Orthodoxes dans l'Oise - Mot-clé - garde du cœurBlog de la paroisse des Quatre Martyrs de Paris. Église de Saintines située entre Compiègne et Beauvais.2023-07-10T12:22:50+02:00urn:md5:c53cf8380b666b48e583f071c24925daDotclearComment s’éveillent les passionsurn:md5:ef42e2cd2155fb76c9403aa2c1e859d92013-06-20T06:00:00+02:002013-06-20T07:23:38+02:00nkSpiritualitégarde du cœurpraxis <p><a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/public/Photos/Divers/D.Staniloae.jpg" title="Dumitru Stăniloae"><img src="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/public/Photos/Divers/.D.Staniloae_s.jpg" alt="Dumitru Stăniloae" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="Dumitru Stăniloae" /></a></p>
<h4>Si nous comprenons comment s’éveillent les passions alors nous pouvons trouver des moyens de les garder sous contrôle.</h4>
<p>Père Dumitru Stăniloae écrit :<br />
« Dans tous les écrits spirituels orthodoxes, nous trouvons exposé l’enchaînement dans lequel prennent naissance les passions en toute circonstance :
Satan met une pensée de péché dans notre esprit, ce que l’on appelle “l’attaque”… Elle a seulement d’abord l’apparence d’une simple pensée que nous pouvons commettre tel ou péché. Elle apparaît dans l’esprit comme une simple possibilité. Ce n’est pas encore un péché, car nous n’avons pas encore pris position vis-à-vis d’elle. Elle semble être en dehors de nous, nous ne l’avons pas créée, et elle n’a encore qu’un caractère virtuel, c’est une possibilité mais cela ne semble pas très grave, et qui ne nous donne pas beaucoup d’inquiétude. Nous sommes préoccupés de tout notre être par autre chose. Nous ne savons pas d’où est venue cette pensée, c’est comme si quelqu’un jouait avec et l’avait jetée négligemment sur le côté de la route. Cependant nous continuons à y réfléchir. Ainsi, elle a toutes les caractéristiques d’une pensée abandonnée par quelqu’un d’autre et les saints Pères ne manquent pas de l’attribuer à Satan… »</p>
<h4>Vous êtes-vous déjà demandé d’où venaient quelques-unes des pensées que vous avez ?</h4>
<p>De cette attaque jusqu’à l’acte de péché, nous avons de nombreuses étapes…<br />
Le moment décisif, c’est quand notre pensée prend position. Si nous avons rejeté la pensée dès le premier moment, nous l’avons échappé belle. Si, toutefois, nous commençons à y réfléchir, à goûter le péché dans notre esprit, alors « la conjugaison», le mélange de nos pensées avec celles des démons malfaisants s’est déjà produit. Maintenant, nous nous sommes joints à la pensée du mal, elle est devenue une partie de nous… par elle nous sommes entrés dans la zone du péché et nous pouvons difficilement arrêter le plein développement de ce processus une fois qu’il a été mis en mouvement. Suivent de près le consentement au fait, ou le dispositif opéré par nos pensées et les pensées de Satan pour que le fait se réalise. Maintenant seulement la simple pensée se concrétise en images.</p>
<h4>Vous êtes-vous demandé pourquoi vous en êtes venu à examiner quelques-unes des pensées que vous prenez en considération?</h4>
<p>Saint Paul, décrit sa frustration par rapport à cette question :</p>
<p>15 En effet, je ne comprends pas ce que je fais: je ne fais pas ce que je veux, et c’est ce que je déteste que je fais. 16 Et si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais par là que la Loi est bonne. 17 En réalité, ce n’est plus moi qui le fais, mais c’est le péché qui habite en moi. 18 Car je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ce que je suis par nature. Vouloir le bien est à ma portée, mais non l’accomplir. 19 Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas, je le commets. 20 Si donc je fais ce que je ne veux pas, ce n’est plus moi qui le fais mais c’est le péché qui habite en moi. 21 Lorsque je veux faire le bien, je découvre cette loi: c’est le mal qui est à ma portée. 22 Dans mon être intérieur, je prends plaisir à la Loi de Dieu. 23 Mais je vois bien qu’une autre loi est à l’œuvre dans tout mon être: elle combat la Loi qu’approuve ma raison et elle fait de moi le prisonnier de la loi du péché qui agit dans mes membres. 24 Malheureux que je suis! Qui me délivrera de ce corps voué à la mort ? 25 Dieu soit loué : c’est par Jésus-Christ notre Seigneur. En résumé: moi-même, je suis, par la raison, au service de la Loi de Dieu, mais je suis, dans ce que je vis concrètement, esclave de la loi du péché… (Romains 7:15-25)</p>
<p>Les implications de ce processus sont claires. Si l’on veut avancer dans la vie spirituelle, il faut d’abord avoir la foi et une solide conviction que ces pensées doivent être rejetées. Les rejeter exige une position ferme, un esprit discipliné, et l’aide de Dieu.</p>
<h4>Père Dumitru écrit encore :</h4>
<p>« Par conséquent, l’obligation imposée à celui qui veut aller de l’avant dans sa vie vers la perfection est d’observer sans cesse les pensées qui apparaissent dans le champ de la conscience. Il lui faut éliminer l’idée de toute passion, à sa première apparition. La garde de l’esprit, l’attention, et la ferme et sagace résistance aux pensées sont continûment recommandées par les maîtres spirituels de ceux qui ne veulent pas être victimes des passions… Cela signifie de garder son esprit immergé, plein d’amour, dans l’infini divin, qui l’enrichit de significations toujours nouvelles et pures. »</p>
<p>C’est là la première tâche de la spiritualité orthodoxe.</p>
<p><a href="http://vie-orthodoxe.blogspot.fr/2010/10/comment-seveillent-les-passions.html" hreflang="fr" title="Comment s'éveillent les passions">Source.</a></p>Les différentes phases de la tentationurn:md5:d10f0dc62cb59faa318f15377850159a2013-04-18T06:00:00+02:002013-04-18T06:00:00+02:00nkSpiritualitécombat spirituelgarde du cœurhésychiaJean Climaquepraxiséchelle sainte <h3>Saint Jean Climaque dans l’Échelle sainte</h3>
<p><a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/public/Photos/Icones/Jean-Climaque.jpg" title="St Jean Climaque"><img src="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/public/Photos/Icones/.Jean-Climaque_s.jpg" alt="St Jean Climaque" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="St Jean Climaque" /></a>
Les pères doués de discernement ont différencié les uns des autres l’<strong>attaque</strong>, la <strong>liaison</strong>, le <strong>consentement</strong>, la <strong>captivité</strong>, le <strong>combat</strong> et ce qu’on appelle <strong>passion de l’âme</strong>.</p>
<p>Ces hommes bienheureux définissent :</p>
<ul>
<li>l’<strong>attaque</strong> comme la première apparition dans le cœur de la simple pensée ou de l’image d’un objet qui se présente ;</li>
<li>la <strong>liaison</strong> est une conversation avec ce qui vient de se manifester ainsi accompagnée ou non de passion ;</li>
<li>le <strong>consentement</strong> est l’acquiescement de l’âme, accompagné de délectation, à ce qui lui est proposé ;</li>
<li>la <strong>captivité</strong> est un entraînement violent et involontaire du cœur ; ou encore, une attache permanente à l’objet en question qui détruit l’excellent état de notre âme ;</li>
<li>[<em>le <strong>combat</strong> se définit comme une confrontation, à égalité de forces avec l’adversaire, où l’âme, selon le choix de sa volonté, remporte la victoire ou subit une défaite ;</em>]</li>
<li>la <strong>passion</strong>, au sens propre, est un mal qui depuis longtemps affectait secrètement l’âme et qui, désormais, lui a fait contacter une liaison intime avec lui et l’a établie comme dans une disposition habituelle, en vertu de laquelle elle s’y porte d’elle-même, spontanément et par affinité.</li>
</ul>
<h4>La tentation et le péché</h4>
<p>De tous ces mouvements, le premier est sans péché ; le second ne l’est pas toujours ; quant au troisième, il est coupable ou non selon l’état intérieur du combattant. Le combat est l’occasion qui procure couronne ou châtiment. La captivité doit être jugée différemment selon qu’elle se manifeste au temps de la prière ou à d’autres moments, à propos de matières de peu d’importance ou s’il s’agit de pensées mauvaises.</p>
<p>Quant à la passion, sans aucun doute, dans tous les cas, elle encourt soit une pénitence proportionnée, soit un châtiment futur.</p>
<p>Ainsi donc, celui qui affronte sans passion la première attaque supprime d’un seul coup tout ce qui suit.</p>
<h4>Une forme plus subtile de tentation</h4>
<p>Les plus précis dans leur enseignement parmi les Pères doués de connaissance mentionnent un autre genre de motion intérieure, encore plus subtile, que certains appellent “impulsion”. Voici ce qui le caractérise sans intervalle de temps, sans concept ni image, elle fait apparaître instantanément la passion chez celui qui la subit. Il n’existe rien de plus rapide ni de plus imperceptible dans le monde spirituel. Elle fait sentir sa présence dans l’âme par une simple prise de conscience, avant toute réflexion, instantanément, d’une manière inexplicable, et parfois à l’insu du sujet lui-même. Si quelqu’un est parvenu, grâce à ses armes, à pénétrer une telle subtilité, qu’il nous explique alors comment il est possible que, par le seul moyen des yeux, par un simple regard, ou par un simple toucher de la main, ou par l’audition d’un chant, sans aucune pensée ni acte de l’intellect, l’âme soit saisie par la passion et tombe dans la luxure.</p>
<h4>Connaître la véritable origine de la tentation n’est pas le plus important</h4>
