St Ephrem le SyrienUne prière particulière, attribuée par la tradition à St Éphrem le Syrien, est récitée plusieurs fois par jour durant carême. Cette prière est récitée deux fois à la suite : la première fois, une grande métanie (c’est-à-dire une grande prosternation) conclut chacune des demandes, la seconde fois avec une seule grande métanie conclut la prière. Entre les deux fois, on répète ensuite douze fois : « Ô Dieu, purifie-moi, pécheur », avec une petite métanie à chaque demande.

Seigneur et Maître de ma vie, éloigne de moi l’esprit de paresse, d’abattement, de domination et de vaines paroles. (métanie)

Mais donne à Ton serviteur un esprit d’intégrité, d’humilité, de patience et d’amour (métanie).

Oui, Seigneur Roi, donne-moi de voir mes péchés et de ne pas juger mon frère, car Tu es béni dans les siècles des siècles. Amen. (métanie)

O Dieu, purifie-moi, pécheur (12 fois, avec autant de prosternations, et à nouveau la prière toute entière, et à la fin une grande prosternation)

Ces métanies ont beaucoup d’importance pour l’Église Orthodoxe, car elles permettent de faire participer le corps à la prière, de restaurer celui-ci dans sa vraie fonction en tant que “temple de l’Esprit”, car lui aussi est appelé selon la théologie Orthodoxe, à être transfiguré, à devenir glorieux. « L’homme tout entier, dans sa chute, s’est détourné de Dieu, l’homme tout entier devra être restauré ; c’est tout l’homme qui doit revenir à Dieu. (…) Pour cette raison, tout l’homme — corps et âme — se repent. Le corps participe à la prière de l’âme, de même que l’âme prie par et dans le corps. Les prosternements, signes psychosomatiques du repentir et de l’humilité, de l’adoration et de l’obéissance, sont donc le rite quadragésimal par excellence. »[1]

Cette prière est construite selon un double mouvement, de la même manière que le psaume pénitentiel 50 (51), à la fois de purification de nos fautes et d’ouverture à la grâce de Dieu, correspondant au double aspect de la conversion baptismale de la mort du vieil homme et de la naissance en un homme nouveau, de la mort et de la Résurrection du Christ.

Selon le commentaire des Pères de l’Église Orthodoxe, elle suivrait l’ordre d’engendrement des passions comme des vertus. Ce serait de la paresse et du découragement, compris comme absence d’effort dans la recherche d’une communion avec Dieu, que naîtrait le besoin de substitutions que sont le désir de domination et le bavardage inutile. L’intégrité (correspondant au grec sophrosunê, σωφροσύνη, mot difficile à traduire signifiant tout à la fois intégrité, chasteté, virginité et modération) est le contraire de la paresse comprise comme dispersement de ses forces et de ses désirs. Quiconque se connaît véritablement dans son intégrité, devient humble. Devenu humble, il est moins prompt à condamner les autres et à s’emporter contre eux ; sa vision s’est élargie au-delà de sa personne (il ne s’agit pas d’un aveuglement ni d’une indulgence, mais d’une compréhension). Le fruit de toutes les vertus, et qui les couronne toutes, c’est l’amour (ou charité, c’est-à-dire l’agapè — l’Amour divin,) qui n’est plus un état sentimental, mais selon la théologie Orthodoxe, la participation aux énergies divines incréées.

Commentaire complet de la prière de St Éphrem par le père Alexandre Schmemann.

Note

[1] Le Grand Carême, Alexandre Schemann, Abbaye de Bellefontaine, 1974, p.45