après que Jésus a expulsé les démons de ces deux démoniaques, les envoyant dans un troupeau de porcs, et que le troupeau de porcs s’est jeté dans la mer, il est dit dans l’Évangile que les habitants, effrayés à la vue de ce qui s’était passé, l’ont supplié de quitter le territoire. C’est donc après avoir quitté le territoire de Gadara, et traversé le lac, qu’Il arrive dans sa ville. Et là, arrivé chez lui, on lui apporte ce paralytique.

Cet épisode est lu deux dimanches dans l’année liturgique : aujourd’hui, le 6e dimanche après la Pentecôte, selon le récit de saint Matthieu, et le 2e dimanche de Carême, de Grégoire Palamas, selon le récit de saint Marc. Dans l’Évangile de Marc, il y a d’ailleurs plus de détails pittoresques, notamment le fait qu’on n’a pas pu entrer le paralytique par la porte, car il y avait trop de monde, et qu’on a été obligé de le faire passer par le toit.

Matthieu est donc beaucoup plus sobre, il va à l’essentiel. Et dans ce récit, on voit bien que ce qui est premier, ce n’est pas tant la guérison du paralytique que le pardon des péchés. Le Seigneur accueille le paralytique en lui disant : Aie courage, tes péchés sont pardonnés.

Et effectivement, même si la guérison est quelque chose d’important pour ce paralytique, on peut dire que le pardon des péchés est un miracle encore plus grand que la guérison. Évidemment, quand on est malade, quand on souffre, on sait bien que c’est important de pouvoir guérir. Mais cette guérison est le signe de quelque chose de plus profond encore. Et les scribes qui sont là ne s’y trompent pas lorsqu’ils disent : Cet homme blasphème. Comment un homme peut-il pardonner les péchés ? C’est un pouvoir qui n’appartient qu’à Dieu.

Mais c’est en tant que Dieu, justement, que Jésus pardonne les péchés. En tant que Fils de Dieu, mais aussi en tant que Fils de l’homme, comme Il le dit : Afin que vous voyiez, que vous compreniez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés, Je te l’ordonne, lève-toi, prends ton lit, marche et retourne dans ta maison.

Ainsi ce pouvoir de pardonner les péchés, qui appartient à Dieu, est donné aussi à l’homme : au Christ en premier lieu, car Il pardonne à la fois en tant que Dieu et en tant qu’homme. Mais ce pouvoir est donné aussi aux hommes lorsque le Seigneur dit à ses Apôtres : Ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, ce que vous délierez dans le ciel sera délié dans le ciel (Matth. 18,18). Ce que vous pardonnez sur la terre est pardonné dans le ciel. Et ce pouvoir est transmis aux évêques, et même aux prêtres par délégation. J’ose d’ailleurs à peine utiliser ce mot pouvoir, car cela ne donne pas un pouvoir avec des droits. Dans la confession, le prêtre est plutôt là comme signe et comme témoin que Dieu pardonne les péchés. Donc ce pouvoir de pardonner les péchés, qui appartient à Dieu, est rendu humainement visible.

On peut remarquer ici que le Seigneur pardonne au paralytique sans même qu’il l’ait demandé, sans qu’il y ait un acte de repentir de sa part. Le Seigneur lui pardonne les péchés et le guérit simplement en voyant la foi, non pas même la foi du paralytique, mais la foi de ceux qui le portent.

Mais si le paralytique n’a pas confessé lui-même ses péchés, la grâce qu’il a reçue appelle toutefois une réponse. C’est pourquoi le Seigneur lui dit : maintenant, lève-toi et marche. Marche, cela ne veut pas dire que maintenant tu peux faire tout ce que tu veux, courir et faire les bêtises que tu veux. Non, la marche ici, cela veut dire : marche comme quelqu’un qui marche devant Dieu. Et donc, si le pardon de Dieu est premier et sans condition, ce pardon appelle quand même une réponse de la part de ceux qui reçoivent cette grâce.

Mais comment répondre à cette grâce ? Nous avons entendu cette magnifique lecture tirée de la deuxième partie de l’épître aux Romains, puisque cette épitre comporte une première partie très doctrinale et une deuxième partie, à partir du chapitre XII, qui est beaucoup plus pratique. Dans ce magnifique passage, saint Paul nous dit en résumé que nous avons reçu des dons, nous avons tous reçu des dons différents selon la grâce qui nous a été accordée. Eh bien, ces dons, il nous appartient de les faire fructifier dans l’exercice des missions qui nous ont été confiées. Que chacun exerce la mission qui lui a été confiée selon le talent particulier qu’il a reçu, avec responsabilité, avec zèle, mais surtout dans un esprit de service. Le but, c’est de servir l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Que celui qui a un ministère s’attache à son ministère, que celui à qui il a été donné et demandé d’enseigner, qu’il enseigne, que celui à qui il a été donné d’exhorter, qu’il exhorte, et celui à qui il a été demandé de donner, – et à nous tous, d’une manière ou d’une autre, il est demandé de donner –, ”qu’il le fasse avec générosité. Et tout cela, quoi que vous ayez à faire, faites-le avec zèle, mais aussi avec un cœur généreux et avec joie. Avec joie : saint Jean Chrysostome disait que si vous exercez la miséricorde sans la joie, si vous vous forcez, si vous le faites alors que vous n’en avez pas envie, ce n’est plus de la miséricorde”. Donc, ce que vous faites, faites-le avec joie. Si vous aidez quelqu’un, il ne s’agit pas, en arrivant chez lui, de commencer à vous plaindre et de l’accabler avec tous vos soucis. Si on aide quelqu’un, qu’on l’aide avec un coeur généreux et avec joie.

Et que celui qui a le don de prophétie l’exerce selon l’analogie de la foi. Le don de prophétie, nous l’avons tous un petit peu, nous avons tous en tout cas le don de la parole. Mais comment utilisons-nous ce don de la parole ? Est-ce pour annoncer des catastrophes ? Eh bien non, le don de prophétie ne consiste pas à annoncer les catastrophes qui risquent d’arriver. Le don de prophétie, nous dit saint Paul, doit s’exercer selon l’analogie de la foi, c’est-à-dire que notre parole soit une parole de foi, une parole de réconfort aussi, que notre parole ne soit pas pour critiquer ou pour nous plaindre.

Saint Paul nous dit encore à la fin : bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez, ne maudissez pas. Donc ne pas utiliser ce don de la parole, qui est quelque chose de précieux, pour dire du mal. Ne pas dire du mal mais dire du bien. Bénir, c’est dire du bien, mais cela veut dire aussi y mettre notre prière. Bénir quelqu’un, cela signifie le porter dans notre prière, déposer sur lui le Nom de Dieu et la présence de Dieu. Bénir la personne qui se trouve là et qui se présente peut-être au premier abord comme notre ennemi, mais qui est aussi l’image de Dieu.

Voilà donc comment nous pouvons répondre à cette grâce que nous avons reçue gratuitement. Gratuitement car, même si nous avons l’habitude de confesser nos péchés, le pardon de Dieu reste premier et gratuit. Il nous appartient de faire fructifier cette grâce, et en particulier de rendre le pardon autour de nous, de ne pas garder de rancune.

Dans le Notre Père, nous demandons à Dieu de nous pardonner comme nous pardonnons. Ici, les termes sont renversés. Ce comme nous pardonnons veut-il dire que si nous ne pardonnons pas, nous ne serons pas pardonnés non plus ? La phrase est à double sens. Elle veut dire en tout cas aussi que, nous qui sommes pardonnés, nous ne pouvons pas faire autrement que de pardonner à nos frères.

Amen.