<p>Certains disent que c’est par les pensées de luxure que les passions envahissent le corps. D’autres au contraire affirment que c’est par le moyen des sens du corps que sont conçues les pensées mauvaises. Les premiers disent que si l’intellect n’avait pas pris l’initiative, le corps n’aurait pas suivi ; les seconds, pour justifier leur point de vue, allèguent la nocivité de la passion corporelle et disent que les mauvaises pensées trouvent souvent entrée dans le cœur grâce à une vision agréable, à un toucher de la main, à la senteur d’un parfum, ou au charme d’une voix. Que celui-là l’explique auquel le Seigneur en donnera le pouvoir ; car ces choses sont extrêmement nécessaires et profitables à ceux qui mènent la vie active en ayant la science (de sa pratique) ; mais pour ceux qui s’y appliquent dans la simplicité du cœur, cela n’a aucune importance. Car tous ne possèdent pas la science ; et tous n’ont pas non plus la bienheureuse simplicité, qui est une cuirasse qui protège des ruses des esprits mauvais.</p>
<h4>Les tentations peuvent naître dans l’âme ou dans le corps</h4>
<p>Certaines passions passent de l’âme dans le corps et d’autres font le contraire. Ces dernières sont le fait des gens du monde ; on trouve les premières chez ceux qui mènent la vie monastique, par suite de l’absence d’occasions (extérieures). Mais à ce sujet, je dirai seulement “Tu chercheras la sagesse chez les méchants, et tu ne l’y trouveras pas”<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#pnote-79-1" id="rev-pnote-79-1">1</a>]</sup>.<br />
Quand, après avoir longtemps combattu contre le démon, ce compagnon de notre argile, nous l’avons expulsé de notre cœur, le tourmentant avec la pierre du jeûne et le glaive de l’humilité, alors ce misérable se cache dans notre corps comme une sorte de ver, et s’efforce de nous souiller, en excitant en nous des mouvements contraires à la raison et inconvenants.<br />
Le combat se définit comme une confrontation, à égalité de forces avec l’adversaire, où l’âme, selon le choix de sa volonté, remporte la victoire ou subit une défaite.</p>
<h4>L’orgueil est la source de bien des tentations ultérieures</h4>
<p>Habituellement, ce sont ceux qui ont cédé au démon de l’orgueil qui subissent ces choses ; parce qu’ils ne voient plus continuellement dans leur cœur des pensées impures, ils sont enclins à cette autre passion (de l’orgueil). Et pour qu’ils soient convaincus de la vérité de mes paroles, qu’ils s’examinent avec discernement quand ils jouiront d’une certaine hésychia ; ils découvriront certainement alors quelque pensée dissimulée dans les profondeurs de leur cœur comme un serpent dans du fumier, leur suggérant qu’ils sont arrivés par leur propre effort et par leur zèle à un certain résultat en fait de pureté du cœur. Ils ne pensent pas, les malheureux, à cette parole: “Qu’as-tu que tu n’aies reçu comme un don gratuit, soit de Dieu lui- même, soit grâce à l’aide et aux prières des autres ?”<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#pnote-79-2" id="rev-pnote-79-2">2</a>]</sup> Qu’ils s’examinent donc, et qu’ils mettent tout leur zèle à expulser ce serpent de leur cœur, le tuant par beaucoup d’humilité.</p>
<p>De la sorte, lorsqu’ils s’en seront débarrassés, ils pourront, en temps voulu, être dépouillés de leurs tuniques de peau<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#pnote-79-3" id="rev-pnote-79-3">3</a>]</sup>, et comme jadis les chastes enfants<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#pnote-79-4" id="rev-pnote-79-4">4</a>]</sup>, chanter au Seigneur l’hymne de victoire de la pureté ; pourvu que, une fois dépouillés, ils ne se retrouvent pas nus, démunis de cette absence de malice et de cette humilité qui sont naturelles aux enfants<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#pnote-79-5" id="rev-pnote-79-5">5</a>]</sup>.</p>
<h4>Il faut lutter contre les tentations aussi avec le corps</h4>
<p>Ce démon, plus que tout autre, est à l’affût des moments favorables. Et quand il ne nous est pas possible de prier avec notre corps pour nous en préserver, c’est alors surtout que cet impie entreprend de nous combattre.</p>
<p>Ceux qui n’ont pas encore obtenu la vraie prière du cœur, trouveront de l’aide dans l’effort douloureux de la prière corporelle ; je veux dire étendre les mains, se frapper la poitrine, lever vers le ciel un regard limpide, gémir profondément, faire sans répit des métanies.</p>
<p>Mais souvent la présence d’autrui nous rend ces gestes impossibles, et c’est pourquoi les démons en profitent pour nous combattre surtout à ce moment-là. Et comme nous n’avons pas encore la force de résister à nos adversaires par la fermeté de l’intellect et la puissance invisible de la prière, nous faiblissons nécessairement devant eux. Si cela t’est possible, retire-toi aussitôt à l’écart. Cache-toi un moment dans quelque endroit secret. Élève en esprit tes yeux vers le ciel, si tu le peux ; sinon fais-le au moins corporellement. Reste immobile, les mains étendues en forme de croix, afin de confondre et de vaincre Amalec par ce signe<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#pnote-79-6" id="rev-pnote-79-6">6</a>]</sup>. Crie vers celui qui a le pouvoir de sauver, sans employer de phrases compliquées, mais avec d’humbles paroles ; dis de préférence pour commencer : “Aie pitié de moi, car je suis sans force”<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#pnote-79-7" id="rev-pnote-79-7">7</a>]</sup>. Alors tu connaîtras par expérience la puissance du Très-Haut, et par un secours invisible, tu mettras invisiblement en fuite ces ennemis invisibles.</p>
<p>Celui qui prend l’habitude de combattre de cette façon, sera bientôt capable de mettre ses ennemis en fuite uniquement par des moyens spirituels ; car cette seconde manière est donnée en retour par Dieu à ceux qui pratiquent la première, et c’est à bon droit.</p>
<div class="footnotes"><h4 class="footnotes-title">Notes</h4>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#rev-pnote-79-1" id="pnote-79-1">1</a>] Prov. 14,6</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#rev-pnote-79-2" id="pnote-79-2">2</a>] cf. I Cor. 4,7</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#rev-pnote-79-3" id="pnote-79-3">3</a>] cf. Gen. 3,21</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#rev-pnote-79-4" id="pnote-79-4">4</a>] cf. Mt. 21,15</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#rev-pnote-79-5" id="pnote-79-5">5</a>] cf. Gen. 3,10</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#rev-pnote-79-6" id="pnote-79-6">6</a>] cf. Ex. 17,11-13</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/Les-diff%C3%A9rentes-phases-de-la-tentation#rev-pnote-79-7" id="pnote-79-7">7</a>] Ps. 6,3</p></div>
St Jean Cassien - la garde du cœururn:md5:be7c5dd25236f840df1c67d77312b1d52013-04-17T06:00:00+02:002013-04-17T06:00:00+02:00nkSpiritualitécombat spirituelgarde du cœurJean Cassienpraxis <p><a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/public/Photos/Icones/Jean-Cassien.jpg" title="St Jean Cassien"><img src="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/public/Photos/Icones/.Jean-Cassien_s.jpg" alt="St Jean Cassien" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="St Jean Cassien" /></a>
<em>Cassien apparaît avant tout comme un témoin de la tradition monastique. Né vers 365, probablement en Scythie, il passe d’abord deux ans, très jeune encore, dans un monastère de Bethléem, et en profite pour s’instruire des usages monastiques de Palestine, de Syrie et de Mésopotamie. Puis il gagne l’Égypte où il demeurera une vingtaine d’années, presque sans interruption (v. 380-400). Il y visite les principaux établissements monastiques, et se fixe ensuite au désert de Scété, où il s’agrège à un petit groupe de moines cultivés, fortement influencés par la pensée d’Origène, et auquel appartinrent également Évagre le Pontique et Pallade. La querelle origéniste l’oblige à quitter l’Égypte. Il passe alors cinq ans à Constantinople, auprès de saint Jean Chrysostome, et a ainsi l’occasion d’étudier les observances en usage dans les monastères d’Asie-Mineure. En 405, il se rend à Rome pour porter au pape Innocent Ier une lettre d’appel du clergé de Constantinople en faveur de l’évêque proscrit. Nous le retrouvons vers 415 à Marseille, où il fonde deux monastères, Saint-Victor pour les hommes, et Saint-Sauveur pour les moniales. Son expérience lui vaut un prestige sans égal auprès des moines provençaux. Sa mort doit se placer avant 435.</em><sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#pnote-81-1" id="rev-pnote-81-1">1</a>]</sup></p>
<h4>Le combat invisible</h4>
<p>Le renoncement et l’ascèse corporelle, si nécessaires qu’ils soient, et la vie dans le cadre du monastère, malgré les avantages spirituels qu’elle présente, ne suffiraient pas pour acheminer le moine vers la pureté du cœur, s’ils n’étaient pas accompagnés d’une autre forme d’activité spirituelle, secrète et toute intérieure le combat invisible que le moine doit mener contre les suggestions mauvaises que le démon essaie de jeter dans son cœur, et qui sont la semence de tout péché. Combat redoutable, véritable crucifiement, dans cette arène de la solitude où l’homme n’est plus tiré hors de lui-même par l’affairement de la vie séculière. Martyrius évoque ce combat en ces termes : « Crucifiés jusqu’à notre dernier souffle par une lutte de nuit et de jour contre le Malin, nous recevons des soufflets au visage et nous en rendons en échange, sans jamais cesser de nous tenir prêts à lui résister… Est-ce que par hasard la lutte intérieure, l’effort sur les pensées et la guerre contre les passions ne seraient pas aussi rudes que la guerre extérieure contre les persécuteurs et que la torture du corps ? Il me semble, à moi, qu’ils sont encore plus rudes, dans la mesure où Satan est plus cruel et plus méchant que les hommes méchants… Comment donc trouverions-nous trêve et répit dans la lutte qui nous oppose à lui, puisqu’il est toujours prêt et aux aguets pour nous affronter par tant de tactiques rusées, et qu’il veut par là nous faire trébucher, tomber et étouffer dans le péché ! Tant qu’il y aura un souffle dans nos narines, n’arrêtons donc pas, ne cessons pas de le combattre »
<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#pnote-81-2" id="rev-pnote-81-2">2</a>]</sup></p>
<p>Il ne faut pas se dissimuler, en effet, les dimensions réelles de ce combat : derrière les tendances mauvaises contre lesquelles nous luttons se révèle la présence d’adversaires personnels redoutables – Satan et ses anges. Leur intervention dans nos vies, sous forme de suggestions et d’impulsions mauvaises, est un phénomène beaucoup moins rare qu’une mentalité trop rationaliste serait portée à l’admettre. Dans les Évangiles, un des aspects essentiels du drame rédempteur est d’être un combat personnel du Christ contre Satan. C’est ce combat que le moine revit, au plus profond de son âme. La seule force qui puisse lui permettre de triompher est la vie même du Christ ressuscité ; c’est le Christ qui, en lui, sera à nouveau vainqueur des puissances du mal.</p>
<h4>Le processus de la tentation</h4>
<p>Pour résister efficacement aux sollicitations de l’esprit mauvais, il nous faut d’abord être avertis du processus de la tentation. Les Pères y ont distingué cinq moments principaux : la <strong>suggestion</strong>, le <strong>dialogue</strong> ou <strong>liaison</strong>, le <strong>consentement</strong>, la <strong>passion</strong>, la <strong>captivité</strong>.</p>
<p>La <strong>suggestion</strong> est le simple affleurement à la conscience d’un attrait pour une action mauvaise ; ce sera, par exemple, une pensée de vengeance, de gourmandise, une invitation à se complaire dans une mauvaise tristesse, etc. Elle est involontaire, et il serait vain de prétendre empêcher que de tels mouvements naissent en nous. Au contraire, en nous donnant l’occasion de prouver notre amour pour le Seigneur et en nous maintenant dans l’humilité, la tentation joue un rôle important dans l’œuvre de notre sanctification. C’est en ce sens qu’Évagre le Pontique pouvait dire : « Supprime les tentations, et personne ne sera sauvé »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#pnote-81-3" id="rev-pnote-81-3">3</a>]</sup>.</p>
<p>Dans le <strong>dialogue</strong>, nous réfléchissons sur la tentation et nous nous entretenons en quelque sorte avec elle. Il peut ne comporter aucune connivence secrète avec elle et n’avoir d’autre fin que de lui opposer des raisons contraires. Méthode qui ne va pas sans dangers et que les Pères déconseillent généralement, surtout aux ascètes inexpérimentés. Mais le dialogue peut recouvrir déjà un demi-consentement, une complaisance inavouée qui n’est pas entièrement exempte de péché.</p>
<p>Le <strong>consentement</strong> est une prise de position personnelle : nous acceptons de faire consister notre bonheur dans la jouissance mauvaise proposée nous adhérons à la tendance déréglée et nous identifions, en quelque sorte, notre « moi » profond avec elle.</p>
<p>Si de tels consentements se répètent, ils engendrent d’abord la <strong>passion</strong>, qui est la tendance mauvaise passée à l’état de seconde nature, puis la <strong>captivité</strong>, véritable obsession, impulsion irrésistible où la liberté n’a plus de part.</p>
<h4>Les huit pensées mauvaises</h4>
<p>Afin d’être en éveil à l’égard de la tentation, nous devons connaître les différentes formes sous lesquelles elle peut se présenter. Le catalogue des pensées mauvaises, qui tendent toutes soit à nous faire rechercher des satisfactions égoïstes dans les réalités de ce monde, soit à nous jeter dans la tristesse et l’irritation si nous en sommes privés, a été dressée par Evagre le Pontique, dont la doctrine sur ce point a été reprise par saint Cassien dans ses Institutions cénobitiques. Ces impulsions mauvaises sont la <strong>gourmandise</strong>, expression à la fois la plus élémentaire et la plus significative de l’appétit de jouissance égoïste qui caractérise la nature déchue ; la <strong>luxure</strong>, perversion fondamentale du dynamisme foncier de la personne et de sa relation à autrui ; l’<strong>amour de l’argent</strong>, symbole de tous les besoins artificiels que l’homme se crée et qui n’en sont que plus impérieux : c’est l’avoir se substituant à l’être ; la <strong>colère</strong>, qui s’oppose directement au commandement par excellence, celui de la charité, et qui trouble la pureté du regard intérieur ; la <strong>tristesse mauvaise</strong>, « qui est au cœur de l’homme ce que la teigne est au vêtement » (cf. Pr., 25, 20 selon les LXX) ; l’<strong>acédie</strong>, dégoût de l’effort spirituel qui incite le moine à chercher des compensations ; la <strong>vaine gloire</strong>, ennemi subtil qui se nourrit même de ses propres défaites et qui nous fait perdre le fruit de nos labeurs en nous incitant à chercher ici-bas notre récompense dans l’estime des hommes ; l’<strong>orgueil</strong>, enfin, qui détruit le fondement même de l’édifice spirituel, l’humilité, en nous faisant nous estimer meilleurs que les autres et nous attribuer le bien qui est en nous.</p>
<p>Cette liste est à l’origine du catalogue occidental des péchés capitaux, où l’acédie a été remplacée par la paresse, où l’envie s’est substituée à la tristesse, et où la vaine gloire s’est confondue avec l’orgueil. Mais ce catalogue des péchés capitaux représente le point de vue du moraliste : il s’agit de péchés commis à accuser en confession. Évagre, lui, parle de pensées ou de tentations : c’est le point de vue du Père spirituel, dont le discernement s’exerce à l’égard des suggestions avant qu’elles ne se traduisent en actes.</p>
<h4>Le discernement des esprits</h4>
<p>Il n’est pas toujours aisé, pourtant, de déceler la nature exacte des mouvements qui s’élèvent dans notre cœur. Satan est habile à se transformer en ange de lumière<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#pnote-81-4" id="rev-pnote-81-4">4</a>]</sup>. Une tentation de gourmandise pourra se déguiser en souci louable de ménager sa santé ; une tentation de luxure, en amitié spirituelle ; une tentation d’acédie et d’instabilité, en désir de visiter un frère malade ou d’exercer un ministère pastoral ; une tentation de vaine gloire ou d’orgueil prendra l’aspect du zèle pour la prière ou les pratiques d’ascèse, etc.</p>
<p>Pour discerner parmi nos inspirations celles qui viennent réellement du « bon esprit » de celles qui procèdent du mauvais, les maîtres spirituels ont proposé très tôt quelques règles de discernement des esprits, fondées sur des critères très simples, qui sont restés classiques : une inspiration qui laisse l’âme paisible et sereine, humble et ouverte, sans nulle impatience, raideur ni aigreur, a toutes chances de venir du bon esprit ; au contraire, le trouble, la raideur, l’aigreur, le zèle amer, l’impatience, l’exaltation de l’imagination, l’engouement pour des théories abstraites, sont les signes ordinaires qui révèlent l’illusion, la tentation dissimulée sous l’apparence d’un bien<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#pnote-81-5" id="rev-pnote-81-5">5</a>]</sup>.</p>
<h4>La manifestation des pensées</h4>
<p>La simple connaissance de ces critères ne suffit pas cependant pour permettre à chacun de reconnaître avec sûreté l’origine des pensées et des inspirations qui naissent dans son cœur, pas plus que la connaissance théorique d’une technique quelconque ne permet d’exercer avec aisance le métier correspondant. Le véritable discernement des esprits est affaire de « goût » et de « saveur » ; il procède d’un instinct, d’un tact spirituel très affiné qui est d’ordre mystique et constitue un don gratuit de Dieu ; il n’est ordinairement accordé qu’à ceux dont le cœur est profondément purifié.</p>
<p>C’est pourquoi la tradition a toujours fait de la manifestation des pensées à un père spirituel une pièce maîtresse de la formation monastique. « La vraie discrétion, dit saint Cassien, ne s’acquiert qu’au prix d’une véritable humilité. De celle-ci la première preuve sera de laisser aux anciens le jugement de toutes ses actions et de ses pensées elles-mêmes, de telle sorte qu’on ne se fie en rien à son sens propre, mais qu’en toutes choses on acquiesce à leurs décisions, et que l’on ne veuille connaître que de leur bouche ce qu’il faut tenir comme bon et ce qu’il faut regarder comme mauvais… En effet, une mauvaise pensée produite au jour perd aussitôt son venin. Avant même que le Père spirituel ait rendu son arrêt, le serpent redoutable, que cet aveu a, pour ainsi dire, arraché de son antre souterrain et ténébreux pour le jeter à la lumière et donner sa honte en spectacle, s’empresse de battre en retraite ; et ses suggestions pernicieuses n’ont sur nous d’empire qu’autant qu’elles demeurent cachées au fond du cœur »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#pnote-81-6" id="rev-pnote-81-6">6</a>]</sup>.</p>
<h4>La garde du cœur, « moyen court » pour le salut</h4>
<p>La lutte contre les pensées est d’une extrême importance dans la vie spirituelle, car l’homme peut épuiser son corps par les jeûnes, les veilles et les travaux de toutes sortes, observer scrupuleusement toutes les règles extérieures de l’Église et du monachisme, et rester cependant ballotté par de multiples pensées et imaginations qui le font tomber finalement soit dans l’orgueil, soit dans la fornication, soit dans la perte de la foi en Dieu et dans le désespoir.</p>
<p>C’est en ce sens que la voie hésychaste est un « moyen court et facile » qui conduit au salut « sans peine et sans douleur », comme le disait le staretz du Pélerin russe. Cela ne signifie pas qu’elle ne demande pas d’effort ; bien au contraire ; mais elle nous évite beaucoup de peines inutiles et de pertes de temps en mesurant exactement l’effort au but poursuivi.
Il ne faut jamais oublier que nous devons tendre à une entière désappropriation de l’usage de nos facultés – sensibilité, mémoire, intelligence, volonté – pour que celles-ci deviennent de plus en plus disponibles à la motion intérieure de l’Esprit-Saint, en sorte que ce ne soit plus nous qui vivions, mais le Christ en nous.</p>
<p>Pour cela, il nous faut imposer silence à toutes les rêveries de notre imagination, à toutes les réactions de notre sensibilité et de notre susceptibilité, à toutes les explications, interprétations et théories que notre raison veut élaborer à propos de tout. Nous devons briser contre le Christ toutes ces constructions de notre imagination et de notre esprit, c’est-à-dire leur opposer l’aveu de notre péché et le recours incessant à la miséricorde du Seigneur Jésus et à la puissance de son Nom.</p>
<p>Dans la vie courante, assurément, nous devons appliquer notre attention cl notre réflexion aux tâches concrètes qui nous incombent et à tout ce qui engage notre responsabilité. Encore faut-il le faire sans inquiétude ni angoisse. Et la fuite de toute évasion dans le subjectif, l’imaginaire et l’irréel ne pourra que favoriser ce réalisme efficace, qui nous maintient dans l’humble accomplissement de la volonté de Dieu.
La garde du cœur, la sobriété spirituelle, impliquent que le guide de notre agir soit essentiellement notre conscience éclairée par la foi en la Parole de Dieu, la Tradition de l’Église et les directives de nos supérieurs et de nos Pères spirituels. Et en présence d’événements et de circonstances qui ne dépendent pas de nous, la patience et l’abandon à l’égard de tout ce que Dieu permet, sans murmure ni récrimination, gardera notre âme dans lu paix et laissera à l’action divine toute liberté de s’exercer, en nous et dans le monde, d’une façon qui ne peut que déconcerter nos idées et nos projets.</p>
<p>Les Pères enseignent en effet que se confier en soi-même et se croire capable de discerner mieux qu’autrui ce qui nous convient est le plus fondamental de tous les obstacles dans la vie spirituelle « Pour ma part, dit saint Dorothée, je ne connais aucune chute de moine qui n’ait été causée par la confiance en soi. Certains disent : L’homme tombe à cause de ceci, à cause de cela. Mais moi, je le répète, je ne connais pas de chute qui soit arrivée pour une autre raison que celle-là. Vois-tu quelqu’un tomber ? Sache qu’il s’est dirigé lui-même. Rien n’est plus grave que de se diriger soi-même, rien n’est plus fatal »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#pnote-81-7" id="rev-pnote-81-7">7</a>]</sup>.</p>
<h4>L’invocation au Christ</h4>
<p>Dès que la nature mauvaise d’une pensée est reconnue, il faut la combattre. Mieux vaut ne pas entamer la discussion avec elle, mais couper court dès le stade de la simple suggestion, sans attendre qu’elle ait pris de la force et éveillé des complicités dans notre cœur. Et puisque la tentation se manifeste sous la forme d’un attrait, seul un plus grand amour, un attrait plus puissant, suscité dans notre cœur par l’Esprit-Saint, pourra nous permettre de nous élever au-dessus d’elle et d’en triompher. Nous ne vaincrons la « tentation de faire le mal » qu’en lui opposant la « tentation de faire le bien », inspirée par l’Esprit. Aussi l’arme principale du moine en ce combat sera-t-elle le recours confiant, inlassablement repris, au Christ ressuscité, vainqueur de Satan. C’est ainsi que nous devons saisir, à peine formés dans la pensée, les rejetons du diable – les petits enfants de Babylone, selon l’image du Psaume 136 – pour les briser contre le Roc, qui est le Christ<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#pnote-81-8" id="rev-pnote-81-8">8</a>]</sup>.</p>
<p>« Gardez votre esprit avec l’attention la plus intense, écrit Philothée le Sinaïte. Dès que vous remarquez une pensée, résistez-lui sans attendre, et en même temps hâtez-vous d’invoquer le Christ Notre-Seigneur pour qu’il exerce sa vengeance. Vous n’aurez pas fini de l’invoquer que le doux Jésus vous dira : <em>Me voici près de toi pour te secourir</em>. Lorsque votre prière aura subjugué vos ennemis, à nouveau prêtez attention à votre esprit. Des vagues arriveront alors et se rueront sur vous, les unes plus puissantes que les autres. Votre âme ballottée sera menacée de couler. Mais Jésus est Dieu, et, à l’appel de ses disciples, il commandera aux souffles du mal »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#pnote-81-9" id="rev-pnote-81-9">9</a>]</sup>.</p>
<p>Cette invocation au Christ peut revêtir différentes formes : simple signe de croix, regard vers le crucifix, vrai serpent d’airain capable de nous guérir des morsures des serpents du désert, invocation du nom de Jésus… Et le Seigneur nous exaucera en fortifiant son amour dans notre cœur. De plus en plus, notre invocation s’intériorisera, en viendra à s’identifier avec l’attrait vers Dieu éprouvé en écho au fond de notre cœur, et dont l’effet sera de nous rendre inaccessibles aux sollicitations du Malin. Et le moine entrera alors, toujours davantage, dans cette prière incessante où nous avons reconnu le plein accomplissement de la nouvelle création du cœur inaugurée au baptême.</p>
<div class="footnotes"><h4 class="footnotes-title">Notes</h4>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#rev-pnote-81-1" id="pnote-81-1">1</a>] Extrait de : <strong>Nous avons vu la vraie Lumière</strong>, <a href="http://www.pagesorthodoxes.net/foi-orthodoxe/temoignage-placide-deseille.htm" hreflang="fr" title="Témoignage : étapes d'un pèlerinage vers l'Orthodoxie">père Placide Deseille</a>, <a href="http://www.lagedhomme.com/boutique/fiche_produit.cfm?ref=2-8251-0019-6&type=33&code_lg=lg_fr&num=1" hreflang="fr">L’Âge d’Homme</a></p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#rev-pnote-81-2" id="pnote-81-2">2</a>] Martyrius (Sahdona), <em>Le livre de la perfection</em> ; CSCO 201, p. 28-29</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#rev-pnote-81-3" id="pnote-81-3">3</a>] <em>Apophtègmes</em>, Evagre, 5 ; Régnault, 93</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#rev-pnote-81-4" id="pnote-81-4">4</a>] cf. 2 Co., 11, 14</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#rev-pnote-81-5" id="pnote-81-5">5</a>] Cf. <em>Pasteur d’Hermas</em>, Pr., VI, 2, 1; S. ATHANASE, <em>Vie de St Antoine</em>, ch. 35-36 ; trad. Lavaud, p. 46-48. Cf. aussi la <em>Vie de S. Maxime le capsocalyvite</em>, dans l’<em>Évangile au désert</em>, p. 260 – 262</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#rev-pnote-81-6" id="pnote-81-6">6</a>] St Cassien, Conférences, II, 10 ; SC 42, p. 120</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#rev-pnote-81-7" id="pnote-81-7">7</a>] St Dorothée de Gaza, <em>Instructions</em> Instructions, 5, 66 ; SC 92, p. 259</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#rev-pnote-81-8" id="pnote-81-8">8</a>] St Benoit, <em>Règle</em>, Prol, et ch. 4, 50 ; Turnhout, 1987, p. 7 et 26</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/St-Cassien-la-garde-du-c%C5%93ur2#rev-pnote-81-9" id="pnote-81-9">9</a>] Philothée le Sinaïte, <em>Sur la sobriété</em>, 26 ; dans Gouillard, <em>op. cit.</em>, p. 151</p></div>
La croissance de la vie dans le Christ - 2/2urn:md5:31221f1a854598c80b46fdcd043d42c82013-04-16T06:00:00+02:002013-04-16T06:00:00+02:00nkSpiritualitéapathéiacombat spirituelgarde du cœurGrégoire PalamashésychiaJean CassienMacaire d ÉgyptepraxisPrière du cœurthéôria <p><a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2">[…]</a></p>
<h4>La pureté du cœur, porte de la contemplation<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-1" id="rev-pnote-83-1">1</a>]</sup></h4>
<p>La phase active de la vie spirituelle est moins une étape provisoire devant être définitivement dépassée un jour, qu’un aspect fondamental de cette vie, auquel nous devrons revenir simplement, lorsque le besoin s’en fera sentir. Néanmoins, si nous nous efforçons généreusement de pratiquer les commandements du Seigneur, nous obtiendrons peu à peu la « pureté du cœur », qui est un don gratuit de Dieu. Nous découvrirons peu à peu en nous, dans une zone de notre être plus profonde que l’affectivité sensible, dans le « lieu du cœur », un attrait spontané, constant et fort, vers la charité, le don de soi, l’humilité, l’obéissance et toutes les vertus chrétiennes ; nous entendrons sourdre en nous comme une eau vive qui murmure : « Viens vers le Père »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-2" id="rev-pnote-83-2">2</a>]</sup>. Nous nous sentirons attirés à nous reposer et à nous complaire en ces attraits divins, et nous découvrirons comme d’instinct la manière de les mettre en œuvre dans les circonstances concrètes de notre vie, sans qu’il soit besoin de multiplier les considérations, les raisonnements et les efforts de volonté. La crainte du châtiment, les motifs plus ou moins intéressés, céderont la place à la crainte filiale de l’homme qui, « ayant goûté la douceur d’être avec Dieu, redoute de la perdre »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-3" id="rev-pnote-83-3">3</a>]</sup>.</p>
<p>Nous accéderons ainsi à un amour du Christ beaucoup plus authentique et plus profond. Dans les débuts, nous l’aimions, dans nos moments de ferveur sentie, un peu comme un adolescent s’enthousiasme pour un héros séduisant, réel ou imaginaire<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-4" id="rev-pnote-83-4">4</a>]</sup> ; et quand la sécheresse venait, nous l’aimions en quelque sorte « par devoir ». Maintenant, ce que nous aimons et goûtons en lui, c’est ce qu’il est véritablement en sa réalité divino-humaine : car ces instincts divins, ces vertus toutes pénétrées de charité dans lesquelles nous nous complaisons au plus intime de nous-même, ne sont rien d’autre que la vie divine du Christ présent en nous, et comme les traits lumineux de son visage, révélés en notre cœur par l’Esprit-Saint.</p>
<p>Cet état spirituel correspond à ce que les anciens auteurs monastiques de tradition grecque appelaient <em>apathéia</em> (littéralement : impassibilité). Mais cette <em>apathéia</em> chrétienne n’est plus l’extinction des passions – désir, crainte, joie, tristesse, etc. – que prônaient les stoïciens ; il s’agit d’une rectification et d’une intégration de ces mouvements de notre psychisme, dont l’effet est de mettre toutes leurs énergies au service de l’amour de Dieu et du prochain, et non plus au service de notre égoïsme et de notre soif de jouir. Comme l’écrivait saint Grégoire Palamas : « l’impassibilité ne consiste pas à faire mourir la partie passionnée de l’âme, mais à la transférer du mal vers le bien, à la diriger, dans sa constitution même, vers les choses divines… Il faut donc offrir à Dieu la partie passionnée de l’âme, vivante et agissante, afin qu’elle soit un sacrifice vivant… Dirige, est-il dit en effet, tout ton désir vers Dieu ; que ta colère frappe le seul serpent. Comment ces puissances de l’âme seraient-elles mortes ? Y aurait-il alors des hommes qui s’élanceraient dans l’élan divin, lors de leurs prières vers Dieu, ou se dresseraient contre le serpent lors de ses attaques ? »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-5" id="rev-pnote-83-5">5</a>]</sup></p>
<p>La tempérance et la chasteté rectifient nos puissances de désir ; la charité envers le prochain purifie notre agressivité ; l’humilité guérit la partie raisonnable de l’âme de ses vices : vaine gloire, orgueil, esprit de domination, curiosité intellectuelle et témérité doctrinale. Finalement, selon saint Isaac le Syrien, la pureté du cœur se résume dans un esprit de miséricorde universelle : « En quoi consiste, en peu de mots, la pureté ? En un cœur plein de miséricorde pour toute la création… Et qu’est-ce qu’un cœur miséricordieux ? Un cœur embrasé pour toute la création, les hommes, les oiseaux, les animaux, les démons, et tout ce qui existe, de telle sorte que, lorsqu’il les voit ou qu’il y pense, ses yeux s’emplissent de larmes à cause de la violence de la miséricorde qui émeut ce cœur d’une grande compassion. Alors, le cœur s’attendrit, et il ne peut plus supporter – qu’il en entende parler ou qu’il en soit témoin – le moindre tort ou la moindre souffrance infligés à une créature quelconque. Et c’est pourquoi, même en faveur des ennemis de la foi ou des êtres privés de raison, ou encore de ceux qui lui font du tort, il offre sans cesse des prières accompagnées de larmes pour qu’ils soient protégés et fortifiés. Il le fait même en faveur des reptiles, en raison de la grande compassion qui emplit son cœur, sans mesure, à l’exemple de Dieu »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-6" id="rev-pnote-83-6">6</a>]</sup>.</p>
<h4>La contemplation chrétienne</h4>
<p>« Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-7" id="rev-pnote-83-7">7</a>]</sup>. La pureté du cœur est le seuil de la phase contemplative de la vie spirituelle. Lorsque la charité est bien éveillée dans l’âme par l’action de l’Esprit-Saint, notre connaissance de Dieu dépasse en quelque façon le mode des notions et des concepts. Aux affirmations de la foi correspond désormais quelque chose qui est éprouvé au fond du cœur. Dieu est amour, et la charité répandue dans notre âme nous donne d’expérimenter en nous-même quelque chose des inclinations de son cœur ; c’est en ce sens que les cisterciens du XIIe siècle pouvaient enseigner que « l’amour lui-même devient connaissance », <em>amor ipse intellectus est</em><sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-8" id="rev-pnote-83-8">8</a>]</sup>.</p>
<p>La contemplation chrétienne n’est donc pas une connaissance intellectuelle supérieure, mais une expérience de la présence divinisante du Christ et de son Esprit en nous. Aussi les anciens auteurs spirituels parlent-ils volontiers à ce propos de « douceur », de « chaleur » intérieures, d’<em>affectus</em> et de <em>fruitio</em>. Mais ce sentir spirituel est d’un tout autre ordre que les consolations sensibles des débutants. C’est pourquoi les mêmes auteurs insistent sur la mesure qui doit toujours accompagner la vraie ferveur spirituelle ; l’ivresse que suscite la venue de l’Esprit-Saint est une « sobre ivresse ». Toujours, ils se sont montrés d’une extrême réserve à l’égard des exubérances trop enthousiastes, des « visions », des « révélations », et, d’une façon générale, de toutes les formes d’exaltation religieuse procédant d’une sensibilité que la grâce n’a pas encore recréée en ses racines.</p>
<p>À la contemplation, la tradition spirituelle associe souvent les larmes. Larmes silencieuses et paisibles, qui ne procèdent pas d’un émoi superficiel de la sensibilité, mais qui témoignent de la transfiguration des profondeurs de l’âme et de l’être tout entier par la grâce. « Baptême dans l’Esprit-Saint », qui n’est pas un doublet charismatique du sacrement, mais qui donne l’assurance expérimentale de la pleine purification intérieure et manifeste le plein épanouissement des réalités divines dont le baptême sacramentel présentait l’image et conférait le germe. Ces larmes sont « la surabondance et le débordement de la rosée versée d’en-haut, dans l’intime de l’âme, et une ablution de l’homme extérieur destinée à manifester la purification de l’homme intérieur ; ainsi, alors que, dans le baptême des enfants, l’ablution extérieure signifie et annonce la purification intérieure, ici, au contraire, la purification intime précède l’ablution extérieure. Ô heureuses larmes, par lesquelles sont purifiées les souillures intimes et éteint l’incendie des péchés ! Bienheureux, vous qui pleurez ainsi, car vous rirez<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-9" id="rev-pnote-83-9">9</a>]</sup> »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-10" id="rev-pnote-83-10">10</a>]</sup></p>
<p>L’illumination intérieure, la chaleur du cœur, les larmes, sont ainsi les signes de la restauration de la ressemblance divine, de la déification. La volonté de la créature est alors véritablement « mêlée » à celle de Dieu, selon l’expression des Pères, et l’être entier participe à la nature divine « L’Esprit-Saint pénètre la volonté de l’homme, dit Aelred de Rievaulx, l’élevant des choses terrestres vers les choses d’en-haut, et il la transforme en lui donnant mode et qualité divins ; adhérant à Dieu, indissolublement agglutinée à lui, la volonté de l’homme ne fait plus qu’un esprit avec lui Celui qui adhère au Seigneur devient un esprit avec lui<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-11" id="rev-pnote-83-11">11</a>]</sup> »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-12" id="rev-pnote-83-12">12</a>]</sup>. Et saint Grégoire Palamas : « Ainsi, le don déifiant de l’Esprit est une mystérieuse lumière et transforme en lumière ceux qui reçoivent sa richesse… Ainsi Paul, selon saint Maxime (le Confesseur), ne vivait plus d’une vie créée, mais d’une vie éternelle qui appartenait à celui qui était venu habiter en lui »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-13" id="rev-pnote-83-13">13</a>]</sup>.</p>
<h4>Degrés et aspects de la contemplation</h4>
<p>Un premier aspect de la contemplation consiste dans la façon dont une âme profondément purifiée considère les réalités créées. Lorsque l’âme est suffisamment purifiée et pacifiée, la considération des créatures, au lieu d’éveiller en elle un appétit de jouissance égoïste ou de la « distraire », lui révèle Dieu. Elle possède une sorte de tact surnaturel qui lui fait découvrir les intentions créatrices qui s’expriment dans la nature et lui donne de percevoir dans les événements comme une parole que Dieu lui adresse personnellement.</p>
<p>Pour celui dont le cœur a été purifié par la force du Christ ressuscité, le monde entier devient comme un immense « buisson ardent » où transparaît la gloire de Dieu. Par son ascèse, le moine libère ainsi la création de la vanité à laquelle elle avait été soumise contre son gré, il la transfigure par la croix qu’il a prise sur ses épaules, et, en l’immolant ainsi mystiquement par son propre renoncement, il restaure, dans le Christ, la liturgie cosmique dont le premier Adam devait être le prêtre. Il perçoit que « tout soupire et tend vers la liberté des enfants de Dieu »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-14" id="rev-pnote-83-14">14</a>]</sup>, que la création entière est ainsi traversée d’un mystérieux mouvement qui correspond à celui que l’Esprit a inscrit dans son cœur, et qu’ainsi, « la prière intérieure est dans tous et en tout »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-15" id="rev-pnote-83-15">15</a>]</sup>.</p>
<p>En même temps, le regard spirituel qui s’est éveillé en lui, lui permet, dans la lecture de l’Écriture Sainte, de ne plus s’arrêter à l’écorce historique, anecdotique, des faits du passé, mais d’y découvrir la Parole de Dieu toujours actuelle, adressée à lui personnellement. Dans l’histoire du Peuple de Dieu, il lit l’histoire des interventions de Dieu dans sa propre vie, et dans la vie de l’Église entière. Les rites liturgiques s’éclairent pour lui de la même façon. En tout, il dépasse comme d’instinct la superficie des choses et leur attrait purement humain et sensible, pour y découvrir et y goûter la présence agissante de Dieu et le reflet de son visage.</p>
<p>Néanmoins, ce n’est pas cette contemplation de Dieu dans l’Écriture, la création ou les événements, qui constitue le sommet de l’expérience chrétienne dans l’Esprit. Au-delà de cette « contemplation de la nature » (<em>théoria physiké</em>), se situe ce qu’Évagre appelait la « connaissance essentielle » (<em>gnôsis ousiôdès</em>), et saint Cassien la « prière pure ». L’homme est alors si profondément saisi par Dieu, dont il expérimente la présence intime au-delà de tout discours intérieur, dans le silence des images et des concepts, qu’il est comme arraché au monde présent (excessus), et – sans jamais perdre sa distinction personnelle – dépouillé de toute l’opacité de son « moi » charnel, de son individualité, pour entrer dans une union ineffable avec les Personnes de la Sainte Trinité.</p>
<p>Ces visites de l’Esprit-Saint comportent d’ailleurs bien des degrés et bien des modes. « Il arrive, dit saint Isaac le Syrien, que les paroles prennent une suavité singulière dans la bouche, et que l’on répète interminablement le même mot sans qu’un sentiment de satiété vous fasse aller plus loin »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-16" id="rev-pnote-83-16">16</a>]</sup>. Et saint Cassien : « Souvent, c’est par une joie ineffable et par des transports que se révèle la présence salutaire de la componction, tellement l’immensité même de la joie la rendent intolérable… Parfois, au contraire, toute l’âme descend et se tient cachée en des abîmes de silence ; la soudaineté de la lumière la saisit et lui ôte la parole ; tous ses sens demeurent retirés au fond d’elle-même ou complètement suspendus ; et c’est par des gémissements inénarrables<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-17" id="rev-pnote-83-17">17</a>]</sup> qu’elle épanche devant Dieu ses désirs. Quelquefois, enfin, elle étouffe à ce point de componction et de douleur, que les larmes seules sont capables de la soulager »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-18" id="rev-pnote-83-18">18</a>]</sup>. « Une autre fois, dit saint Macaire d’Egypte, ceux-là gémissent et se lamentent, pour ainsi dire, au sujet du genre humain, implorant Dieu pour toute la descendance d’Adam. S’ils sont ainsi en deuil et en larmes, c’est qu’ils brûlent de l’amour de l’Esprit<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-19" id="rev-pnote-83-19">19</a>]</sup> pour l’humanité. Puis de nouveau l’Esprit produit en eux une telle allégresse et un tel élan de charité qu’ils voudraient, si c’était possible, enfermer dans leur cœur tous les hommes, sans distinction de bons et de mauvais. À un autre moment, l’Esprit-Saint leur inspire une telle humilité par rapport aux autres hommes, qu’ils se tiennent pour les tout derniers et les plus insignifiants. Après cela, l’Esprit les fait de nouveau vivre dans une joie ineffable »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-20" id="rev-pnote-83-20">20</a>]</sup>.</p>
<h4>La prière continuelle</h4>
<p>Plus encore qu’à une expérience transitoire, si lumineuse soit-elle, la recréation du cœur par l’Esprit-Saint conduit l’homme à un état de prière constante. Par lui-même, l’homme peut prier fréquemment, renouveler souvent des actes explicites de prière ; mais cela n’est pas encore la véritable prière continuelle. Celle-ci, qui s’identifie à la « prière du cœur» au sens plein du mot, et n’est qu’une forme diffuse de la prière contemplative, est un don gratuit de l’Esprit-Saint. Elle implique que l’emprise de la charité sur l’âme soit devenue si profonde et si universelle que toutes ses actions et ses attitudes en procèdent comme spontanément. Toute la vie devient alors prière, parce qu’elle est entièrement orientée vers Dieu, sans nulle recherche d’amour-propre, autant qu’il est possible ici-bas à la faiblesse humaine. L’aspiration vers Dieu que l’Esprit a inscrite dans notre cœur et à laquelle nous adhérons alors entièrement, inspire toute notre activité, et, en toutes choses, notre cœur ne recherche et ne goûte plus que la saveur de Dieu. Saint Isaac le Syrien enseigne que « lorsque l’Esprit établit sa demeure dans un homme, celui-ci ne peut plus s’arrêter de prier, car l’Esprit ne cesse pas de prier en lui. Qu’il dorme ou qu’il veille, la prière ne se sépare pas de son âme… Les mouvements de l’esprit purifié sont des voix muettes qui chantent dans le secret cette psalmodie à l’Invisible »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-21" id="rev-pnote-83-21">21</a>]</sup>.</p>
<h4>La loi du progrès sans fin</h4>
<p>Entre les divers degrés de la vie spirituelle, tel qu’ils viennent d’être esquissés, il ne faudrait pas établir de distinctions trop accusées. Dans une certaine mesure, il s’agit moins d’étapes successives que des divers aspects d’une croissance vitale. Il faut surtout en retenir, d’une part, que l’union profonde avec Dieu, l’expérience de l’effusion de l’Esprit, doit être préparée et soutenue par le long combat spirituel de la « vie active », et, d’autre part, que notre vie dans le Christ est essentiellement progressive. « La perfection en cette vie, comme le dit l’Apôtre<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-22" id="rev-pnote-83-22">22</a>]</sup>, n’est pas autre chose que l’oubli du chemin parcouru pour s’étendre, par une tension de tout soi-même, vers ce qui est en avant »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-23" id="rev-pnote-83-23">23</a>]</sup>.</p>
<p>Comme l’enseignait saint Macaire d’Égypte, quiconque a savouré, ne fût-ce qu’un peu, la douceur de la charité, désire par là même davantage. Le juste ne croit jamais avoir atteint le but, jamais il ne dit : « Cela suffit », mais il est toujours travaillé par la faim et la soif de la justice. Ne pas vouloir progresser serait déchoir<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#pnote-83-24" id="rev-pnote-83-24">24</a>]</sup>.</p>
<div class="footnotes"><h4 class="footnotes-title">Notes</h4>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-1" id="pnote-83-1">1</a>] Extrait de : <strong>Nous avons vu la vraie Lumière</strong>, <a href="http://www.pagesorthodoxes.net/foi-orthodoxe/temoignage-placide-deseille.htm" hreflang="fr" title="Témoignage : étapes d'un pèlerinage vers l'Orthodoxie">père Placide Deseille</a>, <a href="http://www.lagedhomme.com/boutique/fiche_produit.cfm?ref=2-8251-0019-6&type=33&code_lg=lg_fr&num=1" hreflang="fr">L’Âge d’Homme</a></p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-2" id="pnote-83-2">2</a>] St Ignace d’Antioche, <em>Aux RomaIns</em>, 7, 1 ; SC 10, p. 135-137</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-3" id="pnote-83-3">3</a>] St Dorothée de Gaza, <em>Instructions</em>, IV, 47 ; SC 92, p. 221</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-4" id="pnote-83-4">4</a>] Cf. Aelred de Rievaulx, <em>Miroir de la charité</em>, II, 17 ; PL 195, 565 D</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-5" id="pnote-83-5">5</a>] St Grégoire Palamas, <em>Défense des saints hésychastes</em>, II, 2, 22 ; éd. Meyendorff, p. 360, 362, 368</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-6" id="pnote-83-6">6</a>] St Isaac le Syrien, <em>Mystic treatises</em> ; Wensinck, p. 341</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-7" id="pnote-83-7">7</a>] Mt, 5, 8</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-8" id="pnote-83-8">8</a>] Cf. Dom J-M. Déchanet, <em>Introduction à Guillaume de Saint-Thierry</em>, <em>Méditations et prières, Bruxelles, 1945, p. 45-70 ; L. Bouyer, </em>La spiritualité de Cîteaux”, Paris, 1955, p. 151-152</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-9" id="pnote-83-9">9</a>] Mt, 5, 5</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-10" id="pnote-83-10">10</a>] Guigues II le Chartreux, <em>L’Échelle des cloîtriers</em>, 7 ; dans <em>L’Évangile au désert</em>, Paris, 1985, p. 346</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-11" id="pnote-83-11">11</a>] 1 Co., 6, 17</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-12" id="pnote-83-12">12</a>] Aelred de Rievaulx, <em>Miroir de la charité</em>, II, 18 ; PL 195, 566 C</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-13" id="pnote-83-13">13</a>] StGrégoire Palamas, <em>Défense des saints hésychastes</em>, III, 1, 35-36 ; trad. Meyendorff, 11, p. 626</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-14" id="pnote-83-14">14</a>] Rm., 8, 19-20</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-15" id="pnote-83-15">15</a>] Récits d’un pèlerin à son père spirituel, trad. Jean Laloy, Paris, 1973, p. 77</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-16" id="pnote-83-16">16</a>] Isaac le Syrien, <em>Mystic treauses</em> ; Wensinck, p. 112</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-17" id="pnote-83-17">17</a>] cf. Rm., 8, 26</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-18" id="pnote-83-18">18</a>] St Cassien, <em>Conférences</em>, IX, 27 ; SC 54, p. 63</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-19" id="pnote-83-19">19</a>] cf. Rm., 15, 30</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-20" id="pnote-83-20">20</a>] St Macaire d’Égypte, <em>Homélies spirituelles</em>, 18, 8 ; éd. Dörries, p. 180</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-21" id="pnote-83-21">21</a>] St Macaire d’Égypte, <em>Homélies spirituelles</em>, 18, 8 ; éd. Dörries, p. 180</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-22" id="pnote-83-22">22</a>] cf. Ph., 3, 13</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-23" id="pnote-83-23">23</a>] St Augustin, <em>De Trinitate</em>, IX, 1, 1 ; PL 42, 960-961</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2#rev-pnote-83-24" id="pnote-83-24">24</a>] St Macaire d’Égypte, <em>Homélies spirituelles</em>, trad. Pl. Deseille, Introduction, p. 48-49</p></div>
La croissance de la vie dans le Christ - 1/2urn:md5:fc48079f463b5455998dc9bed9fbd5c82013-04-15T06:00:00+02:002013-04-15T13:03:07+02:00nkSpiritualitécombat spiritueldéificationgarde du cœurGrégoire PalamasJean CassienJean Climaquepraxissacrement <h4>Grâce sacramentelle et effort personnel<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#pnote-82-1" id="rev-pnote-82-1">1</a>]</sup></h4>
<p>Le fondement de notre vie dans le Christ est le sacrement de baptême, ou, plus exactement, l’ensemble des trois sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, chrismation et eucharistie, que l’usage antique ne séparait pas. C’est par le baptême que s’accomplit la mort du vieil homme et la prise de possession de notre être par le Christ ressuscité. Le baptême nous délivre de l’emprise de Satan, nous fait mourir au péché et fait de nous des fils de Dieu, rendus participants de sa nature. La chrismation scelle l’œuvre accomplie au baptême en nous donnant la force de l’Esprit-Saint pour agir selon l’être nouveau qui nous y a été conféré ; elle nous arme en vue des luttes de l’ascèse et du témoignage à porter dans l’Église. L’eucharistie enfin est le symbole efficace de la consommation de l’union nuptiale de l’Église et de chaque être avec le Christ, et de l’unité de tous dans son Corps.</p>
<p>Cependant, les sacrements ne remplacent pas l’effort personnel de l’homme ; au contraire, ils l’exigent, en le suscitant et en le soutenant. Ils ne nous confèrent pas la vie nouvelle en son état achevé : leur grâce propre est comparable à une semence qui doit germer et porter du fruit, par notre libre coopération. Comme l’explique saint Maxime le Confesseur : « Le saint Apôtre nous dit que le Christ habite en nos cœurs par la foi et que, d’autre part, tous les trésors de la sagesse et de la connaissance sont cachés en lui<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#pnote-82-2" id="rev-pnote-82-2">2</a>]</sup> ; par conséquent, tous ces trésors sont dans nos cœurs, mais cachés : ils ne se révèlent au cœur que dans la mesure où chacun se purifie par les commandements »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#pnote-82-3" id="rev-pnote-82-3">3</a>]</sup>.</p>
<p>Aussi le chrétien doit-il prendre sa croix et suivre le Christ, afin de réaliser personnellement le mystère sacramentel par le libre consentement de sa liberté aux exigences de Dieu, exprimées à la fois par les commandements de la loi évangélique et par les sollicitations intérieures de l’Esprit-Saint. C’est en obéissant à ces commandements, c’est aussi en faisant de la souffrance et de la mort assumées volontairement et non plus subies par contrainte, le signe de son renoncement à tout égoïsme et de son amour filial pour le Père et fraternel pour tous les hommes, que le chrétien fera passer toujours davantage dans le détail quotidien de son existence le mystère de mort et de vie auquel il a été initié dans la célébration sacramentelle. Pour être vraiment nôtre, la sainteté à laquelle nous avons été appelés doit être le fruit de la constante synergie (coopération) de notre volonté libre et de la grâce divine. C’est pourquoi elle sera progressive, elle comportera des degrés et des étapes que les maîtres spirituels se sont toujours appliqués à discerner, car les âmes devront être guidées d’une manière différente selon le stade où elles se trouvent.</p>
<h4>La phase active de la vie spirituelle</h4>
<p>Le baptême délivre l’homme de la captivité du démon et lui confère le germe de la vie nouvelle ; mais il laisse subsister en lui la concupiscence, l’attrait désordonné vers les satisfactions égoïstes. Certes, cet appétit des jouissances terrestres n’a plus le caractère nécessitant de la « loi du péché » qui entraînait irrésistiblement vers le mal l’homme non racheté ; l’Esprit-Saint qui habite en son cœur éveille déjà en lui une attirance surnaturelle vers Dieu et les choses de Dieu qui le fortifie contre les séductions de l’amour-propre et des plaisirs sensibles, et lui permet d’y résister victorieusement.</p>
<p>Néanmoins, durant les premières phases de la vie spirituelle, l’attrait pour les réalités de ce monde reste trop vif encore, et l’attirance de l’Esprit-Saint se situe en des profondeurs trop secrètes pour que l’âme puisse prendre conscience de cette motion divine. Ordinairement, la volonté de Dieu lui apparaît plutôt comme une loi qui s’impose à l’homme de l’extérieur, et à laquelle il se soumet en faisant violence à ses tendances spontanées, dont la source demeure impure. Malgré sa présence en lui de l’Esprit-Saint, secrètement agissant, le chrétien en est encore, au plan de la conscience psychologique, à un régime d’extériorité qui rappelle le climat de l’Ancienne Alliance plus que celui de la Loi nouvelle inscrite dans les cœurs. Les anciens maîtres spirituels estimaient généralement qu’à ce stade où l’amour de Dieu n’a pas encore pris toute sa force dans l’âme, la pensée de la mort, la crainte du jugement et l’espérance des récompenses divines, gardaient un rôle nécessaire et important pour maintenir l’homme en état de conversion et stimuler son énergie. Ces motifs, tout imparfaits qu’ils soient, aident à dépasser les raisons purement humaines de faire le bien et d’éviter le mal, et permettent d’accéder déjà à une existence plus personnelle. « Un ancien a dit : L’homme qui a continuellement la mort devant les yeux vainc la peur de l’effort »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#pnote-82-4" id="rev-pnote-82-4">4</a>]</sup> ; et : « Les Pères ont dit qu’un homme acquiert la crainte de Dieu en se souvenant de la mort et des châtiments, en examinant chaque soir comment il a passé la journée et chaque matin comment il a passé la nuit »
<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#pnote-82-5" id="rev-pnote-82-5">5</a>]</sup>.</p>
<p>Parfois, la grâce éveillera dans le débutant une ferveur sensible qui l’aidera dans la lutte. Mais, parce que sa sensibilité n’est pas encore assez purifiée, il subsiste ordinairement dans cette ferveur beaucoup de recherche subtile et inconsciente de soi-même. Nous formons alors des rêves généreux de sainteté où l’amour-propre trouve à se satisfaire, mais nous prêtons moins d’attention aux exigences concrètes et très humbles du moment présent, et nous risquons d’être sévères dans nos jugements sur le prochain. Il importe alors de ne pas nous abandonner sans discernement aux mouvements intérieurs et aux attraits que nous ressentons, fussent-ils forts et persistants ; nous devons nous en remettre, avec une âme entièrement détachée et disponible, au conseil d’un Père spirituel, sans nous imaginer connaître mieux que lui ce qui nous est utile.</p>
<p>Le retrait de ces consolations sensibles est d’ailleurs un aspect de la pédagogie divine ; il contribue à enraciner l’âme plus fermement dans le bien et à la faire passer du stade de l’amour sensible à un amour plus spirituel et plus stable. C’est aussi le sens de toutes les tentations ou épreuves, quelles qu’en soient les formes concrètes : difficultés de l’obéissance, de la vie en communauté, tentations de la chair, épreuve de la solitude, acédie, échecs, maladies. Leur but est de faire prendre conscience à l’homme de son état de pécheur, de le détacher de sa volonté propre, de lui faire perdre sa confiance en lui-même, pour lui apprendre progressivement à tout attendre de Dieu seul, à ne compter que sur sa grâce.</p>
<p>Plus importantes pour notre progrès spirituel que la ferveur sensible, toujours ambiguë, seront les instants, encore fugitifs, où nous nous sentirons soudain, au cours d’une lecture, à l’office, dans l’oraison, après un acte de renoncement ou en toute autre occasion, ramenés soudain au fond de notre cœur par une touche intime de l’Esprit-Saint. Ces visites divines sont vraiment « le temps favorable, le jour du salut »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#pnote-82-6" id="rev-pnote-82-6">6</a>]</sup>, où il convient non plus de produire des actes réfléchis et délibérés, mais d’écouter ce que le Seigneur dit au-dedans de nous, par les impressions et les mouvements qu’il suscite en notre cœur. Il suffit alors d’adhérer paisiblement et silencieusement à ces inspirations, qui nous incitent toujours à renoncer à tout esprit propre et à nous livrer sans réserve à sa volonté à travers toutes ses manifestations.</p>
<p>En dehors de ces instants où la grâce nous ramène elle-même à notre cœur, nous devrons faire continuellement violence, sans raideur ni crispation, non seulement à nos mauvais instincts, mais encore à certaines de nos tendances spontanées les plus légitimes, lesquelles pourraient cependant entraver plus ou moins notre don total au Christ. Il ne peut exister de vraie vie spirituelle sans cette grande énergie dans le combat et cette violence évangélique <sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#pnote-82-7" id="rev-pnote-82-7">7</a>]</sup> : « Un ancien a dit : Se faire violence en tout, telle est la voie de Dieu et le travail du moine »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#pnote-82-8" id="rev-pnote-82-8">8</a>]</sup> et saint Jean Climaque définit la vie monastique : « Une violence continuelle faite à la nature »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#pnote-82-9" id="rev-pnote-82-9">9</a>]</sup>.</p>
<p>Tel doit être le régime de notre vie spirituelle tant que notre cœur n’est pas encore vraiment purifié. Vouloir faire l’économie de cette phase active et de ces exigences serait construire notre édifice sur de l’imaginaire et de l’irréel. Autant nous devons fuir le volontarisme et le pélagianisme qui nous feraient nous confier dans nos propres efforts, autant nous devons être attentifs aux divines inspirations et y consentir, autant aussi nous devons éviter le quiétisme qui nous inciterait à attendre passivement cette inspiration sans rien faire de nous-mêmes. Dieu attend de nous cet effort de notre volonté ; c’est la seule expression authentique, non illusoire, de notre désir et de notre appel vers lui ; c’est aussi la seule chose qui dépende de nous. Le succès, et à plus forte raison le goût et l’expérience de la divine présence, sont de purs dons de Dieu : nous ne saurions les provoquer artificiellement. Néanmoins, nous pouvons être certains que, « si l’âme accomplit tout ce qui dépend d’elle, il est impossible que Dieu ne fasse de son côté ce qu’il faut pour se communiquer à elle »<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#pnote-82-10" id="rev-pnote-82-10">10</a>]</sup></p>
<p>L’image la plus évocatrice de cette phase de la vie spirituelle est sans doute celle, utilisée par Thérèse de Lisieux, de l’enfant qui lève inlassablement son petit pied pour gravir un escalier aux marches trop hautes pour lui, mais qui ne se décourage pas de ses échecs, dans la certitude que son père, touché par sa bonne volonté, finira par venir le prendre dans ses bras<sup>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#pnote-82-11" id="rev-pnote-82-11">11</a>]</sup>. <a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-2/2">[…]</a></p>
<div class="footnotes"><h4 class="footnotes-title">Notes</h4>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#rev-pnote-82-1" id="pnote-82-1">1</a>] Extrait de : <strong>Nous avons vu la vraie Lumière</strong>, <a href="http://www.pagesorthodoxes.net/foi-orthodoxe/temoignage-placide-deseille.htm" hreflang="fr" title="Témoignage : étapes d'un pèlerinage vers l'Orthodoxie">père Placide Deseille</a>, <a href="http://www.lagedhomme.com/boutique/fiche_produit.cfm?ref=2-8251-0019-6&type=33&code_lg=lg_fr&num=1" hreflang="fr">L’Âge d’Homme</a></p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#rev-pnote-82-2" id="pnote-82-2">2</a>] cf. Ep., 3, 17 et Col., 2, 3</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#rev-pnote-82-3" id="pnote-82-3">3</a>] St Maxime le Confesseur, Centuries sur la charité, 4, 70 SC 9, p. 167</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#rev-pnote-82-4" id="pnote-82-4">4</a>] Apophtegmes, N. 121 Guy, p. 408, n° 40</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#rev-pnote-82-5" id="pnote-82-5">5</a>] St Dorothée de Gaza, <em>Instructions</em>, IV, 52 SC 92, p, 231</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#rev-pnote-82-6" id="pnote-82-6">6</a>] 2 Co., 6, 2</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#rev-pnote-82-7" id="pnote-82-7">7</a>] cf. Mt, 11, 12</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#rev-pnote-82-8" id="pnote-82-8">8</a>] Apophtegmes, Martin de Dumio 92 et N. 102 cf. Guy, p. 406, n. 19</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#rev-pnote-82-9" id="pnote-82-9">9</a>] St Jean Climaque, <em>L’Échelle sainte</em>, Degré 1, 12 ; PG 88, 633 c.</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#rev-pnote-82-10" id="pnote-82-10">10</a>] Jean de la Croix, <em>La vive flamme d’amour</em>, dans Œuvres spirituelles, trad. Grégoire de Saint Joseph, Paris, 1947, p. 104</p>
<p>[<a href="http://blog.orthodoxesdansloise.fr/index.php?post/2013/04/15/La-croissance-de-la-vie-dans-le-Christ-1/2#rev-pnote-82-11" id="pnote-82-11">11</a>] Références dans C. de Meester, <em>Dynamique de la Confiance</em>, Paris, 1969, p. 273</p></div>